Samedi 16 août, un sanglier a été retrouvé mort sur la plage de Lermot d’Hillion, dans la baie de Saint-Brieuc en Côtes-d’Armor, un lieu particulièrement touché par les algues vertes. Malgré les alertes, le phénomène des marées vertes se poursuit.
Plusieurs décès de sangliers
« Pour l’instant, nous ne connaissons pas la cause du décès. Nous allons demander le rapport d’autopsie, même si on ne nous le donnera probablement pas », indique Isabelle Volante de l’association Halte aux marées vertes, pour La Relève et La Peste.
En septembre 2024, le cadavre d’un sanglier avait été retrouvé sur la plage de Saint-Maurice à Morieux. Les résultats de l’autopsie, relayés par la presse en mars 2025, mettent en cause les algues vertes.
« Malgré l’avis favorable de la commission d’accès aux documents administratifs, nous n’avons jamais reçu le rapport complet d’autopsie. Quatre autres sangliers ont été découverts depuis, nous avons également fait des demandes, mais nous n’avons rien reçu. Nous ne savons pas de quoi ils sont morts », déplore Isabelle Volante.
« Le sanglier semble s’être noyé », a indiqué Annie Guennou, maire d’Hillion, interrogée par France 3 Bretagne. « En tout cas, depuis 15 jours, il n’y a plus d’échouages d’algues vertes, alors on ne pourra pas dire que ce sanglier est mort à cause des algues vertes ! »
La plage de Lermot est effectivement régulièrement nettoyée, note Isabelle Volante. « C’est une plage touristique, où il n’y a pas trop de rochers ni de vasières, donc les bulldozers peuvent ramasser régulièrement les algues. » Ce qui n’est pas le cas de la plage de la Granville à Hillion ou de Morieux, où ont été retrouvés les autres cadavres de sangliers.
L’autopsie du sanglier retrouvé sur la plage de Lermot va être déterminante. Si les algues vertes sont en cause, « ce serait très inquiétant, car cela signifierait que des résidus sont suffisants pour tuer un animal de 500 kg et que toutes les plages concernées par les algues vertes seraient donc infréquentables », craint Isabelle Volante.
Récemment, la cour administrative d’appel de Nantes a reconnu le rôle direct des algues vertes dans la mort de Jean-René Auffray, retrouvé sans vie dans une vasière située dans l’estuaire du Gouessant en 2016. Et le décès de Thierry Morfoisse, victime d’un infarctus alors qu’il transportait des algues vertes à Binic, a été reconnu comme accident du travail, bien que le lien de causalité avec son exposition aux algues vertes n’ait dans ce cas pas été reconnu.
Un sanglier retrouvé mort à Morieux – Crédit : Halte aux marées vertes
Le gaz toxique des algues vertes
Malgré ces décès et des alertes répétées, le problème des algues vertes est loin d’être résolu. La seule solution mise en œuvre à l’heure actuelle étant le nettoyage des zones infestées, mais toutes ne sont pas accessibles.
« Il faut ramasser les algues, les essuyer, les essorer, les transporter en camion, les traiter. C’est un coût qui est phénoménal. Alors qu’on pourrait favoriser une agriculture plus respectueuse de l’environnement et plus adaptée à la Bretagne », estime Isabelle Volante.
« Si on ne change pas de modèle agricole, il n’y a aucune raison que la situation évolue dans le bon sens. Notre agriculture est malade, délétère. Elle pollue les eaux. »
Les algues vertes prolifèrent en raison d’un phénomène appelé eutrophisation, qui correspond à un excès de nutriments comme l’azote et le phosphore dans les milieux aquatiques, dont les algues se nourrissent. Cet excès provient de l’agriculture et des élevages par le biais des engrais et du lisier. L’azote se retrouve alors sous forme de nitrates dans les cours d’eau, les lacs ainsi qu’en en pleine mer, avant d’échouer et de s’accumuler au gré des marées.
Les algues vertes se développent en particulier dans les zones où les eaux sont peu profondes, comme dans la baie de Saint-Brieuc. Au-delà des Côtes-d’Armor, on les retrouve aussi dans le Finistère et dans le Morbihan. Si les zones infestées par les algues vertes sont interdites au public, des promeneurs ou des joggeurs peuvent facilement se retrouver à proximité par inadvertance.
« Tant qu’elles sont dans l’eau les algues ne sont pas dangereuses, mais quand la mer se retire, elles sèchent et forment une croûte, ce qui empêchent les algues du dessous d’être oxygénées. Il se forme alors de l’hydrogène sulfuré (H2S). Et lorsque que l’on marche dessus, la croûte se casse et libère ce gaz très toxique. »
Au bout d’un moment, le sable recouvre les algues vertes en décomposition et ces poches d’hydrogène sulfuré. Cette pollution n’est pas seulement néfaste pour les hommes et les animaux, mais pour l’ensemble de la biodiversité.
Plage infestée d’algues vertes – Crédit : Halte aux marées vertes
Mise en danger délibérée d’autrui
Face à l’absence de mesures réelles pour endiguer le problème des algues vertes, l’association Halte aux marées vertes a déposé une plainte contre X en mars auprès du procureur du pôle régional environnement du tribunal judiciaire de Brest.
Cette plainte est participative : l’association a invité ses adhérents et ses sympathisants à joindre leur plainte à la sienne pour dénoncer la pollution des eaux, l’atteinte à la faune piscicole et à son habitat et la mise en danger délibérée d’autrui.
« Nous voulons que toutes les responsabilités économiques ou politiques soient recherchées, qu’il y ait une sanction et que l’État fasse respecter la Charte de l’environnement de 2005 qui garantit le droit de vivre dans un environnement respectueux de la santé », précise Isabelle Volante, évoquant les intérêts financiers énormes en jeu et le lobbying exercé auprès des personnels politiques.
« Nous espérons que notre plainte ne sera pas classée sans suite et qu’elle suscitera au moins des questionnements », poursuit-elle.
Hélas, le contexte actuel est peu favorable à l’environnement et au climat, comme en atteste la promulgation par Emmanuel Macron de la loi Duplomb, qui va faciliter l’agrandissement des élevages, eux-mêmes en cause dans la prolifération d’algues vertes.
S’informer avec des médias indépendants et libres est une garantie nécessaire à une société démocratique. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.
Retour
