Le 11 février dernier, huit militants écologistes d'Extinction Rébellion et Youth for climate étaient jugés en appel pour s'être introduits dans le site d'Arkema à Pierre-Bénite en mars 2024. Alors qu'ils réclamaient, entre autres, l'application du principe de précaution, ils risquent quatre à six mois de prison avec sursis. Le jugement sera rendu le 15 mai prochain. Les collectifs craignent qu'il ne fasse jurisprudence et ne durcisse davantage la répression des militants écologistes. Un décryptage de Camille Tribout.
Des arrestations violentes
Entrée dans les luttes écologistes en 2019, déserteuse après des études à Agroparistech, Lola Keraron est une des huit activistes à avoir été jugés en appel le 11 février. Le 4 mars 2024, elle s’est introduite sur une usine d’Arkema, l’un des principaux émetteurs de Pfas, et a suspendu une banderole accusant le groupe d’intoxiquer les habitants.
« Il est légitime d’enfreindre des lois pour défendre nos droits et nos milieux de vie », justifie Lola auprès de La Relève et La Peste. Le collectif dénonce la violence de leur arrestation durant laquelle ils auraient été auditionnés pendant la nuit et auraient subi des pressions psychologiques. « Cela n’aurait pas dû être notre procès, mais celui d’Arkema », écrivent dans une tribune les huit militants jugés.
Alors que le 18 juin dernier, le groupe d’activistes a d’abord été relaxé, les juges considérant que l’action relevait de la liberté d’expression, les militants ont à nouveau été jugés pour « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences ». Créée en 2010, « il s’agit d’une infraction fourre-tout », estime Maître Khallouf, l’un des avocats des militants, pour La Relève et La Peste.
« On juge un petit groupe de personnes pour des faits qui n’ont pas été commis mais on lui reproche des intentions présupposées. Cette poursuite se généralise depuis la crise des Gilets Jaunes, puis des retraites », explique-t-il.
Parmi les huit personnes accusées, trois d’entre elles se trouvaient sur le parking à l’extérieur de l’usine.
Au sud de Lyon, 3,5 tonnes de Pfas rejetés chaque année
« Sur l’année 2024, il y a eu un pic de recherches pour Arkema-Pfas sur Internet au lendemain de l’action », ajoute Maître Khallouf pour La Relève et La Peste. Comme pour la plupart des actions de désobéissance civile, les militants cherchent à trouver un écho médiatique afin d’alerter massivement sur le danger sanitaire et écologique de ces polluants éternels.
À Lyon, hotspot d’exposition aux Pfas, des associations, des groupes de riverains et les collectivités sont d’ailleurs engagés dans une bataille judiciaire afin de faire reconnaître la responsabilité d’Arkema dans la contamination des habitants. L’industriel rejetterait chaque année 3,5 tonnes de Pfas aux alentours du site d’Oullins-Pierre-Bénite. 166 000 rhodaniens seraient ainsi concernés par cette pollution.
Lola Keraron – Crédit : Camille Tribout
Criminalisation des lanceurs d’alerte
La procédure judiciaire et la répression d’État en cours semblent alors disproportionnées. Lola, l’une des centaines d’activistes à être entrés sur le site, s’inquiète de cette criminalisation des militants écologistes.
« Si l’usage de la force devient systématique, cela dissuade de manifester et affaiblit nos capacités à se mobiliser dès lors que l’on subit des injustices sociales ou environnementales. »
Lola déplore également la rhétorique criminelle qui stigmatise les organisations écologistes dans les sphères médiatiques et politiques. En février 2024, dans un rapport, un expert de l’ONU dénonçait une répression sans précédent des activistes et estime qu’elle consiste en une « menace majeure pour la démocratie ».
« S’il y a condamnation, on ouvre la porte à des dérives », conclut la militante.
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