A Rennes, la colère monte contre le projet d’agrandissement du Stade Rennais. Le club de football de Rennes souhaite reconstruire son centre d’entrainement sur 8 hectares, en plus des 12 qu’il occupe déjà. Cet agrandissement va expulser une douzaine de jardins ouvriers et artificialiser des terres fertiles et riches en biodiversité. Face au manque d’informations claires sur le projet du club de foot, riverains et associations se sont regroupés pour exiger un débat démocratique sur le sujet. Prudente devant la polémique, la Mairie de Rennes affirme pour l’instant n’avoir pris aucune décision sur son soutien définitif au projet malgré plusieurs rencontres avec le Stade Rennais. Les citoyens dénoncent un manque de transparence et de concertation avec la population.
Des terres nourricières autour d’une métropole
A Rennes, la Piverdière se situe sur le site naturel remarquable de La Prévalaye, en vallée de Vilaine. Avec 450 hectares, dont 80 % appartiennent à la Ville, les terres fertiles de la Prévalaye ont accueilli jusque dans les années 1970 de petites fermes aux multiples activités (lait, beurre, fruits et légumes…).
Depuis quelques années, cet endroit exceptionnel pour une métropole lui permet de poser les pierres d’une véritable ceinture nourricière, accueillant des projets agricoles pour tendre vers l’autonomie alimentaire de la ville. Parmi eux : le Jardin des Mille Pas, une association pédagogique autour des jardins potagers sur un terrain de 1,2 ha, Perma G’Rennes, une ferme urbaine d’environ un-demi hectare créée en 2016, devenue un modèle de réussite en agriculture urbaine, mais aussi des jardins ouvriers.
L’annonce d’agrandissement du club dans les médias en juillet 2020 sur le site avait donc soulevé de vives inquiétudes auprès de tous ces acteurs nourriciers. Et ce n’est pas sa déclaration de bonne foi pour « avoir un projet qui se fond complètement dans l’environnement » qui suffisait à donner des garanties aux citoyens opposés au projet. En effet, ces derniers luttent depuis des mois pour obtenir des informations claires.
« Au printemps 2019, il y a eu un appel à manifestation d’intérêts pour recruter de nouveaux projets agricoles mais il n’y pas eu d’installation par la suite car le projet d’extension du stade rennais les a tous bloqué. Je parrainais certaines candidatures mais aucune d’elles n’a été retenue car la zone définie avec la Ville est devenue celle que le stade convoite. On avait quand même bon espoir de co-construire ce projet d’extension pour qu’ils n’écrasent pas les projets agricoles, mais tout se décide en catimini. On a réussi à arracher la mise en place d’un comité de gestion avec les différentes parties prenantes de ce territoire mais toutes nos demandes n’ont pas encore reçu de réponse. » explique Mikaël Hardy, le fondateur de Perma G’Rennes (lire PermaGraines), à La Relève et La Peste
Parmi leurs revendications : le maintien des fermes présentes avec un bail rural, pas d’artificialisation sur les terres agricoles et riches en biodiversité, avec la poursuite des engagements d’installation, un vrai pouvoir de décision des acteurs de la Prévalaye admis par la Ville au sein du comité de gestion pour que ce dernier ne soit pas qu’une instance d’information mais un vrai outil démocratique, et aucune expulsion des jardins ouvriers.
La solidarité citoyenne
En quatre ans, Mikaël Hardy a réussi à faire de Perma G’Rennes un modèle de réussite en agriculture urbaine. Sans aucune subvention publique, son travail d’orfèvre en symbiose avec le vivant lui a permis de dégager un chiffre d’affaires annuel d’environ 60 000€ sur une surface d’un demi-hectare. Un beau résultat qui lui permet de payer deux salaires au SMIC, produire de la nourriture de qualité et faire de la production de semences.
Chaque semaine, Mikaël ouvre la ferme aux visites et vente directe et fait régulièrement des livraisons que ce soit sur le marché bio du Mail François Mitterrand où il vend ses productions tous les mercredis, ou auprès de restaurants rennais. La ferme urbaine est donc bien connue et soutenue de nombreux citoyens. Un soutien populaire qui explique sans doute la précipitation de la Ville de Rennes à signer un bail rural au maraîcher face à la polémique.
