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« On est en train de perdre tout ce que nos aînés ont gagné »

« Quand je suis entré dans la fonction publique en 2008, je vivais de mon salaire avec mes 3 enfants, témoigne une quinquagénaire. Aujourd’hui, je n’en ai plus qu’un à charge et je suis à découvert le 15 du mois ». 

Depuis le 10 septembre, certains habitants de la Creuse, délaissés par les pouvoirs publics, tentent pacifiquement de faire entendre leur colère. Dans le département le plus pauvre de Nouvelle-Aquitaine, les habitants dénoncent la dégradation générale du niveau de vie et le manque de démocratie.   

Le délitement des services publics  

Au matin du 18 septembre, plus d’un millier de personnes se sont rassemblées à Guéret, préfecture de la Creuse, pour la journée nationale de mobilisation intersyndicale. Les manifestants, venus des quatre coins du département, agitent des drapeaux de la Confédération générale du travail (CGT), de la Confédération Paysanne, du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) ou de Force Ouvrière (FO).  

D’autres, arborent des pancartes colorées qui exposent leurs revendications : « Re-démocratisation, Macron Démission », « Macron explosion », « un monde meilleur pour nos enfants » 

En Creuse, le sentiment de dégradation du niveau de vie est caractérisé notamment par le délitement des services publics. La population pointe particulièrement la dégradation des services de santé, dans un département où la population est vieillissante, malgré l’arrivée régulière de jeunes néoruraux. 

« Si tu es blessé et que tu dois aller aux urgences, l’hôpital d’Aubusson, il faut fuir ! » témoigne ainsi un trentenaire vivant au sud du département. « Promets-moi de ne jamais m’y emmener ! » plaisante une autre habitante à propos du même hôpital qui traîne une réputation de délabrement.  

Ainsi, la manifestation débute au pied du centre hospitalier de Guéret. Devant la foule, une représentante CGT dénonce un « abandon de l’État » et une gestion de l’hôpital suivant une « logique comptable déshumanisée ». Elle fustige un « management maltraitant », tant pour les patients que pour les salariés de l’hôpital. 

Plusieurs fonctionnaires creusois témoignent d’un « ras-le-bol » face à la dégradation de leur situation : « Quand je suis entré dans la fonction publique en 2008, je vivais de mon salaire avec mes 3 enfants, témoigne une quinquagénaire. Aujourd’hui, je n’en ai plus qu’un à charge et je suis à découvert le 15 du mois ». 

Des habitants dénoncent également la suppression des petites lignes de train, à l’image de la ligne Felletin – Guéret, fermée depuis le 1er septembre 2025. En mars 2025, des habitants avaient « fêté » la fermeture de cette ligne pour dénoncer l’enclavement du territoire. Ils avaient transformé, le temps d’un trajet, le train en « tiers-lieu mobile du chômage » : « plus de chômage, moins de train : célébrons la fin de la petite ligne » ironisaient-ils.  

D’autres pointent la suppression d’arrêts de bus, renforçant leur isolement dans ce territoire peu densément peuplé. 

« On n’a plus de transports en commun ! déplore Madeleine, septuagénaire vivant dans le centre de la Creuse. Pourtant, plusieurs personnes le prenaient. Maintenant, on doit faire plusieurs kilomètres à pied ou en voiture pour aller à l’arrêt. » 

« Je paie des impôts pour rien. Cite-moi un service qui fonctionne ! renchérit une autre habitante. On est en train de perdre tout ce que nos aînés ont gagné. On doit même travailler 15 ou 20 heures par semaine pour toucher le RSA : c’est du travail dissimulé ! »

« Une logique qui défend les puissants » 

De nombreux habitants soulignent l’ironie du contraste entre le manque d’investissements de l’État en ce qui concerne la santé, l’éducation ou les diverses infrastructures publiques, mais l’envoi de nombreux membres des forces de l’ordre sur les lieux de luttes sociales.

« Hier, les gendarmes étaient sur tous les ronds-points, raconte un habitant de Felletin, petite ville située au pied du plateau de Millevaches. À Ussel, des hélicoptères de gendarmerie étaient déployés, et dans certains lieux, il y avait plus de policiers que de manifestants. » 

Les représentants syndicaux et les habitants pointent l’inégalité sociale croissante à l’échelle nationale. « L’hôpital est détruit par une logique qui défend les puissants » constate une représentante CGT du centre hospitalier de Guéret.  

Son constat est partagé par Olivier Thouret, représentant de la Confédération Paysanne de Creuse, seul syndicat agricole présent à la manifestation :  

 « De l’argent, il y en a, affirme-t-il. Qui a eu le plus accès au “quoi qu’il en coûte” pendant le Covid ? Ce sont les entreprises. Sans que l’on sache ce qu’est devenu l’argent. Et aujourd’hui, on ne demande rien aux entreprises du CAC 40 qui ont touché ces subventions. Nous, agriculteurs, avons énormément de subventions avec la PAC, mais par contre on est contrôlés, et je trouve ça tout à fait normal. Il faut que le contrôle s’exerce aussi sur les entreprises. Est-ce que cet argent a servi à la relance et à employer des salariés, ou juste à créer des dividendes ? » 

Pour ce paysan qui produit du fromage de chèvre, des œufs et élève des vaches à viande, les restrictions budgétaires voulues par les gouvernements successifs creusent également les inégalités alimentaires :  

« Des aides ont été supprimées, notamment les aides au maintien à l’agriculture biologique, déplore-t-il. La conséquence directe, c’est qu’on doit augmenter le prix de nos produits si on veut continuer à vivre de notre production. Comme les salaires n’augmentent pas, les smicards ne peuvent plus avoir accès à une augmentation de qualité ! » 

Olivier Thouret, représentant de la Confédération Paysanne de Creuse

Entre colère et lassitude  

Malgré cette mobilisation de 1000 – selon la préfecture – à 2000 personnes – selon les syndicats -, certains témoignent d’un sentiment de lassitude et regrettent une certaine forme de résignation sein de la population.  

« Je suis le gilet jaune solitaire du rond-point, affirme Antoine avec amertume. Je suis resté assis 3 journées d’affilée avec une pancarte. Mais il n’y a pas assez de gens motivés pour se rassembler, affirme cet habitant de la petite ville de Bourganeuf. Les syndicats auraient dû se mobiliser le 10. Là, ils ont freiné dès le début. Ça manque de partage entre gens motivés, et ça manque de gens motivés tout court ». 

Pourtant, une colère sourde existe depuis des années en Creuse, dirigée notamment vers le personnel politique national. « J’ai fait assez d’efforts ! Mais eux, c’est quand qu’ils font des efforts ? peste une quinquagénaire excédée. Quand les politiques s’aligneront sur le salaire médian, ils pourront l’ouvrir ! » 

Lors de l’élection législative de 2024, le député macroniste Jean-Baptiste Moreau avait été éliminé dès le premier tour dans l’unique circonscription du département. Le scrutin a débouché sur l’élection de Bartolomé LENOIR, le candidat de l’union de l’extrême-droite face à la députée sortante Catherine Couturier (LFI) et à Valérie Simonet (divers droite). 

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Eloi Boye

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