Une société toujours plus connectée, toujours plus rapide et toujours plus énergivore… Quand appuierons-nous enfin sur la pédale de frein ?
Vite, vite, vite
Alors que la 4G était toujours en cours de déploiement en France en 2019, le cap est déjà fixé pour la 5G : en 2020, entre cinq et dix villes françaises doivent être couvertes par cette nouvelle génération de standards en téléphonie mobile. L’objectif : que tous les opérateurs couvrent les grandes villes et les principaux axes en 2025, pour une couverture complète en … 2030 !
Les promesses de la 5G par rapport à la 4G : une capacité de téléchargement 10 fois plus élevée, une latence divisée par 10, et plus de connexions simultanées permises. Mais pourquoi une telle précipitation et en a-t-on vraiment besoin ? Pour le gouvernement, il s’agirait d’un enjeu stratégique et d’un projet industriel majeur, seulement aucune étude ou feuille de route ne précise les usages qui vont en être faits, et encore moins ses conséquences pour notre société.
« Ne sommes-nous pas en train de confondre, comme un gamin excité à la veille de Noël, ce qui est nouveau avec ce qui est utile, ce qui semble urgent avec ce qui est important ? Est-il normal, maintenant que la décarbonation est dans tous les esprits, que la mise en place de la 5G ne s’accompagne en France d’aucune évaluation mettant en balance le supplément de service rendu avec les inconvénients environnementaux additionnels – car il y en a ? Et, alors que les effets négatifs de la « prolifération numérique » sur le bien-être personnel – notamment des enfants – et le bien vivre collectif commencent à être bien documentés, devons nous en rajouter sans même prendre le temps de savoir dans quoi nous nous lançons ? » interrogent dans une tribune les experts de la transition énergétique, Hugues Ferreboeuf et Jean-Marc Jancovici
En effet, si la majeure partie de la population va surtout utiliser la 5G pour regarder plus facilement des vidéos (qui représentent déjà 1/5 des émissions GES du numérique) ou jouer en ligne, les industriels espèrent s’en servir pour développer une multitude d’objets connectés comme des automobiles autonomes, de la chirurgie à distance, et des « villes intelligentes ».
Boom de la consommation d’énergie et épuisement des matières premières
Mais les villes connectées ne sont pas des « nuages de données » dans lesquels flotter gaiement : elles nécessitent des infrastructures monstrueuses (terminaux, serveurs, objets numériques) et des minerais qui vont bientôt s’épuiser, au rythme où va la demande. C’est le cas des fameux métaux rares, dont l’extraction se fait déjà à un coût environnemental et humain exorbitant ! Pire, les fonds marins sont en ce moment sondés par les industriels qui veulent en extraire toujours plus de minerais (deep-sea mining), activité qui pourrait bien achever définitivement l’océan.
Olivier Vidal, chercheur au CNRS, a ainsi réalisé une étude calculant la quantité de métaux nécessaires à moyenne échéance pour soutenir nos modes de vie high-tech. La conclusion paraît invraisemblable : puisque la consommation mondiale de métaux croît à un rythme de 3 à 5 % par an, « pour satisfaire les besoins mondiaux d’ici à 2050, nous devrons extraire du sous-sol plus de métaux que l’humanité n’en a extrait depuis son origine ».
Cela signifie que nous allons consommer davantage de minerais durant la prochaine génération qu’au cours des 70 000 dernières années ! Et la 5G, avec toutes les infrastructures (trois fois plus que pour la 4G) et smartphones supplémentaires qu’elle demande, va purement et simplement empirer les choses.
Même déviance avec une hausse de la consommation d’énergie délirante par rapport à la 4G : un équipement 5G consomme trois fois plus qu’un équipement 4G. Au final, la consommation d’énergie des opérateurs mobiles serait multipliée par 2,5 à 3 dans les cinq ans à venir avec la 5G.
« Cet impact n’a rien d’anecdotique puisqu’il représenterait environ 10 TWh supplémentaires, soit une augmentation de 2 % de la consommation d’électricité du pays. » précisent Jean-Marc Jancovici et Hugues Ferreboeuf dans leur tribune
Risques sanitaires
Outre les risques concernant la cybersécurité, qui méritent un article entier à eux seuls, la 5G pose aussi de graves questions sur les impacts qu’elle va avoir sur notre santé. En effet, l’Anses a tout récemment conclu dans un rapport préliminaire qu’il y a pour l’instant « un manque important voire à une absence de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels liés aux fréquences autour de 3,5 GHz ». Autrement dit, il lui est impossible d’évaluer les risques liés à la 5G.
Pourtant, l’un des premiers risques est évident : celui de contribuer encore plus au phénomène de burn-out avec la cadence de travail à laquelle elle va nous soumettre. Le grand mensonge d’une société connectée, c’est de nous faire croire qu’on gagne du temps grâce à des outils qui calculent super-vite alors qu’on nous impose de devenir aussi efficaces et multi-tâches que des machines, sans aucun respect pour notre rythme biologique.
Enfin, la 5G et son armada de données pourraient bien en brouiller d’autres, vitales celles-ci : les études météorologiques. A cause d’une de ses fréquences d’émissions, la bande de 26Ghz, la 5G pourrait dégrader les prévisions météo « de l’ordre de 30% », alors que nous avons plus que jamais besoin de mesures fiables pour prévenir l’arrivée des évènements climatiques extrêmes qui s’intensifient de plus en plus.
Face aux inquiétudes, le patron de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) a évoqué la possibilité d’organiser un débat civil pour débattre des enjeux sociétaux posés par la 5G… en juin 2020.
Ce déploiement précipité rappelle l’implantation du nucléaire en France qui s’était fait sans consulter la population, et dont on connaît aujourd’hui le lourd héritage. La 5G sera-t-elle la technologie qui nous mènera définitivement à un écocide national ?