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En Bretagne, les premiers parcs éoliens gérés à 100% par les habitants couvrent les besoins en électricité de 20 300 personnes

« La motivation initiale était d’avoir un projet local. C’est une énergie produite sur place, avec des citoyens du territoire qui gèrent les sociétés comme Bégawatts »

À Béganne, dans le Morbihan, plus d’un millier d’habitants se sont mobilisés pour que le premier parc éolien citoyen de France sorte de terre. Inauguré en 2014, ce projet n’a connu aucun recours en justice. Depuis, d’autres parcs de ce type ont émergé dans la région. Entretien avec Edgar Wolf, bénévole pour l’association Énergies citoyennes en Pays de Vilaine, à l’origine de ce succès. 

Se rassembler

Au début de cette aventure, il y a un couple de maraîchers de Ste Anne-sur-Vilaine qui rêve de produire une énergie propre. Ils envisagent d’abord d’installer une éolienne dans leur jardin, mais le projet devient bientôt collectif. Avec une vingtaine de citoyens du territoire, ils fondent l’association Énergies citoyennes en Pays de Vilaine (EPV), en 2003. 

« Et finalement, ils ont envisagé un grand projet pour le territoire. C’est là qu’est venue l’idée de créer un parc éolien, sur l’inspiration de modèles qui existaient déjà depuis longtemps dans des pays comme l’Allemagne », raconte Edgar Wolf, bénévole pour EPV.

Lui-même a rejoint l’association il y a 12 ans, suite à une réunion publique.

« Aujourd’hui je fais presque un mi-temps bénévole. On est une bonne vingtaine d’actifs très impliqués, et on peut aussi compter sur une cinquantaine de personnes investies de manière plus occasionnelle ». 

L’association regroupe aussi bien des agriculteurs que des enseignants, informaticiens, sages-femmes ou agents territoriaux. La raison d’être d’EPV, et ce depuis le départ, est non seulement de se réapproprier l’énergie en la rendant plus verte, mais aussi de réfléchir ensemble aux moyens de réduire la consommation d’électricité.

Crédit : Association EPV – EnR Citoyennes

Mobiliser

Bégawatts, le parc éolien de Béganne, a mis 11 ans à se construire. 

« Tout était nouveau, ça ne s’était jamais fait en France », rappelle Edgar Wolf. « Les autorisations étaient difficiles à obtenir, les banques étaient frileuses. Il a fallu beaucoup de courage et de persistance ». 

Recruter des bénévoles et acquérir les compétences techniques et financières a également été nécessaire.

« Ça s’est fait petit à petit par des formations et par le recrutement de personnes ayant des compétences spécifiques. En 2014, la production a finalement commencé, après l’obtention de toutes les autorisations ». 

La mobilisation financière des citoyens n’a pas non plus été facile.

« Les citoyens se sont retrouvés autour d’un projet pour lequel les banques n’étaient pas disposées à prêter. Il a fallu collecter au moins 2,5 millions de capital propre pour obtenir l’emprunt bancaire ». 

Quelques années plus tard, les quatre éoliennes citoyennes produisent près de 17 000 mégawattheures, de quoi couvrir les besoins en électricité de 6000 habitants, tous usages confondus.

Vue aérienne – Crédit : Association EPV – EnR Citoyennes

Essaimer et fédérer

Parallèlement, d’autres projets se sont initiés. Le parc d’Isac-Watts, mis en service en 2016 et la ferme éolienne d’Avessac, en 2017. Au total, une douzaine d’éoliennes produisent de l’énergie dans les 3 parcs. Accompagnés par l’association, 2 projets de 3 éoliennes chacun sont en développement. 

« Bégawatts a essuyé tous les plâtres. Le 2e projet a mis moitié moins de temps à se faire, et aujourd’hui on n’a plus de problème à trouver une banque prête à soutenir le projet ». 

La production des trois parcs permet de couvrir la consommation d’électricité tous usages de 20 300 habitants, autrement dit l’ensemble de la population des communes de Redon, Avessac, Béganne, Allaire, Sévérac et Guenrouët.

Fait rarissime, les projets n’ont connu aucun recours en justice.

« Le facteur essentiel depuis le début, qui a contribué au fait qu’il n’y ait eu que très peu de réactions négatives autour des projets, c’est l’implication des riverains. Des réunions publiques ont été organisées dès le développement du projet pour tenir au courant la population, expliquer, proposer de rejoindre les actionnaires ». 

Tout au long de leur développement, les porteurs des projets s’efforcent de rester à l’écoute des appréhensions. 

« À Avessac, par exemple, nous avons fait intervenir un géobiologue qui a constaté la présence d’une microfaille sur le terrain. Celle-ci pouvant provoquer des problèmes liés au champ magnétique, il valait mieux ne pas installer l’éolienne à cet endroit. On avait déjà commencé à creuser pour les fondations, mais on a déplacé l’éolienne de 50 mètres ».

Une précaution qui n’est pourtant pas obligatoire en France. 

Jour de l’inauguration – Crédit : Association EPV – EnR Citoyennes

Maîtriser le coût et l’impact environnemental

Par ailleurs, les projets soutenus par EPV répondent à toutes les exigences prévues par la loi : enquêtes environnementales, protection des oiseaux, des chauves-souris, des espèces animales et végétales en danger. 

« Depuis la mise en service, on continue d’y faire attention. On travaille étroitement avec la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). Il nous est arrivé par exemple d’arrêter les machines de Bégawatts pendant plus d’une semaine parce qu’on avait trouvé une chauve-souris morte ». 

Afin de protéger les chauves-souris, un dispositif informatique a été installé cette année. Repérant les ondes que celles-ci émettent en s’approchant d’une éolienne, il peut déclencher le ralentissement ou l’arrêt d’une machine pendant quelques heures. 

« C’est parfois très complexe, mais on cherche toujours des solutions pour éviter les nuisances que l’on peut éviter et pour que le projet reste acceptable par les riverains ». 

Finalement, comment expliquer que des citoyens en viennent à payer des infrastructures énergétiques à la place de l’État ?

« La motivation initiale était d’avoir un projet local. C’est une énergie produite sur place, avec des citoyens du territoire qui gèrent les sociétés comme Bégawatts. Ce sont aussi des retombées financières pour le territoire, puisque les sociétés paient des impôts locaux. À cela s’ajoutent les emplois créés et les dividendes versés aux actionnaires (des citoyens), qui restent aussi sur le territoire ». 

Au final, comme le souligne Philippe Guillouët, président de Bégawatts en 2021 : “Plus que la rentabilité financière, le succès de la mobilisation citoyenne repose sur la volonté de prendre en charge eux-mêmes leur énergie”.

Marine Wolf

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