Dans les Landes, un papa inquiet face à la crise écologique a décidé d’agir. Il a proposé à plusieurs communes et écoles de créer des vergers communaux en libre accès, comme il y en avait souvent autrefois dans les villages du département et ailleurs. A Uza, Mézos et Lit-et-Mixe, mairies et écoles ont répondu positivement à son idée et ont planté chacune 10 à 15 arbres fruitiers. Le début d’une longue aventure qui doit se développer au fur et à mesure des années.
Des vergers communaux
Tout est venu d’un souvenir vieux de 20 ans : celui d’un magnifique verger avec de nombreux fruitiers immenses, comme des cerisiers et des figuiers, dans le jardin d’une maison qu’il louait à Toulouse. 20 ans après, Jean Pierre Garbisu, un papa préoccupé pour l’avenir de ses enfants, a décidé de proposer à plusieurs écoles landaises de mettre en place des vergers communaux, avec succès !
« Vivre auprès de ce verger m’a donné l’envie de transmettre moi aussi sur le long terme : les fruitiers que l’on plante aujourd’hui profiteront à d’autres demain. Dans le coin où je vis, il y a toute cette forêt mais les communs ont beaucoup diminué avec Napoléon III et la privatisation de la forêt ; alors qu’avant les landais vivaient en petite communauté sur des lieux partagés qu’on appelait airial, un hameau composé de plusieurs maisons landaises. Alors je me suis dit : essayons déjà de replanter des fruitiers pour tous ! » explique Jean Pierre Garbisu pour La Relève et La Peste
Faute de temps disponible, Jean Pierre n’a pas voulu monter d’association, sa démarche est donc citoyenne. Avant l’été 2021, il a rencontré plusieurs instituteurs et élus susceptibles d’êtres sensibles à la démarche. L’enthousiasme a été général, avec des envies différentes selon les parties prenantes.
« Sensibiliser les élèves à la biodiversité, leur offrir des expériences sensibles avec la nature, les éveiller à une conscience globale du monde qui les entoure fait partie de nos missions primordiales aujourd’hui, au vu de l’urgence climatique et écologique. Quelle meilleure manière de devenir acteur de demain en mettant les mains dans la terre ? » explique Amélie Merville, institutrice à Lit-et-Mixe, pour La Relève et La Peste
« Les institutrices voient l’occasion de développer des projets pédagogiques autour de l’arbre sur le long terme tandis qu’à Mézos, une élue veut ajouter des bancs pour que les villageois puissent se retrouver sous les fruitiers. Il y a vraiment l’idée que cela devienne des espaces communs, de remettre de la vie et du passage dans des endroits jusque-là délaissés du village, cela demande de penser l’usage des communs sur le long terme. J’ai vu que cela touchait quelque chose d’important sur l’écologie et le vivre-ensemble. » détaille Jean Pierre Garbisu pour La Relève et La Peste
A Uza, l’école a malheureusement fermé récemment, mais la commune a tout de même souhaité elle aussi créer un verger. Bien sûr, il y a aussi eu quelques craintes. Certains redoutaient que des villageois se lèvent tous les matins à 06h pour cueillir les fruits, d’autres des dégradations à côté des skateparks, ou encore des ravageurs comme les rats taupes ou les merles, très friands des cerisiers.
Au final, tout le monde a décidé de faire un acte de foi basé autour des valeurs de partage et de solidarité intergénérationnelle, y compris les enfants, ainsi que l’ont très joliment écrit les élèves de CM1 – CM2 à Mézos.
« Nous avons planté des arbres fruitiers à côté du Skate Park et les maternelles ont planté quelques arbres derrière la mairie. Les arbres seront pratiques : en cas de grosses chaleurs, ils permettront de s’y abriter. Ce sera bien pour ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent, pour ceux qui font des activités au skate park : quand ils auront faim, ils pourront aller cueillir des fruits du verger. Si la cantine manque de fruits, nous aurons la possibilité d’aller en cueillir. Grâce à ces fruits, nous pourrons faire de la compote, des tartes, des gâteaux, de la confiture, des salades et jus de fruits. Au jour d’aujourd’hui, les gens se parlent plus par Internet que physiquement. On est tout le temps avec des personnes de notre génération et on ne va pas vers les gens d’autres générations. Le verger permettra de donner l’opportunité de faire des rencontres avec des personnes que l’on ne connait pas forcément et ainsi d’augmenter les rencontres entre les générations. Les personnes qui sont toutes seules chez elles pourront discuter avec d’autres gens. » expliquent les petits écoliers
Les élèves ont même décidé de lancer un questionnaire pour recueillir l’avis des villageois Mézossais et Biassuts sur les relations entre personne et entre les générations. Ils veulent s’en servir pour « améliorer les relations sociales en proposant des idées d’action ».
Une responsabilité partagée
Concrètement, chaque projet de verger est mené indépendamment dans chaque commune, en collaboration avec le maire, les élus, les responsables et enseignants d’écoles primaires et maternelles, les responsables de centres de loisirs et de services techniques communaux, et parfois les associations locales.
Cette année, les arbres ont été achetés en jardinerie. Selon les moyens financiers de la population, certains maires ont décidé de prendre en charge tout le coût financier de l’opération, tandis que d’autres ont fait participer les parents d’élèves sous la forme d’une cagnotte. A Lit-et-Mixe, une association locale, l’Amicale Laïque, a même offert un arbre à chaque classe.
« La cagnotte participative a aussi acté le parrainage des familles pour développer une solidarité avec les arbres, et leur donner l’envie de les protéger et d’en prendre soin sur le long terme. » sourit Jean Pierre Garbisu
Coût estimatif : environ 40 à 50 euros pour : un arbre (en motte), un tuteur, du terreau, du grillage à maille assez fine pour protéger les jeunes racines des rats-taupe ou campagnols durant les premières années. Ce coût peut être largement réduit avec des ateliers d’apprentissage de greffe, l’achat d’arbres à racines nues, etc.
Les mairies doivent donner l’accord pour des zones d’implantation, choisies en amont du projet, et les services techniques municipaux fournissent le fumier, le compost et les tuteurs. Les équipes techniques se sont montrées très intéressées pour en savoir plus sur l’entretien des vergers communaux.
« Avec l’artificialisation de nos modes de vie, on perd du savoir-faire : plus grand monde ne sait greffer des fruitiers ou entretenir des vergers. C’est ce que m’ont confié les employés communaux, eux vont pouvoir demander à leur mairie de faire des formations sur la taille des arbres, ainsi que le greffage. Et pour de futurs aménagements, ils vont aussi essayer d’intégrer le fait de planter d’autres fruitiers. Tout cela permet de semer des graines qui germeront dans le temps. » raconte Jean Pierre Garbisu
Les trois communes landaises ayant accepté de participer au projet prévoient déjà toutes de faire grandir leur verger communal, année après année. Certaines écoles envisagent aussi de créer des haies nourricières pour favoriser le retour de la biodiversité. D’autres communes devraient se lancer elles aussi dans l’aventure l’hiver prochain, période de plantation des arbres.
Cette jolie initiative est loin d’être isolée. Partout en France, les vergers communaux essaiment sur le territoire. Retour de la biodiversité, création de communs, sauvegarde de variétés anciennes, résilience alimentaire, lien social et bénéfices multiples des arbres… Les motivations sont nombreuses pour celles et ceux qui participent à cette démarche nourricière et écologique.