C’est une belle victoire qui vient couronner les efforts des femmes de chambre de l’hôtel parisien Ibis Batignolles, qui étaient en lutte depuis plus de 20 mois pour faire valoir leurs droits ! Excepté leur intégration au sein du groupe Accor, elles ont obtenu gain de cause sur l’ensemble de leurs revendications pour avoir les mêmes avantages sociaux que les salariés de l’hôtel.
Il s’agit d’un combat hautement symbolique. Alors que le rapport de force était largement inégal, les femmes de chambre, grâce à leur détermination et leur ténacité, ont réussi à faire plier le deuxième plus grand Ibis de France.
Tout a commencé en juillet 2019, quand vingt-trois femmes et un homme se sont mobilisés pour exiger de meilleures conditions de travail, et notamment le ralentissement des cadences qui leur étaient imposées pour nettoyer les chambres : 3,5 chambres à nettoyer chaque heure à l’époque ! Pendant 22 mois, ces femmes se sont battues sans répit pour faire valoir leurs droits.
L’élément déclencheur ? « Dix employées, en restriction médicale, étaient menacées de mutation. Nous étions arrivées à un moment où nous n’en pouvions plus, témoigne Sylvie Kimissa pour LeParisien. C’est un travail extrêmement pénible. Nous avions des contrats de cinq ou six heures par jour, qui correspondaient à 19 ou 21 chambres à nettoyer mais quand nous arrivions le matin, on nous en donnait quarante. Il fallait les faire, sans être payées des heures supplémentaires. »
22 mois plus tard, elles sont vingt à avoir tenu bon face aux pressions et leurs revendications ont quasi-toutes été remplies.
« Il s’agit de la plus longue lutte jamais menée par la CGT Hôtels de prestige et économiques (CGT HPE), spécialisée dans les coups d’éclat visant à obtenir de meilleurs conditions de travail dans les hôtels de la capitale. » relève Médiapart
La charge de travail est abaissée à une cadence plus humaine (avec 2 à 3 chambres à nettoyer par heure), fin des heures supplémentaires non payées, augmentation de leur tarification horaire et garantie de travailler au moins cinq heures par jour, contre quatre précédemment, entres autres avancée sociales.
Seule revendication non-obtenue : les travailleuses ne seront pas employées directement par le groupe Accor, comme elles le souhaitaient, et resteront salariés du sous-traitant du groupe, la société STN. Le géant de l’hôtellerie s’engage néanmoins « à faire garantir l’application par le sous-traitant des dispositions » de l’accord, même s’il y a un changement dudit sous-traitant dans le futur.
« Le groupe Accor a assimilé qu’il ne pouvait plus prendre des contrats au rabais qui génèrent de très mauvaises conditions de travail et de rémunération », se félicite la CGT HPE dans un communiqué, assurant que l’entreprise a compris qu’elle « ne pouvait plus traiter les salariées de la sous-traitance, qui occupent souvent les métiers les plus pénibles, comme des sous-salariées ».
En contrepartie de l’obtention de toutes ces avancées, les femmes de chambre ont consenti à mettre un terme à leur action aux prud’hommes contre Accor et son sous-traitant. En échange, leur employeur va leur verser une compensation financière, dont le montant précis reste confidentiel mais pourrait atteindre quelques milliers d’euros pour les salariées ayant le plus d’ancienneté.
« Nous avons mené des actions pendant tous ces mois, en allant dans les hôtels du groupe qui marchaient bien, même pendant le confinement, avec nos confettis et nos chants, rappelle Rachel Keke pour Médiapart. Avec la réouverture qui arrive pour ses hôtels, Accor n’a pas voulu prendre le risque qu’on gâche leur image et qu’on perturbe la reprise de l’activité. »
Au total, les salariées auront été en grève durant huit mois entiers (la CGT HPE leur versait 42 euros par jour de grève), puis placées en chômage partiel en mars 2020 en raison de la crise sanitaire. Elles ont continué leurs mobilisations sans relâche durant ces 22 mois de bataille.
Elles signeront l’accord de la victoire mardi matin. A l’heure où les inégalités sont de plus en plus criantes en France et les droits du travail sans cesse malmenés, cette victoire est un véritable souffle d’espoir pour de nombreux salariés engagés dans des luttes pour plus de justice sociale et environnementale.
Crédit photo couv : La CGT HPE