C’est officiel. Un décret paru le 6 février interdit de broyer et de gazer les poussins mâles une fois éclos en France. La pression des associations de défense des animaux, la diffusion d’images et de témoignages, notamment de l’association L214, qui montrait des poussins étouffés dans des sacs poubelles et la réalité des broyages, ont finalement porté leurs fruits. Les couvoirs ont jusqu’à la fin de l’année pour changer leurs pratiques.
Chaque année, près de 50 millions de poussins mâles sont mis à mort dès leur éclosion en France, considérés inutiles à l’aviculture. Les femelles sont gardées pour devenir des poules pondeuses, mais les mâles ne pondent pas d’œufs et il est pour le moment estimé qu’ils ne grossissent pas assez rapidement pour produire de la viande consommable.
Ils ne sont donc pas conservés car ils ne s’inscrivent pas selon ces critères dans la nécessité de rentabilités économiques de l’élevage intensif.
Afin de diminuer la douleur ressentie par les individus et d’éviter de les abattre à leur naissance, des techniques de sexage in ovo sont en cours de développement en Europe depuis 2014 et en Allemagne depuis 2008.
Ces techniques sont jugées rentables pour les éleveurs puisqu’elles s’inscrivent dans le marché de l’élevage intensif. Contrairement aux mâles abattus à la sortie de l’œuf, ils sont ici transformés en nourriture destinée à d’autres animaux.
Cependant, les embryons ressentent également la douleur. Les données scientifiques établissent que jusqu’à 7 jours d’incubation, il n’y a pas de vie sensible pour les individus. Actuellement, on estime que cette perception de la douleur débute aux alentours du dixième jour, mais il est difficile de déterminer avec certitude qu’elle ne commence pas au septième.
Pour certains spécialistes de l’éthique animale, il serait donc préférable de privilégier les méthodes ne dépassant guère les dix jours.
Il existe deux méthodes de sexage in ovo principales en Europe et d’entreprises allemandes. Celle utilisée par Carrefour depuis 2019 est la spectrophotométrie, où l’oeuf est analysé au 13ème jour sous un halo de lumière, lorsque les premières plumes qui peuvent différencier le sexe de l’embryon apparaissent.
La deuxième méthode, utilisée par Poulehouse et Cocorette depuis respectivement 2019 et 2020, consiste à percer au laser un orifice dans la coquille et prélever des hormones sexuelles au 9ème jour. Si la première méthode pose question vis-à-vis de la souffrance animale, la deuxième est invasive et son coût est élevé.
D’autres méthodes sont encore au stade expérimental ou commencent à être commercialisées, dont une analyse génétique au 1er jour. L’Allemagne souhaiterait par ailleurs faire passer une loi pour interdire les méthodes de sexage après J7 dès 2024.
Il existe une autre méthode pour éviter l’élimination des poussins mâles, dite de souches à double fin ou duales, qui permet d’utiliser la chaire des mâles dans les exploitations. Cette dernière est revendiquée par plusieurs associations de protection de défense pour le bien-être animal et dans l’industrie agroalimentaire, dont CIWF (Compassion in World Farming) France.
Mais les souches actuelles sont très différentes dans la filière ponte et la filière chair. Pour le moment, cette méthode est surtout envisagée par quelques entreprises bio dont les consommateurs ont le potentiel d’accepter des coûts un peu plus onéreux par principe éthique, mais une filière dédiée n’a pas encore été instaurée.
Selon Julien Denormandie, les machines in ovo devraient être installées pour les deux-tiers de la production d’ici la fin du premier trimestre 2022. Le gouvernement mise sur la fin totale du broyage de poussins d’ici la fin de l’année, et apporte 10 millions d’euros pour aider les aviculteurs dans la mise en place de ces équipements. Le consommateur prendra à sa charge un centime d’euros en plus pour une boîte de six œufs.
La France est le premier pays producteur d’œufs d’Europe, et sera le premier pays au monde à mettre en place l’interdiction de gazage et de broyage des poussins. Le ministre de l’agriculture souhaite aux côtés de l’Allemagne porter le sujet au Conseil Européen le 19 juillet :
« On est aujourd’hui dans un marché commun. Et donc il y a un enjeu de faire en sorte que cette transition soit portée par toute l’Europe. »
Le ministre souhaite ainsi que « le continent européen devienne le premier continent qui arrête le broyage et le gazage des poussins ».