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Pépé Mujica : « La grande crise n’est pas écologique, elle est politique »

« Vivre pour payer des cotisations ? Ce n'est pas vivre. Vivre, c'est rêver, c'est croire en quelque chose de plus élevé, en quelque chose de créatif. »

Une des plus belles âmes qui ai existé dans l'histoire moderne vient d'être éternisée. José Mujica, alias Pépé, ancien président de l'Uruguay. Un monument de la politique internationale et aussi un ovni car il a été le président le plus atypique en étant un homme simple, modeste et humble dont le coeur battait pour l'humanité. Un hommage du photographe Geoffrey Roy.

Un président exemplaire

Pour qui a grandi loin de la terre uruguayenne c’est souvent tard, lors de son mandat entre 2010 et 2015, qu’on a pris connaissance de son existence, son message et ses actes. Mais il nous a impacté directement et intimement.

Ce président donnait 90% de son salaire à des associations et se déclarait bien loti avec les 10% restant (il ne gardait que 760€ sur ses 9.300€ mensuels). Face aux grands leaders du monde en 2012, il se présenta sans cravate avec des discours retentissants contre le consumérisme à la conférence de Rio, et ensuite aux Nations Unies à New-York. Il s’en prenait au pillage des ressources de la Terre et au « dieu marché ».

« La grande crise n’est pas écologique, elle est politique (…). Nous devons nous rendre compte que la crise de l’eau et l’agression contre l’environnement n’en sont pas la cause. La cause, c’est le modèle de civilisation que nous avons mis en place. Et ce que nous devons revoir, c’est notre mode de vie. »

Une partie de ce qui a forgé le caractère et la sagesse de ce grand homme vient de la souffrance qu’il a vécue et sa façon d’y réagir.

José Mujica avec Barack Obama à la Maison-Blanche (12 mai 2014) – Crédit : Official White House Photo / Pete Souza

Un révolutionnaire résilient

Dans les années 1960 et 1970, Mujica était membre du Mouvement de Libération Nationale-Tupamaros, un groupe de guérilla urbaine qui s’opposait à la dictature militaire en Uruguay. Cette lutte lui coûta cher : il fut arrêté à plusieurs reprises et passa près de 13 ans en prison, dont presque une décennie en isolement total. Enfermé dans des conditions inhumaines, il subit la torture, la privation et l’isolement extrême.

Il racontait que, durant ces années, il souffrait d’hallucinations auditives et de paranoïa, conséquences de la solitude imposée. Il ne voyait d’autres êtres humains que lorsqu’il était battu, ce qui lui fit perdre plusieurs dents.

« Je suis passionné, mais dans mon jardin je ne cultive plus la haine depuis des décennies, parce que j’ai appris une dure leçon que la vie m’a imposée : la haine finit par nous rendre idiots (…) La haine est aveugle comme l’amour, mais l’amour est créatif et la haine nous détruit. »

Malgré cette souffrance, Mujica ne s’est jamais laissé briser. Il a trouvé refuge dans la réflexion et la méditation, développant une philosophie de vie qui allait guider son engagement futur. Il disait : « La prison m’a appris que l’homme peut s’adapter à tout. » Cette capacité d’adaptation lui permit de survivre à l’isolement et de sortir de cette épreuve avec une vision du monde profondément humaniste.

Lorsqu’il fut libéré en 1985, après la fin de la dictature, il aurait pu nourrir de la rancune. Pourtant, il choisit une autre voie : celle du dialogue et de la réconciliation. « La haine est un poids trop lourd à porter. Elle ne sert à rien, » disait-il, refusant de se laisser enfermer dans le ressentiment.

Il transforma son passé en une force motrice pour bâtir un avenir plus juste, prônant la paix et la solidarité plutôt que la vengeance.

13.07.2023 – Pepe Mujica. – Crédit : Ricardo Stuckert/PR

Un homme amoureux

Son expérience en prison influença profondément sa vision du pouvoir et du bonheur. Il comprit que la liberté ne réside pas dans l’accumulation de biens matériels, mais dans la capacité à vivre simplement et à apprécier l’essentiel.

« Je ne suis pas pauvre, je suis sobre. Je vis avec juste ce qu’il faut pour que les choses ne volent pas ma liberté. » Cette philosophie guida son mandat présidentiel, où il refusa les privilèges du pouvoir, préférant vivre dans sa modeste ferme.

Pepe Mujica n’était pas seulement un homme politique hors du commun, il était aussi un homme profondément attaché à l’amour sous toutes ses formes. Son histoire avec Lucía Topolansky, sa compagne de toujours, est une preuve éclatante de la force du lien humain face aux épreuves de la vie.

Lucía n’était pas seulement son épouse, elle était sa partenaire de lutte, son soutien indéfectible et son refuge. Ils se sont rencontrés dans les années de clandestinité, alors qu’ils faisaient tous deux partie du Mouvement de Libération Nationale-Tupamaros, combattant la dictature militaire en Uruguay.

Leur amour s’est forgé dans l’adversité, dans les moments les plus sombres. Il a souvent affirmé que sans Lucía, il n’aurait pas survécu à ces années de souffrance.

« Je suis vivant grâce à cette femme. Si elle n’avait pas été là, je serais déjà mort, » disait-il avec une sincérité bouleversante.

José Mujica avec son épouse Lucía Topolansky, sénatrice la mieux élue du pays en 2009. – Crédit : Ambassade des Etats-Unis en Uruguay

« L’amour est une douce habitude, un désespéré effort pour échapper à la solitude » confiait Mujica, soulignant que l’amour véritable ne réside pas seulement dans la passion, mais aussi dans la complicité et le partage au fil des années.

Mujica voyait l’amour comme une force créatrice, opposée à la haine qui détruit. Pour lui, l’amour, sous toutes ses formes, est ce qui donne un sens à l’existence. Il croyait profondément en la nécessité de cultiver des relations humaines sincères, basées sur le respect et la solidarité. A ses yeux, l’amour ne se limitait pas aux relations personnelles, mais s’étendait à l’amour de la vie, de la nature et de l’humanité.

Il a incarné à merveille le personnage du vieux sage qu’on veut avoir à nos côtés et dont on veut écouter les histoires, qui nous rappelle la valeur de la vie et de l’importance de donner du sens à son existence

« Cela peut être la musique, la science, n’importe quoi. Vivre pour payer des cotisations ? Ce n’est pas vivre. Vivre, c’est rêver, c’est croire en quelque chose de plus élevé, en quelque chose de créatif. »

Avec sa façon d’être, il remettait en cause les impacts de l’ego et de la mort sur nos vies avec toute simplicité : « A quoi sert un vieil arbre s’il ne laisse pas passer la lumière pour que des nouvelles graines poussent à travers son feuillage ? »

Vivre avec une cause et du temps pour ce qui importe. « Je plaide pour ma façon personnelle de vivre sobrement parce que pour vivre il faut avoir de la liberté, et pour avoir de la liberté il faut avoir du temps. Alors je suis sobre pour avoir du temps parce que quand tu achètes avec de l’argent, tu n’achètes pas avec de l’argent mais avec le temps de ta vie que tu as dû donner pour avoir de l’argent ».

Grâce à toi Pépé, le monde maintient une magnifique lueur d’espoir, de rêver ensemble d’un monde meilleur. Tu disais « Les hommes passent, les causent restent », ainsi ta cause aujourd’hui vibre en toutes ces personnes que ta vie aura atteint. Gracias Pépé, hasta siempre.

Découvrir le travail de Geoffrey Roy.

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