"ZACLAY" a été bâtie sur des terres agricoles de Saclay depuis mai 2021 par le collectif contre la ligne 18 du Grand Paris Express. L'objectif : préserver « des sols extrêmement fertiles, d’une qualité et d’un rendement exceptionnels, appelés à jouer un rôle vital dans la résilience de la métropole parisienne face aux chocs climatiques ». A moyen terme, le Grand Paris Expresse menace d’artificialiser « 4000 ha d’espaces naturels et agricoles ». Samedi 13 mai, ils étaient 600 à se réunir pour s'opposer à cette destruction.
La ZAD du plateau de Saclay, nommée Zaclay, se trouve au bord de la route D36 à Villiers-le-Bâcle, en pleins champs. Pour s’y rendre, il faut traverser l’immense campus Paris-Saclay qui abrite l’école Polytechnique, AgroParisTech, l’institut recherche et développement des laboratoires Servier, le siège et les centres de formation de Sanofi, Eurofins, Danone, Nokia, EDF, Carrefour, Safran, Thales.
Une zone fantôme, dont les bâtiments semblent avoir poussé dans la nuit pour former une gigantesque ville sans habitants. En un peu plus de 20 minutes de trajet en bus depuis la gare RER de Massy-Palaiseau nous croisons quatre personnes, perdues dans ce désert de béton. Nous sommes le samedi 13 mai, les employés et étudiants sont en week-end.
« Ces zones bétonisées que j’ai connues petit étaient des champs, des arbres, des bosquets, des endroits où l’on jouait au ballon. Aujourd’hui c’est de la verdure dans des bacs », se désole Loïc, étudiant de 24 ans qui habite le plateau de Saclay depuis son enfance.
Arrivé en bordure du campus, des champs à perte de vue se dévoilent et font face aux chantiers d’extension de la « Silicon Valley à la Française », dévorant irrémédiablement la nature et les parcelles agricoles. L’image est frappante.
Un immense pont en construction se détache des infrastructures en chantier et avance à travers champs. Ce pont, c’est celui de la ligne 18 du Grand Paris qui reliera l’aéroport d’Orly à Versailles et contre lequel se battent le collectif Non à la Ligne 18, les Soulèvements de la Terre, la Confédération Paysanne et une cinquantaine d’associations.
Scientifiques, militants associatifs et politiques, syndicats, élus et habitants locaux se sont réunis ce samedi 13 mai pour une manifestation autour du chantier du métro et « dire stop à l’artificialisation de 4 000 hectares d’espaces naturels, forestiers, dont 2 300 hectares de terres agricoles ».
Durant la marche, ils ont déployé des banderoles aux abords du pont et recouvert de pancartes et de peintures certaines infrastructures avant de retourner à la ZAD située dans un champ à proximité.
A l’heure où les problématiques de l’eau et de la durabilité de nos modèles agricoles sont plus que jamais d’actualité, les militants défendent « une des terres les plus fertiles d’Europe » selon Isabelle Goldringer, chercheuse en agroécologie.
« Le limon », sédiment argileux qui compose le sol, « amené depuis des milliers d’années sur le plateau de Saclay, permet une rétention d’eau optimale. »
L’été dernier, les cultures n’ont pas souffert de la sécheresse, elles n’ont pas eu besoin d’irrigation. La bétonisation entraînera des effets « irréversibles » sur ces sols.
« Un TGV régional »
Le tronçon Est de la ligne 18 est déjà sorti de terre, les travaux préliminaires de la partie Ouest ont débuté : fouilles archéologiques, études des sols. La ZAD se situe à l’endroit précis où le segment Est se finit. La construction du pont à travers ces espaces agricoles promet d’emmener dans son sillage une urbanisation insatiable.
Paradoxalement, la ligne 18 ne va pas permettre « une amélioration des transports publics dans la zone » explique Fabienne, habitante du plateau de Saclay et membre du collectif Non à la ligne 18.
Au total, le nouveau métro sera doté de 12 gares sur une distance de 50 kilomètres. C’est « un TGV régional » selon Fabienne. Paris Saclay ne disposera que de deux stations, respectivement à Polytechnique et à Moulon, distantes de plus de 2,5 km.
Pour le collectif la ligne 18 sera « un transport de transit et non un transport de desserte », bénéfiques aux seuls étudiants ou travailleurs de la zone qui devront reprendre un bus après leur arrivée en gare pour se rendre dans leurs locaux.
Le collectif estime également que la ligne « ne pourra concurrencer l’automobile pour la majorité des trajets domicile-travail ». La plupart des étudiants habitent « au sud du campus, ils prennent leurs voitures alors que la ligne 18 va d’Est en Ouest » selon Fabienne.
« C’est un appel d’air qui exacerbe les mobilités, la métropole parisienne est de plus en plus grande, le lieu de travail de plus en plus loin. Le métro express est le meilleur moyen pour transformer le territoire en ville morte ».
Dans une étude datant de juin 2020, la DRIEAT d’Ile de France (Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports) tablait sur 4 400 passagers par heure le matin à l’heure de pointe et ce en 2030 quand le campus Paris-Saclay aura atteint une expansion sans précédent. Pourtant la ligne 18 est conçue pour transporter quelque 40 000 usagers par heure.
« Ce métro coûte 4.5 milliards d’euros pour une fréquentation moyenne de maximum deux lignes de bus » selon Fabienne, qui estime que la meilleure solution aurait été de créer ces deux lignes de bus au départ des gares du RER B.
« Il n’y a plus de débat démocratique »
Face à ce torrent de béton, Benoît Houillon, le maire de Magny-les-Hameaux, commune du plateau de Saclay, est démuni.
« Je lutte depuis plusieurs années pour sauvegarder ces terres agricoles, mais il est devenu impossible de se faire entendre face au Frankestein créé par les législateurs de la Société du Grand Paris. »
Le Projet a été imposé à la population malgré une majorité d’avis défavorables lors des enquêtes publiques. Les élus et associations ont tenté des recours mais tous ont été jugés irrecevables, supplantés par le classement du site en tant qu’Opération d’Intérêt National.
« Il n’y a plus de débat démocratique et le seul moyen de préserver le territoire est aujourd’hui de soutenir les collectifs comme celui de Zaclay », explique Benoît Houillon.
Chloé Gerbier, une militante de Terre de Luttes confirme ces propos : « aujourd’hui les vraies victoires ne peuvent se faire qu’au niveau local. Au niveau national, ce n’est plus possible. Sur la loi climat on s’est battus, on s’est pris une porte dans la gueule ».
Le meilleur moyen de lutter est de « se battre sur le territoire contre les symptômes des luttes mortifères » selon elle.
Si l’on additionne les 500 budgets de la carte des luttes locales contre les projets inutiles de Reporterre « on n’atteindra jamais les objectifs de limite de l’artificialisation des terres prévus par le ZAN en 2050 », assène Chloé Gerbier.
Le ZAN, Zéro artificialisation nette, est un dispositif étatique censé atteindre un équilibre entre les terres artificialisées et les terres renaturalisées. Ce ZAN est d’ailleurs très limité puisque la renaturalisation d’une parcelle n’équivaut pas à la destruction d’un écosystème riche.
Ce qui donne toujours plus d’arguments aux militants locaux, aux zadistes, aux associatifs, aux scientifiques de plus en plus nombreux, qui défendent la nature à travers la France.