À Toulouse, 1400 coopérateurs ont créé leur propre supermarché participatif. Entre engagement citoyen et alternative économique, la Chouette Coop réinvente les courses alimentaires.
Une alternative à la grande distribution
Dans une ancienne agence du Crédit Agricole de 175 mètres carrés, la Chouette Coop, supermarché coopératif toulousain, propose une alternative concrète à la grande distribution traditionnelle.
« L’idée, c’est d’être participant de façon active à la vie du magasin dans toutes ses dimensions », explique Monique Bru, 68 ans, retraitée et bénévole depuis sept ans dans cette aventure collective, pour La Relève et La Peste.
Contrairement aux hypermarchés qui proposent « 36 000 choses » et poussent à acheter « ce dont vous n’avez pas besoin », la Chouette Coop fonctionne sur un principe de participation active. Chaque coopérateur doit consacrer trois heures toutes les quatre semaines au fonctionnement du magasin : mise en rayon, caisse, gestion des stocks, accueil…
« Tout le reste est assuré par des bénévoles, aussi bien la gestion que le paiement des factures », précise Monique Bru. Seul un salarié à temps partiel coordonne les commandes et les relations fournisseurs.
Cette organisation permet de maintenir des prix accessibles tout en assurant une « juste rémunération » aux producteurs. « On ne négocie pas les prix », souligne la bénévole. Une philosophie qui tranche avec les pratiques de la grande distribution, même si elle reconnaît les limites du système.
« Les prix des produits alimentaires ne sont jamais corrects » dans nos sociétés industrielles. Chacun considère que l’alimentation doit représenter « le coût le plus faible possible et nous restons en concurrence avec un marché injuste ».
Local et participatif avant tout
La charte de la coopérative, écrite au lancement et restée stable, privilégie l’approvisionnement local « le plus possible auprès du producteur ». Un défi logistique de taille.
« Référencer quelqu’un, c’est une commande à suivre, la facturation et plus on a de producteurs pour un ou deux produits, plus c’est compliqué pour nous… ça multiplie vraiment le boulot », reconnaît Monique Bru.
Résultat : un équilibre délicat entre circuit-court et contraintes pratiques. « Il faudrait beaucoup plus d’équipiers » pour amplifier encore la part des producteurs locaux.
Malgré ces contraintes, l’engagement porte ses fruits. Les coopérateurs peuvent faire l’essentiel de leurs courses, « y compris le frais et l’ultra-frais », dans un espace qui privilégie la qualité à la quantité. La coopérative propose « plusieurs niveaux de prix pour être accessible au plus grand nombre » et du bio « mais pas seulement », pour rester ouverte à tous.
Un laboratoire de lien social
Au-delà de l’acte d’achat, la Chouette Coop s’impose comme un véritable lieu de sociabilité.
« C’est un sacré lieu de lien social », témoigne Monique Bru. « Quand on va au magasin, on fait ses courses mais on rencontre toujours quelqu’un, on discute. » Pendant le confinement, elle y trouvait « un peu son bistrot ».
Cette dimension sociale s’enrichit d’une solidarité concrète : grâce aux « arrondis de caisse » volontaires, la coopérative émet des bons de solidarité de 10 euros, suspendus dans le magasin comme des « tickets suspendus », permettant aux personnes aux revenus modestes de continuer à y faire leurs courses.
Sur 1400 membres, 500 sont réellement actifs, ce qui représente une belle réussite. La population est « plutôt CSP+ » mais « assez mélangée », avec une majorité de femmes et une belle mixité générationnelle.
« Il y a des gens que je n’aurais jamais croisés ailleurs », observe Monique Bru, qui apprécie cette diversité des « projets de vie » et des « choix » au sein de la coopérative.
Après deux ans enfin d’équilibre financier, la Chouette Coop démontre la viabilité d’un modèle économique alternatif. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de supermarchés coopératifs qui essaiment dans de nombreuses villes françaises, répondant à une demande croissante de transparence alimentaire et de participation citoyenne.
D’ailleurs, la Chouette Coop a été référencée par la Caissalim de Toulouse qui expérimente une Sécurité sociale de l’alimentation.
Cette expérience toulousaine montre qu’il est possible de « s’éduquer aux questions d’alimentation » en créant du lien social et en soutenant l’économie locale. Repenser notre rapport à l’alimentation est plus que jamais d’actualité !
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