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La musique réduirait la douleur de 20 % chez les malades

Dans certains cas, la sécrétion de dopamine, de prolactine et d’autres substances produites à l’occasion de l’écoute de musique permet, grâce au processus de synchronisation cardiorespiratoire, de diminuer de 40 à 60 % la dose de médicaments indiquée, dont la morphine. 

« La musique guérit. » Ce célèbre mantra, utilisé pour promouvoir l’effet des chansons sur le corps et l’esprit, pourrait bien être légitimé par une nouvelle étude. Des chercheurs et chercheuses de la faculté de médecine de la California Northstate University à Elk Grove en Californie, ont analysé des milliers d’articles et de dossiers sur le sujet. Selon les scientifiques, la diffusion de musique réduirait la douleur perçue de près de 20 % chez les patient·es en période de convalescence.

Une pratique ancienne

De tout temps, la musique a été associée à la médecine et à la relaxation, des « bols chantants » utilisés en Asie depuis l’âge du Bronze dans le cadre de la religion bön afin « de restaurer les fréquences vibratoires du corps, de l’esprit et de l’âme » aux mélodies composées avec les modes grecs antiques, que prescrivaient Pythagore et ses disciples vers 500 avant J.-C. pour soigner la dépression et la colère.

Enfin, dès le XXᵉ siècle, l’industrie laitière a instrumentalisé la musique ; c’est ainsi qu’en exposant les bovins à des morceaux de classique ou de folk, les éleveurs et éleveuses ont vu l’anxiété de leurs animaux diminuer, et leur production augmenter de 3,2 %. Une expérience souvent décriée par l’écrivain et musicologue italien Alessandro Baricco dans ses ouvrages, dont notamment « L’Âme de Hegel ou les Vaches du Wisconsin ».

Quel que soit le contexte ou la finalité, les chansons occupent donc une place prépondérante dans nos sociétés. Mais si ses effets sont reconnus, la musicothérapie a tardé à s’imposer comme une pratique curative multidisciplinaire, complémentaire de la médecine conventionnelle.

« Jusque dans les années 90, la musique était un support qui permettait de faire émerger des émotions enfouies, des sentiments inconscients, de manière à renforcer le lien entre les psychothérapeutes et les patient·es. Cette perspective n’était pas encore très étayée scientifiquement », raconte Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l’Université de Caen et directeur d’une unité de l’Inserm, pour La Relève et La Peste.

Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la pratique de la musicothérapie s’est structurée, en s’appuyant sur des formations, ainsi qu’une littérature objective, étudiant les effets de la musique sur le corps et le cerveau. De nouvelles données scientifiques ont également permis de considérer la possibilité de transposer les interventions musicales dans un contexte hospitalier – non plus spécifiquement psychiatrique.

Un bain sonore tibétain – Crédit : Kaboompics

Des protocoles musicaux 

Aujourd’hui, la musicothérapie se développe sous différentes formes, telles que la diffusion de musique enregistrée, les performances en direct, ou encore la création de sons et de mélodies par les patient·es.

Il convient toutefois de distinguer les interventions musicales relatives à l’animation socioculturelle, des ateliers prescrits par les médecin·es, basés sur des protocoles « pour lesquels il peut y avoir un certain nombre de mesures à respecter et de phénomènes à quantifier ».

Ces derniers ont vocation à stimuler les individus victimes de certaines pathologies, et conséquemment, à réduire l’anxiété, la dépression, voire la douleur lors des soins palliatifs – tout au moins à détourner leur attention.

Dans certains cas, la sécrétion de dopamine, de prolactine et d’autres substances produites à l’occasion de l’écoute de musique permet, grâce au processus de synchronisation cardiorespiratoire, de diminuer de 40 à 60 % la dose de médicaments indiquée, dont la morphine. 

À condition de programmer des séances régulières encadrées par des musicothérapeutes ou, à défaut, des musicien·nes solistes.

« Ce qui compte est que les chansons utilisées soient constituées d’un thème possédant une certaine densité sonore, qui baisse progressivement de volume. Le panel de genres peut être très large : reggae, jazz, musique celtique ou rock “doux” », explique Hervé Platel, pour La Relève et La Peste.

En outre, de nombreux services hospitaliers sont équipés d’une application numérique, Music Care, intégrant des chansons variées, répondant aux règles susnommées, que peuvent choisir les patient·es, selon leurs préférences.

