Face à la crise du logement qui sévit en Espagne, le Premier ministre Pedro Sánchez lance un plan de lutte contre la spéculation immobilière. Parmi ses mesures choc : taxer jusqu'à 100 % les logements achetés par des étrangers hors UE en Espagne.
La crise du logement en Espagne
En Espagne, la crise immobilière de 2008 a laissé des séquelles tenaces avec des milliers de constructions abandonnées. Depuis, la multiplication des fonds d’investissement et des appartements touristiques a rendu l’accès au logement quasi « impossible » pour les moins de 35 ans, selon le quotidien socialiste El País. Durant les dix dernières années, cette tranche de la population a vu les prix du secteur immobilier doubler par rapport aux salaires.
A Madrid, certains sont contraints de recourir à des « hôtels capsules » à la japonaise. Le Gallery Hostel propose ainsi à ses clients de dormir dans des boîtes de moins de 2 mètres carrés pour un forfait mensuel de 430 euros. A titre de comparaison, un loyer madrilène moyen est de 700 à 800 euros par mois pour une chambre.
Dans les grandes villes espagnoles, le prix du mètre carré peut dépasser 7 000 euros. 35 % des habitants déclarent avoir des difficultés à trouver un logement abordable. Ce chiffre est presque trois fois supérieur à la moyenne européenne. Surtout, entre 60 000 et 90 000 étrangers achètent chaque année un bien immobilier destiné à devenir une résidence secondaire ou un logement de location touristique.
« Rien qu’en 2023, les non-résidents extérieurs à l’Union européenne ont acheté 27 000 maisons et appartements en Espagne. Ils ne voulaient pas y vivre, mais plutôt spéculer et gagner de l’argent. Quelque chose que nous ne pouvons pas nous permettre dans le contexte de pénurie dans lequel nous vivons », a déclaré le premier ministre espagnol Pedro Sánchez lors d’un événement à Madrid.
Un plan de lutte contre la spéculation immobilière
A l’heure actuelle, l’Espagne ne compte que 2,5 % de logements sociaux tandis que la France en comprend 14 %. Face à ces problématiques, le Premier ministre Pedro Sánchez a déclaré lundi 13 janvier qu’il lançait un plan choc nommé la « ley de vivienda » pour garantir un logement digne et abordable aux citoyens espagnols.
Parmi les 12 mesures phares : la réhabilitation de logements qui proviendraient des parcs immobiliers abandonnés en 2012, la construction de 40 000 immeubles publics cette année, des simplifications pour que les propriétaires puissent louer leurs biens à un prix accessible, mais aussi des mesures de répression fiscale à l’encontre des étrangers hors UE et des propriétaires qui louent leur logement aux touristes.
« L’Occident est confronté à un défi décisif : ne pas devenir une société divisée en deux classes, les riches propriétaires et les pauvres locataires », a argué le Premier ministre Pedro Sánchez.
Pedro Sánchez veut notamment taxer jusqu’à 100% la valeur d’un bien immobilier s’il est acheté par un étranger ne résidant pas dans l’Union européenne. Cela reviendrait à doubler les prix des maisons pour les acheteurs britanniques et américains. Le gouvernement de coalition espagnol souhaite aussi augmenter les impôts pour les propriétaires des locations touristiques. Cette dernière mesure se base sur une nouvelle directive de l’Union européenne relative à la taxe sur la valeur ajoutée pour les plateformes numériques type Airbnb.
Pour encourager les bonnes pratiques, ce nouveau programme prévoit également une exonération fiscale pouvant aller jusqu’à 100 % pour les propriétaires qui louent leurs logements actuellement vides à un loyer suivant l’indice de référence établi par les autorités.
L’annonce de ce plan ambitieux a été salué par les associations de locataires, comme la Plataforma de Afectados por la Hipoteca (PAH), comme un pas en avant admirable. Tandis que les associations de propriétaires, comme Asval (Asociación de Propietarios de Viviendas en Alquiler), s’y opposent.
Reste à voir si ce plan sera adopté par le Parlement ibérique, où le gouvernement minoritaire de Pedro Sánchez n’a pas encore obtenu l’approbation de son budget 2025. Le Premier ministre espagnol avait réussi à faire voter en mai 2023 une loi phare sur le logement, incluant la hausse des constructions de logements sociaux, l’encadrement des loyers dans les zones tendues et des pénalités pour les propriétaires laissant leurs logements inoccupés.
Sources : « À Madrid, des “hôtels capsules” contre la crise du logement », Courrier International, 01/01/2025 / « Sobran Airbnb »: Pedro Sánchez quiere impuestos de hasta el 100% en viviendas compradas por extranjeros en España, CNN Espana, 14/01/2025, L’Espagne veut taxer les logements touristiques pour sauver les prix de l’immobilier, Euractiv, 14/01/2025