Depuis le XVIIIe siècle, d’étranges gardiens veillent sur les sous-sols de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg. Leurs caractéristiques ? Des moustaches et des coussinets. Ces chats, devenus emblèmes du musée, font désormais partie du patrimoine national.
Une colonie de chats au Musée de l’Ermitage
Fondé en 1764 par l’impératrice Catherine II, l’Ermitage est l’un des plus anciens musées de Russie. Ses galeries traversent les siècles. Le visiteur peut y croiser “La Madeleine pénitente” de Titien, “La Seine à Rouen” de Monet ou encore “La Nymphe au scorpion” de Lorenzo Bartolini.
Soixante mille chefs-d’œuvre sont exposés. Mais, trois millions d’objets dorment sous terre, dans le silence du musée. Sous les ors du palais impérial se cache un autre univers : celui des réserves et des ateliers de restauration. Depuis plus de deux siècles, une colonie de chats y vit, assurant la protection des œuvres.
Car dès les débuts du musée, un problème d’apparence triviale s’impose : comment protéger les précieuses collections des rats qui pullulent dans les sous-sols ? La réponse : un décret impérial. En 1745, l’impératrice Élisabeth Ire – fille de Pierre le Grand – publie un oukase ordonnant que trente des meilleurs chats domestiqués de Russie soient envoyés au palais.
De race Bleu russe, ces félins robustes et discrets deviennent les premiers gardiens du patrimoine impérial. Depuis, la tradition perdure, les chats de l’Ermitage veillent toujours sur les œuvres.
Des gardiens à quatre pattes
“Les premiers chats qui ont été envoyés à l’Impératrice venaient d’une ville qui s’appelle Kazan, dans la république du Tatarstan”, raconte Tatiana Prosycheva, guide depuis vingt ans, à la Relève et la Peste. “Là-bas, ils sont très fiers de cette histoire. A Kazan, il existe même une sculpture qui représente les chats de l’Ermitage”, poursuit la doctorante en histoire.
Aujourd’hui, la colonie oscille autour d’une cinquantaine à soixante individus. Les galeries leur sont strictement interdites. Ils patrouillent les caves et les jardins, et ne se montrent au public qu’exceptionnellement.
La plupart sont d’anciens chats errants, sélectionnés et accueillis dans ce refuge d’exception. “Les visiteurs posent souvent la même question : “Où sont les chats ? Est-ce qu’on peut les voir ?””, sourit Tatiana.
Chouchoutés par une équipe dévouée, nourris, suivis par des vétérinaires, les chats ont droit à leur propre événement : la “Journée du chat”, en mai. Ce jour-là, les visiteurs sont exceptionnellement autorisés à visiter leurs “appartements” souterrains, des concours de dessins sont organisés pour les enfants.
Et il arrive même que ces prestigieux félins puissent être adoptés. “Quand il y en a trop, le musée publie des annonces sur ses réseaux. C’est gratuit, mais il faut passer une sorte de concours”, explique Tatiana. “Le musée vérifie que vous avez un logement, de quoi bien vous en occuper. On ne peut pas adopter un chat de l’Ermitage à la légère !”
Achilles, le chat oracle
Parmi ces gardiens poilus, l’un a même acquis une renommée mondiale : Achilles. Ce chat blanc, sourd, aux grands yeux bleus a été choisi comme “oracle officiel” pour prédire les résultats de la Coupe des Confédérations 2017, puis de la Coupe du Monde 2018 organisée en Russie. Le principe ? Deux gamelles de nourriture, chacune ornée du drapeau des équipes en compétition. Le choix du félin déterminait le vainqueur. Et Achilles, semble-t-il, ne manquait pas de flair : il aurait correctement prédit trois des quatre matchs proposés lors du tournoi de 2017.
Autrefois chasseurs de rats, les chats sont aujourd’hui l’âme du lieu. Et quand le musée s’endort, on les devine, discrets, glissant entre les caisses et les tableaux, veillant sur un héritage que Catherine II n’aurait sans doute jamais cru si bien protégé.
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