Découvert par hasard dans un jardin, Ned n’est pas un escargot comme les autres : sa coquille s’enroule à gauche, une anomalie rarissime. Ce détail infime a suffi à transformer ce “gaucher” en vedette nationale, désormais en quête de l'amour.
Ned, l’escargot condamné au célibat ?
Un après-midi d’août comme les autres, dans son potager du Wairarapa (Nouvelle-Zélande), Giselle Clarkson retourne la terre. Un escargot chute. Elle s’apprête à l’écarter, indifférente, mais un détail l’arrête net : la coquille s’enroule… à gauche. Un détail infime, mais porteur d’un bouleversement immense. Dans ses mains, l’illustratrice tient un miracle statistique : un escargot sénestre, soit un individu sur 1 million. Elle le baptise aussitôt Ned, en hommage affectueux au gaucher le plus iconique de Springfield : Ned Flanders.
Dans le monde des gastéropodes, l’orientation de la coquille n’est pas qu’une curiosité esthétique. Elle conditionne aussi l’anatomie reproductive. Or, chez Ned, tout est inversé : les organes sexuels ne peuvent s’aligner qu’avec ceux d’un autre escargot “gaucher”. Autrement dit, Ned est condamné à une solitude amoureuse… à moins qu’un autre de ces rares spécimens ne soit découvert.
Cette singularité avait déjà ému le public en 2017, lorsqu’un escargot londonien, Jeremy, avait fait la une des journaux. Après une campagne internationale, deux partenaires potentiels avaient été retrouvés. Mais ironie du sort, ces deux prétendants s’étaient accouplés entre eux, laissant Jeremy sur la touche. Il réussit tout de même, plus tard, à se reproduire – avant de s’éteindre, deux ans après sa découverte.
Ned, l’escargot senestre dont la spirale s’enroule à gauche – Crédit : Giselle Clarkson
Une campagne nationale pour retrouver un “gaucher”
Pour aider Ned dans sa quête improbable, le magazine New Zealand Geographic a lancé une mobilisation nationale. Les Néo-Zélandais sont invités à explorer leurs potagers, parcs et coins ombragés, là où les escargots aiment se dissimuler le jour, ou à arpenter les allées par temps doux, lorsque ces mollusques sortent volontiers.
Si par chance un autre “gaucher” venait à être découvert, la consigne est simple : le placer délicatement dans un bocal garni de feuilles de salade ou d’épinards, puis prévenir la rédaction du magazine. A noter que n’importe quel gaucher fera l’affaire, car les escargots sont hermaphrodites et donc capables de produire à la fois des spermatozoïdes et des ovules.
Si la campagne amuse par son ton presque romantique, elle a aussi une vocation plus profonde.
“Notre objectif est de connecter les gens à l’environnement”, explique Catherine Woulfe, rédactrice en chef de New Zealand Geographic, au Guardian. “C’est léger et amusant, mais nous espérons que ce soit aussi une porte d’entrée vers des sujets plus profonds comme le jardinage, la compréhension du monde naturel et les étranges subtilités de la reproduction”, ajoute-t-elle.
Un tel engouement surprend, car Ned n’appartient pas à une espèce rare ou menacée : c’est un banal escargot de jardin, introduit en Nouvelle-Zélande depuis l’Europe, et généralement considéré comme nuisible. Pourtant, ce détail minuscule – une coquille inversée – a suffi à transformer ce ravageur ordinaire en petite célébrité nationale.
Alors, si vous vivez en Nouvelle-Zélande et croisez un escargot dont la coquille tourne à gauche, ne détournez pas le regard. Vous pourriez bien offrir à Ned la rencontre de sa vie.
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