Après 20 ans de lutte à Brétignolles-sur-mer, c’est une victoire immense pour les protecteurs de la dune. La communauté de communes a finalement voté l’abandon du projet de port de plaisance, qui était dénoncé comme une aberration environnementale et économique par les écologistes. Il aura fallu que toutes les associations locales regroupent leurs forces, un cabinet d’avocats spécialisé sur le sujet, une ZAD et beaucoup de ténacité pour arriver à ce résultat !
20 ans de combat !
Le 22 juillet 2021, le conseil communautaire du Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie a décidé d’abandonner le projet de port de plaisance à Brétignolles-sur-Mer. Depuis 20 ans, ce projet faisait face à de nombreux détracteurs, réunis au sein de l’association La Vigie, qui dénonçaient son impact environnemental et économique.
Pour démontrer les écueils du projet, cinq recours en justice avaient été déposés par La Vigie avec le cabinet de l’avocate et ancienne ministre Corinne Lepage. Pendant vingt ans, l’association a réussi à récolter les fonds nécessaires pour construire un rapport de force juridique équilibré face aux avocats des autorités.
Et pour cause, ce port de plaisance allait détruire une partie du Marais Girard, zone naturelle d’expansion des crues et havre de biodiversité, une ferme en agriculture biologique, et une réserve d’eau douce de 340 000m3 ! En plus de son surcoût exorbitant : 49 millions d’euros, au lieu des 30 millions annoncés.
Depuis le début, le projet était porté Christophe Chabot, Maire de Brétignolles-sur-Mer et ancien Président de la Communauté de communes du Pays de Saint-Gilles-Croix-de Vie, décidé à construire ce Port coûte que coûte. Le maire arguait qu’il permettrait le développement touristique du territoire et apporterait une centaine d’emplois.
« Le décideur-meneur voulait insister et passer en force. Mais le dossier est entaché d’irrégularités depuis le début. Dans les sept premières enquêtes publiques, les commissaires enquêteurs ont tous émis un avis négatif ce qui a retardé les travaux. En 2019 et 2020, tout s’est joué. Face au manque de dialogue et d’honnêteté, nous avons organisé une grande manifestation en octobre 2019. Le maire a essayé de nous devancer en lançant des travaux 15 jours avant. C’était une provocation totale pour nous déstabiliser, mais cela a eu l’effet inverse : 3000 personnes ont participé à la manifestation ! Des zadistes sont même venus et se sont installés sur la dune pour la défendre face aux bulldozers. » raconte Jean-Baptiste Durand, membre historique de La Vigie, pour La Relève et La Peste
La ZAD de la Dune a tenu sept mois, avant d’être violemment expulsée par le maire, les gendarmes et des habitants soutenant le projet durant le confinement du mois d’avril 2020. La ZAD a permis d’attirer l’attention de nombreux médias nationaux sur la lutte en cours à Brétignolles-sur-Mer, mais aussi d’inquiéter suffisamment les autorités pour mettre en pause les travaux. Jusqu’à l’abandon définitif annoncé fin juillet.
« Nous sommes ravis ! Continuons de bloquer les projets inutiles et imposés partout, continuons d’empêcher la bétonisation ! Car les luttes paient !! Le projet de port rejoint le projet du surf park de St père-en-Retz, hop à la benne ! Nous continuerons à être vigilant.e.s concernant le projet qu’ils voudraient mettre en place a la ferme de la Normandelière. » ont réagi les zadistes de la dune à l’annonce de la nouvelle
Préserver la zone de façon définitive
En plus de La Vigie, de nombreuses associations environnementales étaient elles aussi engagées contre le port : Surfrider Foundation, France Nature Environnement (FNE), la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et le Comité de protection pour la nature et les sites (CPNS).
Elles ont toutes participé au groupe de médiation mis en place par la Communauté de Communes afin d’apaiser les tensions. Ce groupe a été soumis à un protocole rigoureux et extrêmement pointu, et ses 54 membres ont dû signer une charte avant leurs échanges, notamment sur la manière de se comporter.
Elle exigeait un déroulé total des propos sur un mode exclusivement factuel : pas de débat, pas d’affirmation sans preuves et seulment des faits à exposer. Chacune des parties devait écouter l’autre sans l’interrompre. Tout a été consigné par vidéo et écrit.
« Nous avions proposé et soutenu l’engagement d’une démarche d’apaisement pour dépasser les tensions très fortes dont ce projet faisait l’objet depuis des années, et pour réexaminer dans un climat plus serein les questions qui faisaient débat, rappelle Yves le Quellec, président de FNE Vendée. Tous les participants ont reconnu l’intérêt du processus, qui a permis d’aboutir à une synthèse validée au consensus. Il est souhaitable que cet état d’esprit demeure pour élaborer la suite. »
Seul regret des associations, ce sont les arguments économiques, et non écologiques, qui ont primé dans la décision des élus. Ils ont réalisé que le vrai coût du port, dont le budget officiel était de 30 millions d’euros, se situait en fait autour de 49 millions d’euros selon les appels d’offre du projet.
« Nous entrons dans une époque où l’extinction de masse de la biodiversité sauvage, les bouleversements climatiques influent sur une nécessaire transition des politiques publiques dont la construction partagée entre décideurs, citoyens et associations environnementales est l’élément majeur. » a précisé Fred Signoret, Président de la LPO Vendée
« Arrêter un projet avant qu’il n’aboutisse devant les plus hautes instances juridiques, c’est tout à fait nouveau. Une lutte écologique est un regroupement de forces, le rôle de la ZAD a donc été déterminant pour nous aider à gagner la bataille. In fine, les pouvoirs publics et les élus ne cèdent jamais devant les associations, c’est un combat où les activistes sont désormais indispensables pour les faire plier. »
Avec cette décision, La Vigie est désormais confiante pour l’avenir car elle a mis en place les outils juridictionnels nécessaires à son objectif final. Elle souhaite que la zone de l’emprise de ce projet soit classée en espace remarquable avec impossibilité définitive d’aménagement sur cette zone.
« Cette affaire démontre la capacité de ce que peut faire une association, ici La Vigie, lorsqu’elle est tenace et lorsqu’elle est dirigée et administrée par des gens compétents. Ils sont arrivés à sauvegarder un site tout à fait exceptionnel au lieu de le livrer à un projet qui n’avait plus honnêtement aucun sens par les temps que nous vivons aujourd’hui. » a conclu Corinne Lepage, l’avocate du dossier, à la fin du vote