Dans la nuit du 27 juin, un paysan bio tarnais voyait son système d'irrigation détruit par trois personnes. La semaine précédente, ce sont dix habitants du Tarn qui découvraient leur domicile et leurs lieux de travail couverts de peinture et de slogans pro-A69. À l’approche de la prochaine mobilisation contre l’A69, les tensions entre opposants et défenseurs du projet s’intensifient.
Compteur d’eau brisé, tuyaux d’alimentation tordus, pièces de raccordement volées et 60 000 euros de pertes estimées… Pour cet agriculteur bio, le constat est amer. Dans la nuit du 27 au 28 juin, trois personnes se sont introduites sur sa propriété afin de procéder à la destruction de son matériel agricole. Alors que la France traverse un épisode de canicule précoce et intense, avec des températures avoisinant les 40°C, la destruction de son système d’irrigation menace son activité agricole pour le reste de la saison.
Cette tentative d’intimidation s’explique par la position du paysan, opposé au projet d’autoroute, devenu un véritable catalyseur des tensions dans le département. Filmés par des caméras que l’agriculteur avait installées quelques jours auparavant, les trois personnes – qui ont agi à visage découvert – ne tardent pas à être reconnus grâce à une enquête citoyenne. Parmi elles, le fils et salarié d’un prestataire de travaux participant au chantier.
« Ces actes lâches prouvent l’évident : c’est bien le cœur de la Mafia69 qui est aux manettes des tentatives d’intimidation des opposant.es. Si les 6 incendies ou tentatives d’incendie chez des opposants ou sur les occupations destinées à ralentir le chantier n’ont pas pu bénéficier de telles preuves, aujourd’hui, ces vidéos lèvent le voile sur les vrais coupables », expriment les Soulèvements de la Terre.
Tension croissante autour du chantier
Quelques jours auparavant, ce sont dix opposants à l’A69 – dont l’agriculteur cité ci-dessus – qui se trouvaient dans les viseurs des pro-autoroutes. Sur de nombreux ronds-points entre Castres et Puylaurens ont été affichées des pancartes où figuraient leurs noms, accompagnés de la mention « hébergeurs de voyoux » (sic). Leur domicile ou leur lieu de travail ont également été recouverts de peinture ou de slogan « oui à l’A69 ».
Cette recrudescence d’intimidations et de destructions survient dans un climat particulièrement tendu autour du chantier. Alors que les travaux étaient suspendus depuis la décision du tribunal administratif de Toulouse du 27 février, les partisans du projet ont multiplié les tentatives pour contourner l’interdiction. L’État et le concessionnaire ont finalement obtenu devant la cour administrative d’appel un sursis à exécution, autorisant la reprise des travaux en attendant le jugement sur le fond, prévu d’ici la fin de l’année.
Parallèlement, des parlementaires du Tarn ont déposé une proposition de loi de validation visant à reconnaître au projet une « raison impérative d’intérêt public majeur », permettant ainsi de passer outre la décision judiciaire. Adopté en commission mixte paritaire, le texte attend désormais la ratification des deux chambres.
Face à ce que les opposants considèrent comme un véritable « passage en force politico-juridique » et, pour réaffirmer leur détermination à empêcher ce projet de voir le jour, un week-end de mobilisation est organisé sur le tracé de l’autoroute, du 4 au 6 juillet. Cet événement – attendu pour les uns et redouté pour d’autres – cristallise les tensions.
Faire front face à un projet « écocidaire et antisocial »
La “turboteuf contre l’A69” explique en partie l’intensification des intimidations perpétré par les pro-autoroute, en témoigne l’acharnement contre des prétendus « soutiens » ou « hébergeurs » de militants contre l’A69. Mais ces pressions ne font pas reculer les opposants pour autant, qui se réjouissent de la mobilisation à venir.
« Nos événements sont surtout caractérisés par la joie, la fête, et le faire-ensemble, et ça va être le cas encore ce week-end. On ne perd pas de vue les raisons pour lesquelles on se rassemble ; ce projet est écocidaire, injuste et antisocial. Et par ailleurs, c’est également un laboratoire de la répression et du passage en force autoritaire. Donc on va encore être des milliers à se rassembler pour s’y opposer, parce qu’on est là pour ça et que c’est nécessaire », explique Martin, un opposant à l’A69, à La Relève et La Peste.
De son côté, la Préfecture du Tarn a interdit, par arrêté, toute manifestation contre l’A69 entre le 3 et le 7 juillet sur l’ensemble du tracé de l’autoroute. Une décision qu’elle justifie en invoquant « un risque très élevé de troubles graves à l’ordre public », tout en brandissant la menace de la présence de « centaines d’éléments radicaux ».
« Au vu des derniers événements, notamment avec les dégradations qu’il y a eu chez l’agriculteur, ça confirme ce que nous disons depuis le départ ; c’est que la violence, elle n’est pas de notre côté, mais bien de celui des partisans de l’autoroute. Elle est du côté de la préfecture, qui déploie des centaines de policiers. Elle est du côté des pro-A69, qui n’hésitent pas à menacer et ensuite à passer à l’acte pour directement cibler, non pas des organisations, mais des personnes, chez elles », rétorque Arthur, également opposant à l’A69.
À la veille du week-end de mobilisation, les tensions restent vives. Entre pressions politiques, intimidations ciblées et interdictions préfectorales, les opposants à l’A69 s’organisent et misent sur la force du collectif pour faire face à ce qu’ils dénoncent comme une dérive autoritaire et écocidaire.
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