Désormais, en France, il est rare de voir un jour s’écouler sans qu’un départ de feu dans un centre de recyclage ne soit signalé. Le phénomène touche l’Europe entière : depuis quelques années, le nombre d’incendies signalés par les recycleurs a considérablement augmenté. Les coupables ? Les batteries au lithium.
Dès son arrivée sur le marché au début des années 1990, la batterie au lithium révolutionne l’électronique en accélérant radicalement sa miniaturisation. À la fois résistante et légère, elle peut être chargée de nombreuses fois en n’accusant qu’une faible détérioration de ses performances. Cependant, le lithium qui la compose se trouve être particulièrement réactif, au point que le moindre court-circuit engendre facilement un incendie.
Or, de nos jours, il est fréquent que les batteries jetées soient abîmées à cause des conditions de stockage et de transport des déchets. Si ces batteries endommagées entrent en contact avec de l’eau, le lithium qu’elles contiennent dégage de l’hydrogène. Un feu peut alors très rapidement se déclencher, ce qui explique le nombre important d’incendies à l’été 2021, qui fut particulièrement pluvieux en France.
Les conséquences de ces incidents se révèlent très lourdes. Il y a d’abord le risque humain. Les départs de feu mettent en danger la vie des agents qui travaillent dans les centres de recyclage, notamment à cause du risque d’intoxication. À cela s’ajoutent des pertes de bâtiments et de machines.
Par ailleurs, même lorsqu’il n’est pas de grande ampleur, chaque incendie paralyse le centre. Le personnel doit être évacué, la chaîne de tri mise à l’arrêt, et il faut souvent remettre en état le site en évacuant l’eau.
Peu à peu, la situation est devenue quasiment ingérable pour les recycleurs, tant ils connaissent de difficultés à faire assurer les installations, en plus de subir des sanctions administratives.
Face à ce problème récurrent, les métropoles font appel à la responsabilité des populations. C’est le cas de celle de Brest, dont le centre de tri de Plouédern recense un départ de feu par semaine.
La Métropole Brestoise rappelle ainsi à ses habitants que « les piles, chargeurs de piles ou de batteries que l’on trouve dans les ordinateurs portables, les outillages électroportatifs, les aspirateurs balais, les vélos, trottinettes et véhicules électriques mais aussi dans les batteries de voiture, les cigarettes électroniques et certains jouets » ne doivent en aucun cas se retrouver dans la poubelle jaune. Tous ces déchets sont voués à être déposés dans des collecteurs dédiés, en magasin, ou à la déchèterie.
Cependant, ces incendies ne relèvent pas seulement de la négligence des citoyens mais bien d’un problème de fond. Depuis que des restrictions ont été apportées à leur exportation hors d’Europe, le temps de stockage des déchets s’est allongé. De plus, l’augmentation des températures estivales représente un facteur non-négligeable. Mais par-dessus tout, ce qui explique principalement le phénomène reste l’accroissement considérable de déchets contenant des piles et batteries au lithium.
Auparavant, seuls les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) comportaient ce type de batterie. On en trouve aujourd’hui partout, des brosses à dents aux clés de voiture en passant par les véhicules, les équipements électroménagers ou le matériel informatique.
D’où la tendance observée par le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) : on « recense autant d’accidents en l’espace de trois ans (2016-2019) que sur les quinze ans depuis l’arrivée sur le marché en 1991 » des batteries au lithium.
Et cette tendance ne devrait que s’amplifier. Selon un avis publié par le Conseil Économique et Social Européen (CESE) :
« le nombre de batteries lithium sera multiplié par 700 entre 2020 et 2040 ».
Il s’agit donc de trouver des solutions durables, en augmenter la durée de vie des batteries, et en faisant en sorte de les réaffecter à d’autres usages. L’écoconception des équipements se trouve également au cœur du problème.
L’exemple des phares de vélo est parlant. Alors que durant des décennies ceux-ci ont parfaitement fonctionné grâce à des dynamos, ils sont à présent remplacées par une alimentation au lithium.
Quant aux centres de tri, ils doivent, selon leurs responsables, faire l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics. Federec, l’association des entreprises de recyclage, adresse ainsi un courrier au Premier ministre demandant que les sites soient inscrits comme sites prioritaires et que les pompiers se familiarisent avec les installations.
« On a mis sur le marché des bombes incendiaires », résume Olivier François, président de la commission internationale de Federec. « Puisqu’il est impossible d’éviter les batteries lithium-ion, les préfets doivent se saisir du sujet ».
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