La crise oblige tout le monde à s’adapter. Pour beaucoup, ces adaptations peuvent représenter une belle opportunité : celle de développer des pratiques plus respectueuses du vivant, ou bien au contraire, de s’enfoncer un peu plus dans l’absurdité de nos modes de consommation.
Changement des recettes
La crise entraînant une souplesse dans tous les domaines, le secteur de l’industrie agroalimentaire a lui aussi pu assouplir les règles grâce à une mesure avalisée par la Commission européenne, notamment sur l’étiquetage des produits. Devant les difficultés d’approvisionnement, il est désormais possible pour les industriels de modifier leurs recettes sans le préciser sur l’étiquette.
En effet le secteur de l’emballage et du papier sont eux aussi en crise, et on peut comprendre que les délais soient trop longs pour que les industriels se permettent un re-étiquetage systématique… tiens tiens, serait-il temps d’envisager moins d’emballage ?
Dans un récent communiqué, l’association FoodWatch a mis en garde les consommateurs sur les possibles changements que les industriels sont autorisés temporairement à amener dans la composition des produits industriels. FoodWatch s’inquiétait notamment de la présence d’ingrédients allergènes dans ces nouvelles recettes qui ne soient pas clairement renseignés sans le remplacement des étiquettes.
La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) affirme que cette mesure est ponctuelle et que ce sera au cas par cas. Il s’agirait par exemple d’indications comme le lieu de fabrication des aliments, qui ne mettront pas en danger la sécurité des consommateurs. Sous la pression de Foodwatch, elle a annoncé mettre prochainement sur son site la liste des produits concernés.
L’étiquetage des denrées alimentaires est encadré par le règlement européen INCO (INformatin Consommateur) qui oblige les industriels à indiquer ce qui se trouve dans le produit. On se souvient des scandales de viande de cheval retrouvée dans des surgelés annonçant du boeuf. Nous avons contacté l’association Foodwatch qui précise ses inquiétudes :
« Les industriels peuvent modifier la composition de leurs produits sans l’indiquer sur l’étiquette au moins jusqu’au 1er juin, mais on peut penser que ces produits seront encore en rayon au-delà de cette date. » Ingrid Kragl, directrice de l’information de FoodWatch.
Pour le moment, on ne sait pas de quels produits il s’agit ni de quelles modifications nous parlons, s’il s’agit de lieu de production, d’additifs, de sorte de sucre. Aucune substance allergène cependant ne doit faire partie de ces changements. On ne peut donc que rester vigilants.
Augmentation des prix
Un autre élément qui suscite l’interrogation de Foodwatch est l’augmentation des prix. En période de confinement, les consommateurs ont tendance à acheter en plus grosse quantité. Dans un autre communiqué, Foodwatch rappelle que les fameux FORMAT MAXI ou FORMAT FAMILIAL, sont parfois une belle arnaque.
Alors qu’en général le prix au kilo baisse pour les produits achetés en gros, Foodwatch a repéré une dizaine de produits où c’est l’inverse qui se passe : riz, pains, yaourts, épinglés chez Cora, Intermarché, Super U, Leclerc, Auchan Casino, Carrefou et Monoprix. Si on ne peut pas en tirer de conséquences, car chaque distributeur décide des prix, elle nous enjoint à être vigilants.
À l’heure d’une crise sanitaire et économique, l’augmentation des prix devient plus grave qu’une simple arnaque. Elle peut devenir un crime.
Même si les consommateurs dépensent davantage dans les supermarchés qu’habituellement, à l’heure actuelle, c’est davantage lié au fait que les gens mangent tous leurs repas chez eux, qu’ils ont les enfants le midi, et que rester chez soi entraîne une tendance à manger plus, qu’à une augmentation des prix.
Sur les fruits et légumes, les prix ont augmenté car du fait des difficultés d’approvisionnement, les produits français sont privilégiés – enfin ! – par rapport aux produits venant d’Espagne. Mais cet effort s’adresse principalement aux agriculteurs industriels et ne doit pas faire oublier la réalité et le quotidien des paysans français, dont les productions sont inadaptées aux calibrages demandés par la grande distribution.
À ce stade, on n’observe donc pas d’augmentation moyenne des prix sur la totalité des produits. Leclerc et Carrefour auraient ainsi gelé les prix sur des milliers de denrées.
Toute crise est l’occasion de questionner nos habitudes. En obligeant à s’adapter, elle nous rappelle qu’on peut toujours faire autrement. Dans chaque domaine, la question va se poser : va-t-on aller plus loin dans l’absurdité de pratiques comme l’emballage, les additifs, ou va-t-on prendre une autre direction, plus économique simple et meilleure pour la santé ? À nous de décider.