Destruction de matériel, insultes, privation d’eau et de nourriture… Les pressions que subissent les écureuils, ces militants écologistes perchés dans les arbres pour les sauver des travaux de l’autoroute A69 (qui doit relier Toulouse à Castres), augmentent de jour en jour. À ce « harcèlement » policier s’ajoute une « grave entrave à la liberté de la presse », dénoncent, dans un texte publié le 8 mars, des journalistes et médias signataires de la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique – à l’élaboration duquel La Relève et La Peste a participé. Nous publions ici ce texte dans son intégralité.
La mission d’information menée par les journalistes est un bien précieux et nécessaire dans une démocratie. À ce titre, le rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, a demandé le 29 février à ce que le travail de la presse soit facilité sur le site occupé par les opposants au projet de l’autoroute A69.
A l’issue de sa visite sur le lieu de la mobilisation, à Saïx, dans le Tarn, le rapporteur des Nations unies a pointé plusieurs atteintes aux droits de l’homme : interdiction de ravitaillement en nourriture, entraves à l’accès à l’eau potable, privation délibérée de sommeil des militants par des membres des forces de l’ordre.
Et cela, loin du regard des journalistes, non autorisés à se rendre sur ce point névralgique de la contestation.
« Lors de ma visite, j’ai pu constater que la presse et les membres de l’Observatoire toulousain des Pratiques Policières étaient tenus à une distance importante du site de la « Crem’Arbre », dans une zone avec une visibilité extrêmement limitée », a-t-il dénoncé dans sa déclaration de fin de mission
A ce titre, il demande aux autorités françaises de faciliter le travail de la presse et des observateurs, conformément aux obligations internationales de la France. Et ce, « sans restriction disproportionnée, y compris en délimitant strictement, clairement et de la manière la plus limitée possible toute zone où ils ne sont pas autorisés à accéder lors des opérations de police judiciaire ».
Les constats du rapporteur spécial des Nations Unies avaient déjà été remontés par certaines équipes de journalistes français, comme celles de France3 Occitanie qui subissent des entraves importantes à leur travail : fourgons garés devant les caméras, journalistes filmés par les forces de l’ordre, cartes de presse photographiées, intimidations. Des pratiques déjà rencontrées, il y a 9 ans, dans le nord du Tarn sur la Zad de Sivens.
« Depuis plus d’un an, les journalistes de France 3 subissent des intimidations de la part de la gendarmerie sur tous les sujets afférant à l’A69. Depuis 15 jours, ces pressions sont continues et s’accentuent avec une entrave à la circulation, des chantages divers. La préfecture du Tarn alertée à plusieurs reprises n’a pas résolu le problème de manière durable, il faut quotidiennement quémander des autorisations pour exercer notre métier », dénonce David Bobin, journaliste France3 Tarn
Sur la ZAD de la Crem’Arbre, et le long du tracé de l’A69, la liberté de la presse n’est pas garantie.
Or, elle est l’un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques qui repose sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. Cette situation va donc à l’encontre de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Alors que les auditions de la commission d’enquête parlementaire sur la construction de l’A69 ont débuté, cette entrave à la liberté de la presse est extrêmement préoccupante.
Pour un débat démocratique sain et éclairé, il est essentiel qu’un travail journalistique puisse faire la lumière sur les intérêts en jeu, les dommages causés à l’environnement et les conséquences sociales et économiques de ce projet d’autoroute.
Comme le rappelle le point 7 de la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique, « certains intérêts économiques et politiques œuvrent activement à la construction de propos qui trompent la compréhension des sujets et retardent l’action nécessaire pour affronter les bouleversements en cours. ».
Aussi, nous, journalistes signataires de ce texte, demandons aux autorités de nous laisser exercer en toute liberté notre mission d’informer autour de l’autoroute A69.