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A69 : le jugement final repose sur deux juges ayant déjà soutenu l’autoroute

La cour en première instance avait annulé le chantier. En cause : la raison impérative d'intérêt public majeur était manifestement illégale. C'est ce qui doit être rejugé en appel le 11 décembre.

A l'approche du procès en appel sur la légalité au fond de l’A69 Toulouse-Castres, les associations d'opposants ont demandé à la cour administrative d'appel de Toulouse de revoir la composition de la cour pour le jugement du 11 décembre. Ils veulent que soient récusés deux magistrats et un rapporteur qui ont voté le 28 mai en faveur de la reprise des travaux.

La salle de la cour administrative d’appel est comble ce matin. Des opposants à l’A69, de nombreux avocats, la députée EELV Christine Arrighi, tous sont venus assister à une audience assez exceptionnelle, sous la présidence de M. Massin.

Contre toute attente, deux magistrats et un rapporteur qui faisaient partie de la formation ayant autorisé la reprise des travaux de l’A69 doivent siéger dans la formation d’appel. Malgré la polémique, ils ont fait savoir le 17 novembre qu’ils refusent de se désister.

D’où la décision des parties civiles au procès contre l’A69 de déposer une requête en récusation pour cause de suspicion de partialité des magistrats MM. Chabert et Teulière, ainsi que du rapporteur M. Diard.

Pour rappel, la cour en première instance, en février, avait annulé le chantier. En cause : la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), sur laquelle s’étaient appuyés les préfets de Haute-Garonne et du Tarn pour signer l’autorisation environnementale nécessaire au démarrage du chantier de l’A69, était manifestement illégale. C’est ce qui doit être rejugé en appel le 11 décembre.

Les exemples cités, notamment par Me Claire Dujardin, évoquent des magistrats se récusant eux-mêmes spontanément, si leur présence dans une formation de jugement peut apporter le doute sur l’impartialité de la cour. Par exemple, s’ils ont à juger deux fois de la même affaire dans un contexte différent.

Surtout, alors que l’A69 cristallise l’attention au niveau national, Me Julie Rover s’étonne que la cour n’ait pas pris les devants en récusant d’emblée les magistrats concernés.

Les opposants à ce projet affirment que le reprofilage de la N126 suffira pour les 6 000 véhicules prévus par jour, et coûtera bien moins cher. L’autoroute A69 coûtera 512 millions d’euros (en euros 2018, hors inflation) pour 54 kilomètres. Toulouse, France, le 28 novembre 2025. Crédit : Alain Pitton

Rendre une bonne justice

De fait, il est inhabituel que les parties civiles aient à demander au tribunal la récusation de magistrats. Même si la rapporteure, Mme Torelli, a invoqué une jurisprudence de 2010 qui donne la possibilité à des magistrats de siéger dans deux formations sur une même affaire, au motif que le débat est différent.

A ses yeux, pour l’A69, le sursis à exécution n’aurait rien à voir avec le jugement sur le fond. C’est pourquoi la rapporteure a recommandé à la cour de rejeter la requête de récusation déposée par une douzaines d’associations et un particulier opposants à l’A69, au motif qu’elle n’était pas fondée. Encaissant le choc, silencieuse, la salle reste suspendue aux arguments de la défense.

Cette dernière a élargi le débat en faisant valoir qu’il était primordial, dans un contexte de remise en cause de la justice en général (cf l’affaire Sarkozy), de répression contre les militants, de passage de lois en force, non seulement de bien rendre la justice, mais de « bien rendre une bonne justice ». Quelques discrets applaudissements saluent ce point fort.

C’était un des arguments développés par Me Dujardin venue représenter le syndicat des avocats de France (SAF), concernés par les questions d’impartialité dans la composition des formations de jugement. C’est un discrédit sur la justice administrative que pourrait entraîner l’absence de récusation.

Me Julie Rover, défendant les associations, estime même que le doute pourrait entacher la totalité de la composition du 11 décembre, et la décision sur l’appel pourrait être perçue comme illégitime.

Un parti-pris difficile à ignorer

Me Alexandre Faro, autre avocat des opposants, a rappelé que le rapporteur public avait déclaré en mai que le projet de l’A69 était « par nature » justifié par la nécessité de relier les villes entre elles, en négligeant alors 300 pages de données et de faits précis. Me Faro demande en quoi le rapporteur pourrait soudainement changer d’avis en appel.

Même interrogation pour les deux magistrats qui ont validé la reprise des travaux. Comme l’a souligné Me Faro, le simple fait pour ces juges d’avoir suspendu la décision du tribunal de première instance est un parti-pris et préjuge de la décision des deux magistrats et de l’orientation du rapporteur en appel. Il entache l’impartialité des magistrats visés par la demande.

Il s’agit aussi pour le SAF de prévenir toute attaque contre la justice en général telle qu’elle est rendue dans notre pays. « L’impartialité objective fonctionnelle », c’est à dire la capacité à ne considérer que la fonction du juge, doit être respectée, martèle Me Dujardin en écho à Me Rover.

La composition qui juge une affaire doit exclure tout soupçon de partialité. Il faut prouver qu’il n’y a pas de préjugement sur le fond, afin d’éviter toute suspicion dans l’esprit du justiciable et du public.

Claire Dujardin enfonce le clou en s’adressant au président : « Si vous refusez de récuser ces magistrats, il faudra le justifier. »

La cour a mis sa décision en délibéré, sans préciser la date à laquelle elle sera rendue. Dans le cas où les magistrats et le rapporteur seraient récusés, il faudrait nommer de nouveaux juges et leur donner le temps d’étudier le lourd dossier de l’A69. Le procès en appel serait donc repoussé.

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Valérie Lassus

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