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Après Juukan Gorge, 40 sites aborigènes risquent d’être détruits par l’industrie minière en Australie

De plus en plus, des voix s’élèvent pour démontrer le lien entre les héritages coloniaux et les destructions environnementales. L’impact de l’industrie minière sur les terres aborigènes d’Australie en est un flagrant exemple.

La sidération vient de frapper à nouveau l’Australie. Moins de deux semaines après la destruction stupéfiante de la grotte aborigène de Juukan Gorge, dans les Hammersley Ranges, le gouvernement de l’Australie-Occidentale, un État recouvrant le tiers occidental du pays, vient d’autoriser BHP, une multinationale du secteur minier, à détruire 40 autres sites appartenant au patrimoine aborigène de cette région regorgeant de parcs naturels.

La richesse des sols

Cette autorisation a été accordée dans le cadre du projet d’extension de la mine de fer de South Flank, située dans la région de Pilbara, qui abrite environ 61 000 habitants (alors que sa superficie est presque équivalente à celle de France) et dont le sol riche en matériaux rares nourrit presque exclusivement l’industrie minière et pétrolière de l’Australie.

L’extension de la mine de South Flank est destinée en priorité à augmenter l’exportation de fer haut de gamme vers la Chine, dont la demande est chaque année plus importante. Le fer, ressource la plus exportée par le pays, qui en regorge, a généré un chiffre d’affaires de 77 milliards de dollars australiens en 2019, un montant qui équivaut à 47 milliards d’euros. Une immense manne financière est en jeu.

Une recension récente estime que la population aborigène de la région de Pilbara s’élève à 7 ou 8 000 personnes, soit près de 13 % de la population. Les Aborigènes occupent le tiers est de l’État immense de l’Australie-Occidentale, et entretiennent peu d’échanges avec le reste de l’Australie.

La mine de South Flank s’étend principalement sur les terres traditionnelles du peuple Banjima, que l’on peut considérer comme l’un des doyens de l’humanité.

Crédit : yandi01 – Flickr

La prédation de leurs terres par l’industrie des minerais et des hydrocarbures remonte au XIXe siècle, mais n’a cessé de s’intensifier jusqu’à aujourd’hui, nourrie par la consommation croissante de l’humanité.

En 2015, le peuple Banjima avait conclu un accord devant déterminer les conditions d’exploitation de cette biorégion au passé millénaire ; il impliquait notamment que 72 sites d’une très grande importance culturelle pour les Aborigènes seraient définitivement protégés par la loi.

Il y a une quinzaine de jours, le géant minier Rio Tinto, pour une extension similaire à celle de BHP, a fait sauter l’une des grottes les plus anciennes de la communauté aborigène, celle de Juukan Gorge, probablement occupée par l’homme depuis 46 000 ans.

Des fouilles archéologiques avaient découvert dans cette grotte, située à 60 kilomètres de Mount Tom Price, un important village minier de la partie ouest du Pilbara, des outils datant de 28 000 ans et des objets sacrés uniques, comme une tresse vieille de quatre millénaires, composée de cheveux de plusieurs ancêtres directs des populations autochtones.

Bien que personne n’ait pu l’empêcher, la destruction légale de cette grotte patrimoniale à la dynamite a suscité une certaine indignation en Australie, d’autant que de tels sites historiques sont de moins en moins nombreux.

The destruction of the Juukan Gorge heritage site drew a public outcry against iron ore miner Rio Tinto.(ABC News : Hugh Sando)

Le 29 mai, seulement quelques jours plus tard, le ministre des Affaires étrangères de l’Australie-Occidentale, Ben Wyatt — lui-même d’origine aborigène —, a donné son feu vert à la multinationale BHP pour détruire une quarantaine d’autres sites, tandis qu’aucune loi ne permet aux Aborigènes de prendre part au processus d’approbation gouvernementale.

Ironie du sort, il a déclaré qu’il travaillait parallèlement à une réforme des lois sur le patrimoine, visant à élargir le « droit à l’autodétermination » des peuples autochtones, en les impliquant davantage dans les procédures de décision.

De plus en plus, des voix s’élèvent pour démontrer le lien entre les héritages coloniaux et les destructions environnementales. L’impact de l’industrie minière sur les terres aborigènes d’Australie en est un flagrant exemple.

Face à l’indignation publique causée par la destruction de Juukan Gorge, l’extension de la mine de South Flank est interrompue. La compagnie BHP a promis qu’elle ne commencerait pas les travaux, dans l’attente d’une expertise scientifique sur un site particulièrement crucial pour la culture du peuple Banjima. Mais certains observateurs craignent qu’une fois l’affaire étouffée, le business reprenne.

En Australie, 60 % de l’électricité est produite par l’exploitation du charbon, brûlé dans des centrales thermiques, alors que ce matériau représente l’un des pires polluants qui soit et participe directement au réchauffement climatique. Les entreprises comme Rio Tinto et BHP sont parmi les plus actives, sur le sol australien, dans ce marché qui rapporte au bas mot quelque 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an.

Ce sont donc les mêmes firmes géantes qui s’octroient les terres traditionnelles, détruisent des sites remontant à la dernière ère glacière, massacrent la biodiversité et alimentent l’aggravation continuelle des vagues de chaleur qui frappent depuis plusieurs années l’Australie, comme nous l’avons constaté cette année. Les « mégafeux » qui ont stupéfié le monde entier se sont éteints début mars. Ils auront duré presque dix mois. Mais l’industrie lourde, de son côté, continue de faire comme si de rien n’était.

Augustin Langlade

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