Suite aux annonces d’Emmanuel Macron, l’Assemblée nationale vient de faire un pas supplémentaire crucial pour la protection des Océans. Dans une résolution adoptée à la majorité absolue, les députés enjoignent le « gouvernement à défendre un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins ». L’objectif : protéger l’Océan de la course au forage des métaux rares dans les abysses.
Mardi 17 janvier, par 215 voix pour et 56 contre, les députés ont adopté à la majorité absolue la résolution déposée par le député Nicolas Thierry élu écologiste de Gironde le lundi 7 novembre. L’enjeu du vote : demander un moratoire sur l’exploitation industrielle des fonds marins, le pousser à échelle internationale, et débuter un processus de réforme de l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM), fustigée pour son opacité et ses conflits d’intérêt.
Aboutissement d’un travail de 6 mois mené conjointement par les élus, des activistes et des scientifiques, l’enjeu est immense : il s’agit de protéger les fonds marins, menacés par le démarrage de l’exploitation minière à échelle industrielle en juillet 2023.
L’exploitation minière en eaux profondes, ou deep-sea mining, consiste à aller chercher dans les sous-sols de l’Océan des minéraux et terres rares, notamment du nickel, du cobalt, du cuivre et du manganèse, qui entrent dans la composition de différents appareils électroniques et de nouvelles technologies.
Or, l’extraction de métaux stratégiques dans les abysses, les zones « les moins accessibles de la planète, et donc les moins connues sur terre », est un danger immense pour la sauvegarde des écosystèmes océaniques, et de la capacité de l’Océan à séquestrer le carbone et émettre de l’oxygène.
« Il ne peut pas y avoir d’exploitation minière sans dommages irréversibles pour les écosystèmes marins », a résumé Hervé Berville, secrétaire d’Etat chargé de la mer, lors des conclusions du vote. Par souci de « cohérence et de crédibilité », la France va donc mettre fin à un projet de démonstrateur d’exploitation sous-marine afin de montrer l’exemple dans ses propres eaux.
« L’adoption de cette résolution est une étape cruciale car la France est la deuxième puissance maritime. Il y a 6 mois, aucun pays ne s’était prononcé contre l’exploitation minière des fonds marins, aujourd’hui ils sont plus de 12. On est à quelques pays de la victoire » explique Anne-Sophie Roux, activiste pour les fonds marins, pour La Relève et La Peste
Or, le temps presse. En juin 2021, l’entreprise minière canadienne The Metals Company (TMC) et l’État insulaire de Nauru ont lancé un compte à rebours de deux ans à l’AIFM pour achever l’adoption des règles, règlements et procédures nécessaires afin d’ouvrir la voie à la délivrance des permis d’exploitation des grands fonds marins en juillet 2023.
Le calendrier politique a d’ailleurs été bousculé par des vidéos ayant fuité de la compagnie canadienne TMC ayant commencé à forer les fonds marins pour faire de premiers tests et récupérer 3 000 tonnes de nodules polymétalliques. La communauté scientifique a dénonce l’impact écocidaire des rejets de sédiments toxiques directement à la surface de l’eau par l’entreprise.
« Les profondeurs marines sont un habitat dans lequel tout, absolument tout, se passe très, très lentement. Les traces laissées par un équipement en provenance des premières expéditions dans les fonds marins dans les années 80 sont encore visibles à présent comme si elles avaient été faites hier. Il faut un million d’années aux nodules de manganèse, ces pépites de métal précieux du fond des océans, pour grandir ne serait-ce que de 5 à 20 millimètres. Les écologistes préviennent que tout ce qui est détruit ne se régénèrera pas avant longtemps, et peut-être même jamais. » nous avertit ainsi la Fondation Heinrich-Böll-Stiftung dans son atlas 2018 sur l’Océan.
« Nous avons tous été indignés de voir que l’entreprise ne respecte pas les quelques règles qui lui sont imposées, à savoir rejeter ces déchets dans les profondeurs. Leur sentiment d’impunité assez élevé montre la nécessité d’empêcher le deep sea mining à l’échelle industrielle. On ne sait pas encore quelle ampleur ça aura, les impacts seront impossibles à maîtriser en terme de biodiversité et de climat d’où la nécessité d’avoir un moratoire car personne ne va vérifier ce qu’il se passe à 4000mètres de profondeur : qu’il y ait des règlements solides n’y changera rien » détaille Anne-Sophie Roux, activiste pour les fonds marins, pour La Relève et La Peste
Prochaines étapes cruciales : du 16 au 31 mars, une session de négociations avec l’AIFM aura lieu à Kingston en Jamaïque. Les activistes veulent convaincre le maximum de pays à rejoindre la coalition d’États opposée au deep sea mining. Ce mouvement est parti des Iles du Pacifique qui sont en première ligne de l’impact direct de l’exploitation minière, tout comme les créatures magiques qui peuplent les abysses.
« C’est la magie des fonds marins qui m’a poussé à rejoindre ce combat. J’ai vu les images des expéditions de la biologiste marine Diva Amon qui montrait des images de méduses fluorescentes, de plancton bioluminescent, de poissons avec la peau transparente pour voir au-dessus d’eux… des êtres presque semblables à des aliens. La beauté de ce monde inconnu m’a fasciné. On a déjà tout un monde à explorer sous nos pieds avant d’aller lancer des navettes sur Mars » plaide Anne-Sophie Roux, activiste pour les fonds marins, pour La Relève et La Peste
Prochaine étape pour les activistes : répliquer leur action « look down » dans les pays stratégiques que sont la Belgique, l’Italie, le Canada, la Suisse, Monaco, les Pays Bas pour les convaincre de rejoindre le moratoire.