« C’est un premier geste mais ça ne suffit pas ! Je ne veux pas être une mesure compensatoire pour un projet qui va expulser des jardiniers amateurs qui sont tout autant légitimes que moi à cultiver ces terres ! Par solidarité avec eux, j’ai signalé que s’il y a des expulsions, je partirai quand même. Je ne peux pas cautionner qu’une ferme vivrière et sobre en énergie abdique face à l’argent. En 15 jours, on a obtenu un bail rural, il est donc possible d’obtenir la sécurisation de certains espaces naturels et des jardins ouvriers. » explique Mikaël Hardy, le fondateur de Perma G’Rennes (lire PermaGraines), à La Relève et La Peste
Pour les particuliers cultivant ces lopins de terre, le soutien de Mikaël Hardy est précieux. Une partie des jardiniers avaient déjà été expulsés des prairies St-Martin il y a 6 ans, pour transformer une zone naturelle en « parc urbain ». Or ces personnes, souvent âgées et aux faibles revenus, ont besoin des jardins ouvriers, un droit social, pour assurer leur sécurité alimentaire. Aujourd’hui, ils craignent ne pas avoir de solution de secours.
Contactée par notre rédaction, la Ville a simplement confirmé que l’objectif reste toujours d’installer de l’agriculture urbaine autour de Rennes et qu’elle n’a pas encore pris sa décision définitive. La Ville a également promis que toutes les informations seraient communiquées aux membres du comité de gestion participatif courant janvier.
Une façon de jouer la montre pour le collectif de Sauvegarde de La Prévalaye qui s’était créé face à un premier projet polémique en 2018, qui a bétonné un espace naturel de préservation de la faune et de la flore en un « espace urbain multi-loisirs » sans concerter la population et les usagers du site.
« La frange écologiste de la majorité l’avait promis de façon claire pendant la campagne : pas d’extension sur notre site, ça veut dire qu’ils ont reculé sur leurs convictions car ils étaient contre ! Du fait des menaces de départ du club de foot, les projets agricoles ont été privés des parcelles les plus fertiles pour s’installer ! Résultat l’appel à projets agricoles du printemps 2019 a été revu et corrigé : affectation de terres productives polluées, sèches ou inondables à des candidat.e.s dont aucun.e n’a donc voulu, ou bien qui ont été retirées en catastrophe (La Garden Partie, ferme culturelle urbaine plaine de Baud, est priée d’en trouver en dehors de Rennes). Quant à la rénovation de la ferme indispensable à l’activité de La Basse-Cour : elle n’est toujours pas engagée depuis des années. » explique David Poisot, membre du collectif, à La Relève et La Peste
Face au manque de transparence sur ce projet d’extension, les riverains craignent que ces 8 hectares ne soient que le début de plus grands travaux. D’autant plus que le Stade Rennais bénéficie déjà de dérogations systématiques pour pouvoir arroser en période de sécheresse.
Selon le collectif de Sauvegarde de La Prévalaye, cette complaisance politique n’est pas en accord avec la crise climatique actuelle et la nécessité de développer une société sobre, et rien ne justifie vraiment cet agrandissement.
Pour dénoncer l’impact écocidaire de cette « quête de prestige et d’intérêt financier » au détriment du patrimoine écologique et la résilience climatique de la Ville, le collectif s’est uni à tous les acteurs écolos rennais : Attac, Extinction Rebellion, La Nature en Ville, Youth for Climate Rennes, Résistance Ecologique Rennes, ANV-COP21 et Alternatiba. La pétition a été mise à jour et un rassemblement est prévu le 10 janvier.
« Nous, on ne laissera pas faire ! L’union fait la force ! Les grands projets inutiles et imposés, on sait ce que c’est et on sait ce qu’il faut faire pour ramener tout le monde à la raison. » conclut David. Affaire à suivre !