La saga concernant l’interdiction des chasses traditionnelles est loin d’être finie ! Alors alors que le Conseil d’Etat et la Cour de Justice Européenne ont récemment déclaré cette pratique illégale, car non conforme au droit européen, le gouvernement français veut réautoriser le piégeage de plus de 110 000 oiseaux sauvages à travers des arrêtés. Les associations de protection de la nature dénoncent un énième cadeau accordé au monde de la chasse et appellent la société civile à se prononcer contre lors des consultations publiques.
Un mauvais timing
Quelques jours après le Congrès mondial de la nature, où Emmanuel Macron prônait l’engagement de la France pour protéger la biodiversité, le gouvernement veut relancer la chasse d’espèces menacées. Mercredi 15 septembre, il a mis en consultation quatre arrêtés pour le retour de pratiques de chasse dites « traditionnelles ».
Pourtant, le 6 août dernier, le Conseil d’Etat avait jugé ces pratiques illégales, qu’il s’agisse de « tenderie » (une sorte de nœud coulant), « pantes » (des filets se refermant sur les oiseaux) ou « matoles » (de petites cages), et qu’elles s’attaquent aux vanneaux, pluviers, alouettes, grives ou merles noirs.
Pratiquées notamment dans les Ardennes et le sud-ouest de la France, le Conseil d’Etat avait jugé que ces pratiques « ne sont pas conformes aux exigences du droit européen relatif à la protection des oiseaux » dans le sens où les pièges ne sont pas sélectifs, et touchent aveuglément oiseaux visés et espèces protégées. En effet, une directive européenne de 2009 interdit les techniques de capture massive d’oiseaux sans distinction d’espèces.
Malgré cette décision récente, le gouvernement a décidé de faire fi du Conseil d’Etat et vient de publier quatre arrêtés ministériels visant à autoriser pour la saison 2021-2022 le piégeage de :
- 106 500 alouettes aux pantes (filets horizontaux) et matoles (cages tombantes) dans 4 départements du Sud-Ouest (Landes, Gironde, Lot-et-Garonne et Pyrénées-Atlantiques),
- 1200 vanneaux huppés (espèce quasi-menacée en France), 30 pluviers dorés, 5800 grives et merles à l’aide de filets rabattants ou de lacets à nœud coulissant (tenderie des Ardennes).
Pourtant, l’alouette des champs est une espèce en déclin continuel en France et en Europe avec une chute de 35 % de ses effectifs reproducteurs dans l’Hexagone ces quinze dernières années. Quant à lui, le vanneau huppé est classé « quasi menacé » sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine.
Et le calendrier n’est pas choisi au hasard. Ces arrêtés ont été publiés seulement trois jours avant de nombreux rassemblements organisés par les chasseurs partout en France, pour protester contre « le massacre des chasses traditionnelles », un jeu de mot prêtant à confusion mais visant pourtant bien à défendre ces pratiques de chasse.
En ligne de tête, la Fédération des chasseurs landais, soutenue par le Département, a lancé un grand appel à rassemblement à Mont-de-Marsan ce samedi 18 septembre. La nouvelle a donc été accueillie avec plaisir par les chasseurs.
Des calculs d’apothicaire
Pourtant, la précision des chiffres d’oiseaux autorisés à être tués par le gouvernement a fait bondir les associations de protection de la nature qui rappellent que ces piégeages n’étant pas sélectifs, il semble bien impossible de pouvoir respecter le moindre quota.
A cela s’ajoute le fait de devoir compter sur la bonne foi des chasseurs, éparpillés dans tous les Départements, pour indiquer quelles prises ont été faites ou non afin de vérifier que « pas trop » d’oiseaux n’auront été tués.
« Je suis scandalisé par le cynisme et le clientélisme du Président de la République qui interrogent sur ses réelles convictions. Tandis que la communauté scientifique mondiale nous alerte sur le risque d’extinction massive des espèces sauvages, notre gouvernement réduit la biodiversité à une monnaie d’échange électoraliste. Chasser hors du cadre légal, c’est braconner. C’est d’autant plus consternant qu’il ne s’agit que d’une activité de loisir ». explique le Président de la LPO Allain Bougrain Dubourg
Dans les arrêtés, le gouvernement justifie sa démarche par « la dimension ethnosociologique » et « l’identité culturelle de la chasse traditionnelle », mais aussi par la « compatibilité (de ces pratiques de chasse) avec les recettes de cuisine devant être exemptes de plomb »…
Pour la LPO, il s’agit surtout d’une manœuvre électorale visant à faire plaisir au monde de la chasse à la veille des élections présidentielles. En effet, si ces arrêtés sont signés, la justice mettra du temps à se décider sur les recours qui seront intentés par les associations de protection de la nature pour les faire annuler en respect de la décision du Conseil d’Etat et de la Directive européenne. Le jugement serait ainsi rendu après les élections..
Les arrêtés sont maintenant soumis à des consultations publiques, durant lesquelles la société civile peut exprimer son accord ou désaccord avec le fond, et ce jusqu’au 6 octobre. Après cette date, la population saura donc si les chasses traditionnelles sont réellement de nouveau autorisées ou si elles demeureront interdites.
Pour la LPO, les nouveaux arrêtés en préparation demeurent illégaux et l’association demandera leur suspension immédiate devant le Conseil d’Etat si jamais ils sont signés.
Pour aller plus loin, les consultations publiques sur le sujet :