Tout a commencé avec quelques radis sur une place du centre de Tours. C’était en mars, en plein confinement. Le mouvement des Couturières Masquées avait été créé pour fabriquer bénévolement des masques en tissu pour les hôpitaux et les particuliers. Celui des Jardinières Masquées a émergé à sa suite, dans le but de cultiver des comestibles en ville. Plusieurs mois après, le mouvement existe toujours, avec le même principe : tout le monde peut planter, entretenir et récolter sur les espaces verts laissés en friche par la mairie.
La structure du collectif de Tours est restée parfaitement horizontale. Ses membres décident ensemble de ce qui sera planté, chacun peut participer aux réunions et donner ses idées. C’est d’ailleurs un entretien collectif qui est organisé avec Jeanne, Véronique et Martin pour La Relève & la Peste.
Les Jardinières Masquées fonctionne sans financement extérieur. Les volontaires amènent les outils, le matériel de jardinage, les graines qu’ils possèdent. Prêt, partage, échange…
« Il y a un côté très altruiste qui à mon sens est plutôt équilibré », juge Martin. « On ne parle même pas de qui donne quoi, chacun apporte ce qu’il peut au quotidien. ».
Lorsqu’il s’agit de peindre des bacs ou des panneaux par exemple, les peintres viennent avec leurs pots et pinceaux.
« On a tellement envie que ça perdure, chacun amène ce qu’il peut et ça fonctionne ! » s’enthousiasme Véronique.
De manière générale, le mouvement est axé sur la volonté, sur l’intelligence collective. Certains possèdent notamment des compétences en permaculture, qu’ils transmettent aux autres. Cet esprit de partage constitue le cœur des Jardinières Masquées
« On ne peut pas planter toute la ville en étant seul. Il faut être en groupe, partager les savoirs », note Véronique.
« Dès qu’il y a le moindre chantier, on s’en rend compte. Pour fabriquer les bacs, on a mis seulement une journée ! » réagit Martin.
« C’était évident que la première année on n’allait pas avoir de grosses récoltes » témoigne Jeanne. « Il fallait acquérir des savoir-faire ». Mais le collectif évolue : « on a beaucoup appris lors de cette première expérience ».
Des bacs sont construits, des techniques de permaculture sont peu à peu mises en place. Des graines, comme celles des tomates, ont été conservées de la récolte estivale pour être replantées. L’objectif est maintenant de pouvoir récolter tout au long de l’année.
« Cet hiver on devrait avoir des blettes, des baies de goji, de la mâche, des choux, du persil, de la coriandre… » énumère Véronique.
En attendant d’obtenir de vrais rendements, les membres des Jardinières Masquées s’emploient à sensibiliser les habitants.
« On ne prétend pas à l’autosuffisance alimentaire. Notre but est avant tout la sensibilisation à l’écologie et au partage » explique Jeanne. « On aimerait que les gens prennent conscience que la nourriture ne pousse pas dans les supermarchés. Qu’ils comprennent qu’il est juste de la partager de manière équitable et gratuite ».
À Tours, le collectif commence à prendre de l’ampleur.
« À travers le jardinage, le simple fait de nous voir planter et arroser, les passants nous questionnent et parfois nous rejoignent. » témoigne Martin.
Actuellement, l’initiative se poursuit malgré le confinement.
« On estime que planter des légumes, c’est essentiel » affirment les jardiniers. « Avec le réchauffement climatique, tout le monde ne va pas pouvoir déménager à la campagne et il va falloir se nourrir » prévient Véronique.
Selon eux, la mairie en est consciente, surtout en cette période de pandémie où certains n’ont aucun revenu. Le collectif juge cependant que la municipalité pourrait s’investir davantage.
« Nantes et Grenoble sont beaucoup plus avancées que nous. » note Jeanne. « Il y a plus de récoltes car la mairie a directement mis la main à la pâte en plantant des comestibles ».
Une pétition est lancée pour qu’une partie de la somme allouée aux municipalités soit destiné à la culture de comestibles.
« En France le budget moyen des grandes villes est de 46€ par personne pour les espaces verts. Pour une ville comme Tours, cela fait plus de 6 millions d’euros. Imaginez si on utilisait ne serait-ce que la moitié de ce montant pour cultiver des comestibles… » peut-on entendre dans cette vidéo publiée début novembre.
Néanmoins l’idée n’est pas d’éliminer les fleurs.
« On ne touche pas aux fleurs plantées par la ville » précise Véronique. « On ne plante que là où il n’y a rien, sur les espaces en friche ».
D’ailleurs, il est aussi prévu de planter des fleurs comestibles.
« On veut de la mixité dans les parcs. Des fleurs, et des comestibles ! ».
Enfin, le prochain grand chantier est de faire pousser des arbres fruitiers. Ce qui aurait de multiples avantages : avec le réchauffement climatique, une ville comme Tours aura besoin d’une canopée.