« C’est massacre à la tronçonneuse ! » À Septeuil, dans les Yvelines, plusieurs associations environnementales alertent sur la coupe précipitée – et peut-être illégale – de centaines d’arbres sur des parcelles protégées. Prétextant des coupes sanitaires, la mairie refuse de prendre un arrêté d’interruption des travaux.
C’est un drame pour la petite commune de Septeuil, au sud de Mantes. Entre début octobre et début novembre, environ 250 chênes, pour certains vieux de 180 à 200 ans, ont été abattus sur une trentaine de parcelles privées, pourtant identifiées comme espaces boisés classés (EBC).
Sauvons la Tournelle, Sauvons les Yvelines et JADE, trois associations locales de défense de l’environnement, tentent depuis plusieurs semaines d’arrêter le massacre. En vain. Aucun de leurs arguments n’a convaincu Dominique Rivière, maire de Septeuil, de prendre cet arrêté interruptif de travaux (AIT) qui permettrait de contrôler la légalité de ces coupes.
De louches concessions
Créé par le Code de l’urbanisme, le statut d’EBC interdit les changements d’affectation ou d’occupation du sol des boisements protégés, mais y autorise les coupes sanitaires ou de sécurité. Pour ce faire, le propriétaire est contraint de déposer en mairie des demandes préalables précisant l’objet de la coupe, l’entreprise mandatée et les motivations de celle-ci.
Dans le cas de Septeuil, Dominique Rivière a plusieurs fois affirmé aux médias que ces demandes avaient été validées par les services municipaux.
« Il s’agit de bosquets privés, pas communaux, déplorait le maire au site 78actu, le 26 octobre. Tant que les propriétaires respectent les règles en coupant moins de la moitié des arbres d’une parcelle, je ne peux rien faire. »
Chez les défenseurs de l’environnement, c’est un autre son de cloche. Président de Sauvons les Yvelines, Philippe Heurtevent estime que les coupes ont été faites « dans l’illégalité totale ».
« Les services de la mairie ont dit avoir reçu des demandes préalables caviardées, c’est-à-dire que des autocollants cachaient des informations cruciales, explique-t-il au Parisien. Rien que ça, c’est déjà un motif de refus. »
L’ancien maire de la ville d’Auteuil-le-Roi, non loin de Septeuil, s’interroge aussi sur la façon dont la propriétaire, « aveugle » et âgée « de 87 ans », a pu signer un contrat avec l’exploitant forestier.
Des parcelles saccagées
Présidente de Sauvons la Tournelle, Virginie Meurisse affirme quant à elle que les arbres n’étaient ni malades ni dangereux.
À la demande de son association, un expert en gestion du patrimoine arboré s’est rendu sur place, et son rapport est clair : les chênes au sol étaient pour la plupart en excellente santé. Sur certaines parcelles, au lieu de coupes localisées comme il était prévu, la quasi-totalité des arbres de haute futaie ont été abattus, majoritairement des chênes sains, d’avenir ou semenciers.
Branchages cassés, troncs endommagés, sol tassé, arbres exposés : les dix hectares de parcelles ont été saccagés par l’exploitant forestier.
Pour les associations, nul doute, il s’agit bien d’une coupe de récolte, et le passage « vite fait mal fait » de l’entreprise, écrit Virginie Meurisse dans un communiqué, va « sérieusement compromettre la régénération de ces espaces boisés ».
Faute de réaction de la préfecture, qui se défausse sur la mairie, les associations de défense de l’environnement ont annoncé, début novembre, avoir déposé plainte auprès de la procureure de la République de Versailles. Si leurs recours sont classés sans suite, elles prévoient déjà de se constituer partie civile et de saisir un juge d’instruction.
De plus en plus de pillages
« Depuis qu’on a dévoilé l’affaire, les coupes d’arbres se sont accélérées », regrette Philippe Heurtevent auprès du Parisien.
L’exploitant forestier se dépêche-t-il d’abattre le plus de chênes possible pour mettre les pouvoirs publics, si une enquête préliminaire est ouverte, devant le fait accompli ?
Les intérêts financiers sont colossaux. En octobre, lors d’une vente aux enchères organisée à Cérilly, dans l’Allier, un lot de 239 chênes plantés sous la Restauration, il y a donc plus de 200 ans, s’est envolé pour la coquette somme d’un million d’euros.
Plus les arbres sont vieux, plus ils sont rares et chers, et plus ils sont menacés par les abattages illégaux, ou du moins, comme à Septeuil, à la frontière de la légalité.
En décembre 2021, toujours dans les Yvelines, une entreprise autorisée à prélever, dans le bois de Grosrouvre, une centaine d’arbres d’essences différentes s’était emparée de 96 chênes centenaires, dégradant au passage – et dramatiquement – la nature environnante.
De tels pillages sont de plus en plus fréquents, notamment parce que la demande en bois augmente plus vite que se renouvellent les forêts. Avec ses 17 millions d’hectares de couverts forestiers, la France est-elle préparée ?
Crédit Photo couv – Association JADE