Quant à savoir s’il faut être intime avec la musique pour ressentir les effets de cette thérapie, le professeur de neuropsychologie précise que l’environnement social, familial, ou bien les composantes génétiques prédisposent à cette sensibilité, mais que celle-ci peut se développer avec le temps. Et que les résultats sont « plus ou moins équivalents ».

« Un jour, j’ai eu une expérience avec une jeune femme toxicomane, en grossesse pathologique : je l’ai tenue durant quarante minutes, en jouant un morceau d’air celtique qui la calmait, alors qu’elle était sous oxygène. Elle respirait… c’était incroyable », illustre Sophie Béguier, harpiste et sophrologue intervenant au CHU de Toulouse, pour La Relève et La Peste.

La harpiste Sophie joue auprès d’une future maman – Crédit : CHU de Toulouse

Réveiller la mémoire 

A fortiori, les maladies neurodégénératives, en particulier Alzheimer, sont tout à fait compatibles avec un suivi en musicothérapie. 

« Il ne s’agit pas de guérir la ou le patient, mais de lui permettre d’avoir moins de symptômes liés aux conséquences cognitives de sa pathologie et de renforcer sa mémoire le plus longtemps possible », prévient Hervé Platel, pour La Relève et La Peste.

En effet, à mesure que la maladie progresse, les difficultés de communication et l’apathie (l’indifférence aux émotions ou à l’intérêt) s’intensifient. Ce faisant, chez les sujets âgés, l’écoute de vieilles chansons provoque des réactions physiques extraordinaires : les yeux s’écarquillent, ils fredonnent des airs intégrés dans leur jeunesse, leur adolescence, et se réapproprient certaines composantes du langage que la maladie a altérées.

D’autres applications sont possibles. Les personnes souffrant de Parkinson s’aident par exemple de la musique – de préférence rythmée, entraînante – pour initier ou fluidifier leur marche, en calant leurs pas sur la pulsation du morceau.

Autant d’effets que documentent Hervé Platel et son unité depuis plus de trente ans, dans le cadre de leurs travaux sur la mémoire musicale, prenant entre autres la forme d’une cartographie cérébrale.

« Écouter de la musique ou “la pratiquer” suscite des images et anime plusieurs régions du cerveau à la fois parce que c’est un stimulus extrêmement complexe », constate le professeur.

Docteure étudiant l’activité cérébrale – Crédit : Anna Shvets

À plus forte raison, jouer d’un instrument de manière durable, rigoureuse, entraîne une modification du cerveau, principalement au niveau des régions de la mémoire, aussi appelées hippocampes. Car cet exercice signifie l’apprentissage de gestes répétés, de techniques, d’informations, à court et long termes.

La production vocale suit la même logique ; il n’est pas rare de voir des seniors ou des patient·es souffrant d’Alzheimer intégrer une chorale. « C’est très recommandé, puisque chanter, qui plus est en synchronie, oxygène le cerveau et le corps en profondeur », note-t-il.

De surcroît, des études montrent qu’en vieillissant, l’on entend moins distinctement les fréquences aiguës et graves : « Il faut donc faire œuvre de prévention et considérer que lorsque l’on a des acouphènes et une perte auditive après 50 ans, il ne faut pas attendre d’en avoir 80 pour s’appareiller » ajoute-t-il, avant de louer la miniaturisation et la performance des prothèses auditives modernes, permettant d’écouter confortablement sa musique. « Les personnes témoignent d’un plaisir retrouvé », assure-t-il.

Ces dernières années, plusieurs textes, à l’instar de la convention Culture et Santé 2016-2022, ont souligné l’importance de l’accès aux arts dans les structures médicales, en citant la position de l’OMS selon laquelle « la culture [NDA : et par extension, la musicothérapie] s’inscrit pleinement dans la définition de la santé. »

« Je dis souvent que je ne donne pas un concert : je viens à la rencontre des patient·es au pied du lit avec ma harpe pour les apaiser. Il y a le ballet des doigts sur les cordes, le son de l’instrument, les vibrations et ma présence. Toutes ces sensations saturent leur cerveau, qui se déconnecte comme lors d’une séance d’hypnose », explique Sophie Béguier, pour La Relève et La Peste.

Une opportunité, attendu que la musique est « une expérience passive » et à moindre coût financier et énergétique, dont les résultats sont largement établis.

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Rodolphe Lamothe

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