Obligés de battre en retraite, ils ont ensuite bloqué les différents points d’accès de la rue Cardinet (8ème arrondissement de Paris) où se situe la salle Pleyel. Les actionnaires sont arrivés au compte-goutte au fur et à mesure qu’approchait les 10h, marquant le début de l’Assemblée Générale.

Qualifiés « d’écoterroristes » ou de « criminels », hués par les activistes, ils ont été escortés par les forces de l’ordre à grands coups de gaz lacrymogène afin atteindre l’entrée des lieux.

Peu d’actionnaires ont eu le courage de s’arrêter pour discuter avec la foule. Les quelques-uns qui ont daigné répondre aux interpellations des manifestants ont été assez vindicatifs : « vous nous faites chier » dit l’un d’entre eux, « ce sont des cons » réponds un autre à un journaliste, un dernier, interpellé directement par François Gemenne, un des co-auteurs du rapport du Giec, dit ne « pas croire au réchauffement climatique ».

Nombreux incidents entre manifestants et actionnaires à l’AG de #Total à Paris. Ces derniers bousculent les activistes, qui bloquent l’entrée pour protester contre les projets pétroliers et méthaniers de l’entreprise. pic.twitter.com/EadmiENM2A

— Pierre Tremblay (@tremblay_p) May 26, 2023

Total vote la poursuite de sa politique écocidaire

Pourquoi est-il important d’être là ? « Parce qu’avec Total nous sommes en route vers l’enfer climatique » nous répond une militante. Pourtant, malgré les actions répétées des différentes associations ces derniers mois, notamment celles d’Extinction Rebellion avec ses campagnes « Carnage Total » et « Banques trop crades », les actionnaires de l’entreprise française ont voté ce vendredi 26 mai la poursuite de la politique Scope 3 de « réduction des émissions » du groupe.

Cette politique, qui prévoit une diminution des émissions carbones de l’entreprise en 2030 par rapport à 2015, est « très loin d’être suffisante » selon Christine Blondel, chercheuse en physique et histoire des sciences, membre des Scientifiques en Rebellion. Pire encore, Total va augmenter ses investissements dans les énergies fossiles de 8% d’ici 2030.

Au micro de France Culture en février dernier, son PDG, Patrick Pouyané déclarait « La demande en pétrole va continuer d’augmenter, il faut bien la fournir »

Le projet Eacop, le plus grand oléoduc mondial traversant l’Ouganda et la Tanzanie, en est un des symboles. Total a déjà reçu l’autorisation de forage par le gouvernement Ougandais. Quelque 400 puits seront exploités. 216 000 barils de pétrole sortiront de terre tous les jours.

Pour réduire ses émissions tout en continuant de croître, l’entreprise prévoit une baisse de 40% de son bilan carbone lié au pétrole mais aussi une forte croissance de sa production de gaz naturel liquéfié, ressource fossile jugée comme « faible » en émission de CO2.

« Un mensonge » nous explique Jérôme Guilet, astrophysicien, membre des Scientifiques en Rebellion, « c’est un argument qui est utilisé pour éviter de faire une transition justement ».

Des fuites ont lieu « tout au long de la production : au moment de l’extraction, au niveau des gazoducs, au moment de la liquéfaction », poursuit-il. Selon lui, « si on met tout cela bout à bout ce n’est pas mieux que le charbon ». Il suffit que « 3% de la production s’échappe », pour que le bilan carbone soit « le même que celui des autres énergies fossiles ».

Total continue d’investir dans de nouveaux projets qui créeront, à terme, de nouvelles « bombes climatiques ». Les exploitations déjà existantes de gisement d’énergies fossiles ne nous permettent pas de respecter la limitation du réchauffement climatique à 1,5 degrés prévu par l’accord de Paris selon le dernier rapport du Giec.

Une actionnaire force de le barrage contre l'AG Total#AGTotal pic.twitter.com/KM2x6KVybH

— Arnaud César Vilette (@ArnaudCesarV) May 26, 2023

Malgré ce constat, 195 nouveaux projets sont prévus par les grands groupes d’hydrocarbures. 60 % d’entre eux ont d’ores et déjà débuté.

Total a pourtant les moyens d’opérer une transition économique et écologique radicale. Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’entreprise a empoché 36 milliards de superprofits dopés par l’inflation, dont 9,4 milliards sont allés directement dans la poche des actionnaires.

🔴 ALERTE – Les gendarmes déposent une grenade lacrymogène au milieu d’un groupe de militants assis, menottés et non violent pour les évacuer.

Action pour bloquer l’AG de Total. pic.twitter.com/gf1dSp83XE

— Clément Lanot (@ClementLanot) May 26, 2023

D’autant plus que Total n’a pas payé d’impôt sur les sociétés en France depuis une dizaine d’années. Pourquoi ? Parce que malgré le fait que son siège social soit installé en France, les bénéfices qu’elle émet se font principalement à l’étranger, la macronie refuse donc catégoriquement de taxer ses superprofits.

« Aujourd’hui on se bat contre Total mais aussi contre l’Etat qui finance les nouveaux projets d’importation de gaz comme le terminal d’importation de gaz de schiste au Havre » précise Jérôme Guilet.

Compte tenu de l’inaction de l’Etat et des grandes entreprises, il est vital pour lui et pour de plus en plus de scientifiques de prôner la « désobéissance civile aux côtés d’autres organisations, c’est notre rôle de lutter avec ceux qui portent le message scientifique ».