Pour réduire son impact environnemental, Marseille opte pour une solution décarbonée durable en transformant la mer en source d’énergie renouvelable. Bien que Monaco ait été pionnier dans la géothermie marine dès la fin des années 1960, la cité phocéenne a su tirer profit de son emplacement côtier pour déployer les premières centrales de géothermie marine jamais construites en France. Piocher de l’eau salée pour produire du chaud et du froid, afin d’alimenter ensuite tout un réseau de plusieurs bâtiments.
La géothermie marine comme solution énergétique durable
La géothermie marine présente une solution énergétique durable, particulièrement adaptée pour une grande ville portuaire comme Marseille. Ce projet a pour ambition de servir de modèle pour d’autres villes du littoral méditerranéen, en France et dans le monde. Le potentiel de cette technologie est prometteur : avec plus de 40 % de la population mondiale résidant à moins de 100 kilomètres des côtes, soit environ 2,4 milliards de personnes, la géothermie marine se placerait comme une solution pour répondre aux besoins énergétiques croissants liés à l’urbanisation et à la densité démographique.
Installée depuis 2016 dans le quartier d’Arenc, la production centralisée de géothermie marine Thassalia, mise en place par la société Engie, a été une première en France et en Europe. Ce concept de transport d’énergie à partir d’une boucle d’eau tempérée utilise l’énergie thermique contenue dans l’eau de mer pour produire et alimenter certains quartiers en chauffage, eau chaude sanitaire et climatisation des bâtiments.
C’est à sept mètres de profondeur que l’eau de mer est puisée par un système de pompage. En fonction des besoins, on prélève à cette eau des calories ou des frigories grâce à des groupes froids ou des thermofrigopompes et on les transmet au réseau 3 km de canalisations alimentant les bâtiments qui lui sont raccordés.
« On alimente 600 000 m2 de bâtiments, du périmètre d’Euro-Méditerranée jusqu’à la porte d’Aix » commence Patrick Berardi, directeur général de Thassalia pour La Relève et La Peste. Une cinquantaine d’infrastructures tertiaires et résidentielles profite de ce réseau de thalassothermie, couvrant 70% de leurs besoins énergétiques : logements sociaux, bureaux, bâtiments publics, commerces, centre commercial, écoles.
Grâce à leur température stable tout au long de l’année, les eaux marines permettent de produire de l’énergie froide pour rafraîchir les bâtiments en été et de l’énergie chaude pour les chauffer en hiver.
Patrick Berardi précise : « En hiver, nous récupérons une eau à environ 14°C que nous devons chauffer jusqu’à 60°C pour le chauffage. En été, elle atteint environ 22°C et nous la refroidissons à 5°C pour la climatisation ».
Par rapport aux systèmes de chauffage et de climatisation classiques, cette solution permet de réaliser d’importantes économies d’énergie tout en réduisant les émissions de CO₂. L’ADEME (Agence de la Transition Écologique), qui a contribué au financement du projet, souligne que cette installation présente également un avantage économique notable en offrant une énergie à coût stable pour les utilisateurs des bâtiments connectés.
« En comparaison avec des installations autonomes, cette production à l’efficacité énergétique, qui alimente tout un système, permet une consommation d’énergie primaire divisée par deux » continue Patrick pour La Relève et La Peste.
« L’objectif initial du taux d’énergie renouvelable était de 70 %. Aujourd’hui, on atteint les 80 % ». Ce qui veut dire que 80% du chaud et du froid produits viennent de l’énergie thermique de la mer et les 20% restants concernent l’électricité utilisée pour les machines. « On économise chaque année environ 8 000 tonnes de CO₂ » ajoute le directeur de Thassalia pour La Relève et La Peste.
Un suivi accru pour le maintien de rejets sans impact sur la mer
Lors de la mise en place de la centrale, la DDTM – Direction Départementale des Territoires et de la Mer – a délivré une autorisation et suit de façon régulière les potentiels impacts des rejets dans la mer.
« La température est le seul impact sur l’eau. Et l’eau rejetée est immédiatement diluée dans la masse globale » indique Patrick Berardi pour La Relève et La Peste.
Afin de garantir que l’eau de mer soit restituée sans impact sur la faune et la flore marine, les centrales doivent se soumettre à des réglementations strictes. Aucune substance n’est ajoutée, ni retirée de l’eau. Aucun produit chimique ne peut être déversé dans le milieu marin. Et malgré les variations saisonnières de sa température, l’eau rejetée ne peut excéder 30 degrés, avec un écart thermique maximal de plus ou moins 5 degrés.
« Tous les ans, un bureau d’études spécialisé dans l’environnement vient vérifier l’évolution de la biologie au niveau du point de puisage et du point d’évacuation de l’eau de mer ».
Un tout nouveau éco-quartier chauffé à l’eau de mer
Un autre réseau dans la même veine vient d’être inauguré le 8 novembre dernier. Baptisée « Massileo », cette centrale de thalassothermie, conçue et exploitée par Dalkia, filiale du groupe EDF, approvisionne en énergie l’éco-quartier des Fabriques, situé dans le 15ᵉ arrondissement.
L’eau est puisée à quatre mètres de profondeur et envoyée dans un local d’échange situé sur le port. Puis, elle rejoint la centrale de production avant d’être redistribuée en pied d’immeubles pour alimenter le quartier entier.
Pour réaliser ce projet, 9 kilomètres de canalisations spécifiques ont été installés afin de relier la mer à la nouvelle station, auxquels s’ajoutent 5 kilomètres de réseau destinés à raccorder les bâtiments. La filiale d’EDF prévoit, à terme, de fournir l’énergie aux 2000 logements que comptera ce futur quartier.
Pensé pour s’adapter aux enjeux du changement climatique et répondre aux défis environnementaux propres à la région méditerranéenne, cet éco-quartier vise un impact vertueux en favorisant la sobriété énergétique. Il offre à ses habitants une énergie « durable, renouvelable et locale à 70 % », selon les engagements de ses concepteurs, Linkcity et UrbanEra.
« Au bout de 10 ans, on arrive à la limite de capacité de la centrale » termine Patrick en parlant de Thassalia. « Pour étendre le système à d’autres quartiers, l’ajout de moyens de production est nécessaire ».
Une première phase de zone d’agrandissement, qui est en cours d’étude, prévoit de se déployer pour desservir le centre-ville : du Mucem, jusqu’à la Belle de Mai, en descendant jusqu’au Vieux-Port, à partir de 2028.
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