Sur l’île de Groix, commune bretonne, les abeilles bénéficient de conditions de vie remarquables dans un environnement naturel protégé, quasiment exempt de pesticides, d’agriculture et d’apiculture intensives. Face à l’importation d’autres espèces qui pourraient engendrer une hybridation affaiblissante, l’introduction d’un matériel apicole usagé et l’installation d’apiculteurs aux pratiques plus intensives, les associations, scientifiques et représentants politiques locaux lancent un appel pour une protection juridique forte, afin d’assurer la sauvegarde d’espèces endémiques de l’île, fruit de millénaires d’adaptation aux climats locaux.
Depuis 2019, l’association Pollinis mène des recherches scientifiques sur Groix afin de documenter les méthodes de protection des pollinisateurs. Le 9 juillet 2022, un festival des pollinisateurs et des abeilles a été organisé pour rassembler d’éminents biologistes, entomologistes et écologues qui ont pu partager leurs recherches scientifiques. Une vingtaine de conférences, une exposition et des ateliers participatifs ont eu lieu.
A cette occasion, un appel a été lancé par une vingtaine de scientifiques de renommée et Pollinis pour la mise en place d’une protection juridique forte des pollinisateurs de l’île. L’ensemble des acteurs ainsi que des citoyens se sont mobilisés massivement, et Pollinis estime que la protection de l’île devrait être renforcée rapidement.
L’arrêté municipal qui protège les espèces n’est aujourd’hui pas suffisant pour garantir la protection des pollinisateurs, notamment l’abeille noire, dont l’île est aujourd’hui le dernier abri en France.
Lysiane Métayer, la députée du Morbihan, a déclaré : « La protection des colonies d’abeilles noires de Groix doit être renforcée par la mise en place d’un cadre règlementaire fort assorti de moyens de police de l’environnement, efficaces. En complément de l’arrêté municipal de 2008, je vais donc saisir l’État pour mettre en place un arrêté préfectoral interdisant l’introduction d’abeilles exogènes sur l’île. »
Cette abeille fait partie de l’espèce endémique Apis mellifera mellifera au patrimoine génétique le plus préservé de l’hybridation, et qui comprend une grande diversité de pollinisateurs sauvages. Ces dernières parviennent à cohabiter avec l’espèce d’acarien parasite Varroa destructor, qui décime les colonies d’abeilles mellifères dans la plupart des régions du monde, et ici sans intervention humaine ni traitement chimique.
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La fragmentation des habitats, les pesticides, le dérèglement climatique et la multiplication des parasites et des espèces envahissantes continuent de contribuer massivement à la diminution des pollinisateurs de part le monde.
La situation naturelle de Groix, où les abeilles noires vivent et meurent sans intervention humaine, est exceptionnelle et un espoir pour les espèces endémiques et leurs habitats de par le monde.
Le Maître de conférence à l’Institut méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie Marine et Continentale Benoît Geslin, qui a soutenu l’appel des scientifiques, a détaillé :
« L’île de Groix abrite aussi une diversité exceptionnelle d’abeilles sauvages qu’il nous faut protéger. Une étude menée actuellement par l’écologue Violette Le Féon a déjà permis d’inventorier plus de 80 espèces sur ce territoire de seulement 15 km², qui concentre donc à lui seul une vaste partie des 275 espèces connues sur l’ensemble du Massif armoricain. »
Pour soutenir les efforts mis en place, Pollinis et l’Association de Sauvegarde de l’Abeille Noire de Groix ont lancé une pétition adressée au ministre de l’Agriculture et au ministre de la Transition écologique.
Elles demandent l’installation :
- d’une législation forte qui encadre fermement toute importation d’abeilles sur l’île ainsi que le matériel apicole, et proscrit toute pratique d’élevage intensif, comme l’insémination artificielle des reines, la manipulation génétique ou la sélection artificielle des colonies d’abeilles
- d’un comité scientifique de naturalistes conseil pour tous les apiculteurs îliens, et garant de la préservation des abeilles locales et de tous les insectes pollinisateurs présents sur l’île
- ainsi que des sanctions dissuasives pour ceux qui ne respectent pas ces règles, et les moyens pour les autorités locales de les faire appliquer, pour rendre possible et durable la protection des précieux insectes pollinisateurs de Groix et de toute la biodiversité florale et animale qui en dépend.
L’objectif est avant tout de parvenir à l’interdiction de toute introduction d’abeille exogène et l’utilisation de matériel apicole endommagé, vecteurs potentiels de nouveaux pathogènes, parasites ou maladies, qui menaçeraient la coexistence des 80 espèces d’abeilles qui vivent sur l’île de Groix. La pétition a désormais atteint plus de 80 000 signatures.
Crédit photo couv : Apiculteurs du Conservatoire de l’abeille noire de Groix – Ile de Groix