Le 31 janvier 2023, Bayer-Monsanto a fait une demande d’intervention aux côtés de l’État français, attaqué en justice par 5 ONG pour ses manquements dans la protection de la biodiversité. Elle a été acceptée ce 10 février au nom de Phyteis, le plus gros lobby de l’agrochimie. Pour les associations, cette demande d’intervention a pour but de défendre les intérêts de l’agrochimie au détriment de la biodiversité.
Le lundi 10 janvier 2022, les associations environnementales POLLINIS, Notre Affaire à Tous, ASPAS, Anper-Tos et Biodiversité sous nos pieds ont engagé une action administrative contre l’Etat français pour inaction face à l’effondrement de la biodiversité.
Selon les associations, dans son mémoire en défense déposé le 19 décembre 2022, l’État français a rejeté la responsabilité de la régulation des pesticides sur l’Union européenne (par une absence de marge de manœuvres laissées aux États membres par celle-ci), et a minimisé le rôle joué par les pesticides dans l’effondrement de la biodiversité.
Or, le droit de l’Union européenne confie aux États la compétence pour évaluer et autoriser les produits phytopharmaceutiques, c’est pourquoi d’autres États ont déjà choisi d’appliquer un schéma plus protecteur en matière d’évaluation des risques des pesticides pour les abeilles, notamment en Belgique : la preuve d’une ligne de défense juridiquement et scientifiquement infondée.
Le 31 janvier 2023, le numéro 2 mondial des pesticides, Bayer-Monsanto, a déposé une demande d’intervention aux côtés de l’Etat français au Tribunal administratif de Paris. L’intervention en défense du géant de l’agrochimie allemand, Bayer, qui a absorbé Monsanto en 2018, permettrait à l’État de bénéficier des arguments et des moyens de l’entreprise.
Bayer Crop Science est le deuxième producteur mondial de pesticides chimiques. En 2021, la division agrochimique du groupe a réalisé 414,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en France. L’entreprise consacre entre 300 000 et 400 000 euros en lobbying auprès des institutions et représentants politiques français.
Les associations ont commenté dans un communiqué : « La demande d’intervention de Bayer montre que les procédures d’évaluation et de mise sur le marché des pesticides répondent aux impératifs économiques des firmes de l’agrochimie, et non à l’obligation de protéger la biodiversité contre ces substances toxiques. Tandis que l’agrochimie se range du côté de l’inaction de l’État, nous continuerons à défendre devant la justice la biodiversité et les intérêts du Vivant. »
Déposée à la toute dernière minute avant la clôture de l’instruction, la demande d’intervention a été finalement acceptée au nom de Phyteis, le plus gros lobby de l’agrochimie.
Une motivation à la fois juridique, un secteur entier a plus de légitimité à agir qu’une entreprise en son nom propre, mais aussi médiatique : si le nom de Bayer-Monsanto est invisibilisé, alors l’indignation publique sera moins forte.
John Philipot, président de l’ANPER-TOS en Normandie, précise : « D’Allemagne aux Etats-Unis, Bayer est attaquée pour ses atteintes à l’environnement. Ce n’était pas l’objet de notre recours, nous étions dans un contentieux contre l’État pour faire reconnaître sa carence fautive dans l’effondrement de la biodiversité. La demande d’intervention du lobby de l’agrochimie nous précipite dans un autre paradigme : nous allons donc peut-être aussi faire face au géant des pesticides, aux côtés de l’État. Là est la preuve de la solidité de notre argumentation, et de la pertinence de notre action contre les impacts destructeurs des produits phytosanitaires, notamment sur les fonctions écologiques de l’eau. »
Ce coup de théâtre repousse la date de clôture d’inscription du recours « Justice pour le vivant » au 13 mars. Les associations requérantes ont donc un mois pour étudier le mémoire déposé par le lobby de l’agrochimie et préparer leurs arguments afin d’essayer d’empêcher sa participation au procès.