Cette année, l’Amazonie brésilienne se consume sous les flammes avec une hausse inquiétante : le nombre d’incendies a augmenté de 28% par rapport à l’an dernier. A tel point que les satellites ont détecté 1007 incendies sur la seule journée du 30 juillet, un chiffre jamais vu depuis 2005. Les causes restent les mêmes : ces incendies sont déclenchés par les propriétaires terriens, avec l’aval de Bolsonaro, pour répondre aux besoins du système alimentaire industriel occidental. Les ONG et de nombreux politiques appellent à mettre fin aux importations qui aggravent ce phénomène.
Hausse des incendies
Alors que le monde est toujours touché par le coronavirus et que l’été en France a été ponctué de nombreux incendies, ceux qui continuent de ravager l’Amazonie suscitent beaucoup moins d’émoi que l’an dernier. Pourtant, le nombre des incendies de forêt en Amazonie brésilienne a augmenté de 28% par rapport à juillet 2019, selon les données satellitaires, faisant craindre pour l’avenir de la plus grande forêt tropicale du monde.
Parmi les zones qui ont subi les dégâts des incendies, le Pantanal, un sanctuaire inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, qui abrite des centaines d’espèces, comme le caïman, le capivara, une loutre géante, ou l’anaconda jaune.
A eux seuls, les chiffres sont éloquents : l’Institut spatial national du Brésil (INPE) a recensé 6.803 incendies dans la région amazonienne en juillet 2020, contre 5.318 l’année précédente. Sur la seule journée du 30 juillet, les satellites ont repéré un record de 1.007 incendies en Amazonie, le pire jour pour un mois de juillet depuis 2005, a précisé l’ONG Greenpeace.
« Plus de mille incendies en une seule journée, c’est un record depuis 15 ans et cela montre que la stratégie du gouvernement de mener des opérations de diversion médiatique ne fonctionne pas sur le terrain. » a déclaré dans un communiqué le porte-parole de Greenpeace Brésil, Romulo Batista.
Romulo Batista fait ici référence à la mobilisation de l’armée, déployée pour envoyer des canadairs combattre le feu au mois de Mai, et au moratoire lancé par le Président Brésilien en juillet pour interdire les incendies pendant 120 jours. En effet, ce moratoire ne peut pas être efficace sans le renforcement des patrouilles sur le terrain.
Or, l’administration Bolsonaro a réduit le budget, le personnel et les programmes de l’agence environnementale brésilienne, l’Ibama, et a démantelé une grande partie des lois qui protégeaient la forêt, comme l’explique Greenpeace France :
« Ces images, ainsi que les taux records de déforestation cette année, sont le résultat escompté de la stratégie à long terme de Bolsonaro pour l’Amazonie, explique Cécile Leuba, chargée de campagne Forêts à Greenpeace France. Depuis sa prise de fonction en 2019, son gouvernement a démantelé les lois de protection de l’environnement et réduit le pouvoir des agences de protection de l’environnement, allant jusqu’à utiliser la pandémie du COVID-19 comme écran de fumée pour favoriser davantage la déforestation, l’exploitation forestière et l’exploitation minière en Amazonie. Cette administration ne fait que mettre le climat et davantage de vies en danger, en particulier celles des peuples autochtones. »
Résultat : l’Institut national de recherches spatiales brésilien (INPE) a publié dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre les derniers chiffres de la déforestation en Amazonie brésilienne, pour la période allant du 1er août 2019 au 31 juillet 2020.
La déforestation en Amazonie a augmenté de 9,5% par rapport à l’an passé ; c’est le niveau le plus élevé depuis 2008 : 11 088 km² ont été détruits, soit 626 millions d’arbres coupés.
Le rôle du système alimentaire industriel occidental
Mais le gouvernement de Bolsonaro est loin d’être le seul à blâmer dans l’exploitation et la destruction systématique d’un des plus grands organismes vivants de la planète. En effet, dans une étude de 2018, le WWF a révélé que la France a contribué à déforester 5,1 millions d’hectares, soit environ deux fois la superficie de la Bretagne, en cinq ans (2013-2018). Cela est dû à ses importations de 7 ressources : soja, cacao, bœuf & cuir, huile de palme, caoutchouc naturel, bois et pâte à papier.
« La question de la déforestation importée est intimement liée à notre modèle d’élevage industriel et à la surproduction et surconsommation de viande, d’œufs et de produits laitiers, explique Cécile Leuba, chargée de campagne Forêts à Greenpeace France. Nous importons chaque année 4,8 millions de tonnes de soja pour nourrir nos animaux d’élevage. Le gouvernement publiera dans les heures à venir sa stratégie pour les protéines végétales dont l’objectif affiché est de lutter contre la situation de totale dépendance protéique de nos élevages. Malheureusement, la question de la surproduction de viande, d’œufs et de produits laitiers a été totalement éludée. Tant que le gouvernement refusera d’examiner cette question, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que cette stratégie sera vouée à l’échec. »
Une tendance largement répandue au sein des pays de l’UE. Au total, 20% des importations européennes de soja et de viande bovine proviennent de terres déboisées illégalement au Brésil, en Amazonie et dans le Cerrado selon une étude de la revue américaine Science nommée Les pommes pourries de l’agro-business brésilien.
Et l’agro-business brésilien se fait étroitement avec l’agro-business français, comme le groupe Casino qui a contribué à la déforestation de 56 000 hectares de forêt amazonienne en 2019 à travers l’achat de viande de bœuf, selon une enquête de l’association Envol Vert.
De la même façon, des enquêtes d’Amnesty Brésil et du média indépendant Disclose montraient comment le géant du bœuf JBS écoule en Europe de la viande directement issue d’une ferme condamnée pour déforestation de l’Amazonie.
La remise en question du Mercosur, un accord de libre-échange entre l’UE et les pays membres du Mercosur, devient donc vitale pour enrayer la constante augmentation de la déforestation et des incendies.
En effet, la ratification du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), en plus de fragiliser les agriculteurs européens, ouvrirait encore plus grand la porte aux produits provenant du Brésil grâce à une baisse importante des droits de douanes liés aux exportations de viande bovine.
Et espoir, il y a. En août 2019, Emmanuel Macron avait annoncé qu’il « n’appuierait pas » l’accord en cours de négociation en expliquant que Bolsonaro avait « décidé de ne pas respecter ses engagements climatiques ». Le 3 juin, les Pays-Bas ont voté contre l’accord de libre-échange.
Lundi 9 novembre, les ministres du commerce des pays de l’UE, réunis en vidéoconférence, ont ainsi décidé de ne pas enclencher le processus de ratification de l’accord de libéralisation du commerce entre l’UE et les pays du Mercosur en raison des trop vives oppositions exprimées dans de nombreux pays. Une première victoire qui en appelle d’autres pour les nombreux membres de la société civile opposés au traité.
De leur côté, des fonds d’investissement d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Sud qui gèrent 4 000 milliards de dollars ont menacé de retirer leurs investissements face au manque de « résultats » dans la lutte contre la déforestation en Amazonie. Une menace concrète qui pourrait avoir plus d’effets que les semonces de gouvernements jugés trop colonialistes par Bolsonaro, selon la Princesse Esmaralda de Belgique qui exhorte les dirigeants à prendre leurs responsabilités.
Et le temps presse avec ce nouveau triste record : les experts du monde entier estiment que l’Amazonie se rapproche inéluctablement d’un point de non-retour au-delà duquel la plus grande forêt tropicale du monde ne sera plus en mesure de créer sa propre pluie et deviendra une savane.
Espérons que l’année 2020 ne devienne pas celle qui sonne le glas de la forêt amazonienne.