Pzifer, la société pharmaceutique célèbre pour avoir découvert et fabriqué, en un temps record, l’un des principaux vaccins contre le Covid-19, est aussi l’entreprise la plus condamnée au monde dans le domaine de la santé.
C’est ce qu’affirme le conférencier et essayiste Idriss Aberkane, dans une vidéo largement consultée (« Pfizer, une entreprise qui vous veut du bien »), qui revient sur « le passif judiciaire abominable » du géant américain.
La liste des condamnations que propose le youtubeur se donne « arbitrairement » pour point de départ le seuil de 30 millions de dollars d’amende, au-dessous duquel il serait selon lui bien trop long de descendre.
Elle est issue d’une publication de Good Jobs First, une ONG américaine promouvant la transparence et la responsabilité des entreprises et des gouvernements dans le développement économique.
5 milliards de dollars cumulés
Depuis 2000, la somme des pénalités financières infligées à Prizer et ses nombreuses filiales par les différents départements de l’administration des États-Unis s’élèverait ainsi à près de 5 milliards de dollars, avec d’importants écarts entre les montants.
En 2000, par exemple, le groupe Wyeth-Ayerst (racheté en 2009 par Pfizer) est condamné par la Food and Drug Administration (FDA, le département américain en charge des denrées alimentaires et des médicaments) à une amende de 30 millions de dollars pour violation répétée de la sécurité dans son usine de Marietta (Géorgie), qui fabrique entre autres des vaccins contre la grippe.
En 2005 et 2006, c’est au tour d’une autre filiale du géant américain, King Pharmaceuticals, de recevoir une amende de deux fois 124 millions de dollars pour falsification des faits et fausses déclarations. Dans cette affaire, l’entreprise était accusée d’avoir trompé diverses entités gouvernementales sur le prix de ses produits, en contournant les systèmes de contrôle.
En 2013, Wyeth doit à nouveau payer une amende colossale — 490,9 millions de dollars — à l’administration américaine : cette fois-ci, la justice impute à la société d’avoir recommandé et vendu le Rapamune, un médicament employé lors des transplantations de reins, dans le cadre de « greffes non rénales », mettant en danger la santé des patients.
Si l’on omet bien d’autres sanctions inférieures, Pfizer a également été condamnée, en 2016, à une amende de 784 millions de dollars pour avoir une énième fois escroqué le gouvernement des États-Unis, en pratiquant des prix faux et frauduleux sur deux de ses médicaments, Protonix Oral et Protonix IV, prescrits pour traiter les symptômes du reflux acide.
Condamnation record
Mais la condamnation la plus lourde, battant tous les records américains dans le domaine de la santé, est sans aucun doute celle de 2009. Pfizer écope cette année-là d’une amende de 2,3 milliards de dollars pour avoir fait la promotion illégale de quatre médicaments : le Bextra, un anti-inflammatoire ; le Geodon, un antipsychotique ; le Zyvox, un antibiotique et le Lyricia, un antiépileptique.
Pour le Bextra, Pfizer avait continué de promouvoir et commercialiser son médicament alors que la FDA l’avait retiré du marché en 2005, en raison d’inquiétudes sur ses effets secondaires.
Cette « suppression de résultats d’essais défavorables », très grave, n’avait pourtant pas valu de sanctions pénales aux représentants de l’entreprise.
Pour le Geodon, le Zyvox et le Lyricia, le géant pharmaceutique avait trompé les programmes d’assurance-maladie gouvernementaux et versé des commissions occultes à de nombreux professionnels de santé pour pouvoir étendre la commercialisation de ses médicaments, notamment parmi les enfants et les personnes âgées.
« Il s’agit[-là] du plus grand règlement de fraude civile de l’histoire contre une société pharmaceutique », indique le département de la Justice américain sur son site internet.
Par la suite, Pfizer avait été forcée de conclure « un vaste accord d’intégrité d’entreprise » avec le ministère de la Santé américain, mais au regard des condamnations qui l’ont suivie, cette démarche n’a semble-t-il pas empêché la société de continuer à tromper médecins et patients.
65 000 dollars par minute
Le 13 janvier 2021, dans une question adressée à la Commission européenne, une députée s’inquiétait que « l’Agence européenne des médicaments a[it] octroyé une autorisation de mise sur le marché conditionnelle du vaccin de Pfizer-BioNTech » sans tenir compte des multiples condamnations du géant pharmaceutique aux États-Unis « pour falsification de données [et] corruption active ».
La Commission avait alors répondu, en avril dernier, qu’elle avait engagé « une procédure d’appel d’offres négociée, fondée sur des critères objectifs » et qu’« en dépit du contexte de pandémie, les exigences d’innocuité imposées aux vaccins contre le Covid-19 [étaient restées] aussi élevées que celles qui le sont à tout autre vaccin dans l’Union ».
Bien qu’elles ne remettent nullement en cause l’intérêt et l’efficacité de son vaccin anti-Covid, les dizaines de condamnations de Pfizer interrogent sur le respect qu’accordent les mastodontes pharmaceutiques au bien public.
Grâce aux commandes massives que passent la plupart des pays du monde, Pfizer-BioNTech et Moderna engrangent actuellement un profit combiné de 65 000 dollars par minute avec la seule vente de leurs nouveaux vaccins.
L’immense majorité des doses sont vendues, au détriment des pays du Sud, à des États riches prêts à payer le prix le plus fort, quitte à enrichir des entreprises tirant les plus grands profits de la crise.
Crédit photo couv : Jernej Furman