Lancé en 2020, l’écosyndicat Printemps écologique se développe doucement. Il compte aujourd’hui près de 400 élus. La structure multiplie les domaines d'expertise et crée des ponts entre les associations expertes dans le domaine écologique et les salariés syndiqués. Description de ces premières années de lutte avec Anne Le Corre, porte parole du Printemps écologique.
LR&LP : Vous existez depuis cinq ans, quel premier bilan tirez vous de votre entrée dans la sphère syndicale?
Anne Le Corre : Le Printemps écologique a 5 ans, mais cela fait seulement 3 ans que l’on est habilité à présenter des candidats aux élections professionnelles, car il faut attendre deux ans pour y être autorisé.
En 2023, 70 % des CSE (Comité économique et social) étaient renouvelés. On a participé à environ 80 élections. Dans la plupart des cas, nous avons eu des élus, et sur certains, nous avons été majoritaires.
Aujourd’hui, on a près de 400 élus. On ouvre actuellement des sections syndicales en vue du prochain cycle d’élection qui aura lieu en 2027.
LR&LP : Qui sont vos syndiqués et dans quelles entreprises sont-ils élus?
Anne Le Corre : Nos listes font des très bons scores dans des entreprises qui n’ont pas forcément de culture syndicale. C’est notamment le cas pour OVH (fournisseur de serveur cloud), un groupe de 2000 salariés. C’était la première fois que des listes syndicales se présentaient.
On a eu de bons résultats dans certaines startup, dans des environnements peu syndiqués, ou encore chez Too Good To Go, Arkham Studio ou Ubisoft. On a également réussi à s’intégrer dans des entreprises avec de fortes cultures syndicales, chez Orange, Décathlon ou Nestlé par exemple.
On a aussi des listes qui se sont montées dans des secteurs industriels comme la métallurgie ou l’aéronautique, domaines au sein desquels les salariés sont soucieux de l’impact écologique de ce qu’ils produisent.
Le bilan est intéressant parce que la plupart de nos élus n’identifiaient pas l’outil syndical comme un outil d’engagement pour la lutte écologique. Beaucoup s’engagent pour la première fois avec nous.
Salariées syndiquées au Printemps Ecologique – Crédit : Juliette Imagery
LR&LP : Depuis votre création, sentez-vous une amélioration de la prise en compte des questions écologiques dans le monde syndical?
Anne Le Corre : Lorsque l’on monte une liste pour une élection et que l’on crée la profession de foi, sorte de programme pré-élection, les autres syndicats vont intégrer beaucoup plus les questions environnementales.
On va être, à certains moments, dans des actions de formation des autres syndicats pour les faire monter en compétence sur la prise en compte des questions environnementales par les CSE.
LR&LP : Le cas de l’usine Purina de Veauche, où vous avez empêché Nestlé de déployer des chaudières bois énergie et d’exploiter les forêts alentours au profit d’une alternative plus verte, est-il le symbole de votre capacité à mobiliser certains acteurs (le syndicat a fait appel au Cabinet Carbone 4 pour proposer une alternative plus écologique à la proposition de Nestlé) pour une analyse locale très précise ?
Anne Le Corre : Une des volontés du Printemps écologique était de créer des ponts entre l’écosystème associatif, qui aujourd’hui à une réelle expertise sur les sujets environnementaux, et les salariés. A Veauche, on a eu l’appui de l’association Pour un réveil écologique qui nous a permis de contrer le projet de Nestlé.
En tant que syndicat, nous n’avons pas vocation à avoir une expertise technique, notre but est d’être une plateforme d’échange et de mobilisation locale. L’objectif est d’avoir un maximum d’acteurs autour de la table pour livrer des analyses précises et surtout proposer des alternatives écologiques à certains projets.
LR&LP : Travaillez vous uniquement sur les questions écologiques ?
Anne Le Corre : On a fait le choix de ne pas être un syndicat sectoriel. Les sujets que l’on porte sont aussi les sujets syndicaux traditionnels dans lesquels on imbrique la dimension écologique. On a des secteurs d’activités très variés. Chez Orange, il y a la question de la 6G, chez EDF l’intervention de l’extrême droite dans un podcast d’entreprise.
L’intelligence artificielle est un des sujets les plus vastes que l’on traite actuellement. Beaucoup d’entreprises, notamment des éditeurs de logiciels, intègrent l’IA sans avertir les CSE. Il commence à y avoir des contentieux. L’IA a un énorme impact écologique, en termes de consommation d’eau et d’énergie. Elle pose également des problèmes de production intellectuelle. A qui appartient le travail d’un développeur qui utilise un assistant IA ?
On travaille sur la question des congés menstruels, on essaye de travailler avec des entreprises ouvertes à la question pour ensuite avoir des exemples que l’on puisse diffuser dans des entreprises où le dialogue social est plus compliqué.
LR&LP : Quels résultats visez-vous lors des prochaines élections syndicales de 2027?
Anne Le Corre : Pour le moment, on a pas d’objectif chiffré. On est concentré sur l’action au quotidien. Le contexte économique est compliqué. Il y a une multitude de plans sociaux. Sur le premier semestre de l’année, il y a une augmentation de 2,8 % d’entreprises en procédure judiciaire.
On le ressent au quotidien, on doit accompagner des salariés dans certaines négociations. On tâche de former les élus.