Près de six millions de sapins naturels sont vendus chaque année en France pour les fêtes de fin d’année. Si 80 % de ces conifères sont cultivés en France, leur production, mêlant utilisation de pesticides, monoculture et coupes rases, est délétère pour la biodiversité.
5000 ha à 6000 ha de plantations de sapins
Mon beau sapin, roi des sapins, es-tu réellement un choix écologique pour Noël ? Alors que les fêtes de fin d’année approchent, près de six millions de conifères s’apprêtent à être vendus afin d’être parés de guirlandes, boules et autres ornements.
Provenant à 80 % de l’Hexagone – les 20 % restants sont importés du Danemark, de la Belgique et d’Allemagne -, les sapins français sont principalement cultivés dans trois régions : le Morvan, la Bretagne et la région Rhônes-Alpes. En France, entre 5 000 et 6 000 hectares sont dédiés à la production de ces conifères. Cela paraît peu au regard des 28 millions d’hectares de notre surface agricole utile (SAU), mais la culture des quatre principales variétés de sapins – Nordmann, Épicéa, Douglas et Nobilis – repose sur des pratiques délétères pour l’environnement. Parmi lesquelles : des coupes rases et l’utilisation de pesticides.
Selon une étude réalisée par l’association Agir pour l’Environnement en décembre 2022, 85% des sapins de Noël commercialisés en France sont contaminés par des pesticides. En analysant 17 sapins, l’association a notamment identifié, sur certains d’entre eux, treize pesticides différents incluant les plus toxiques du marché – classés « cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques » – tels que le glyphosate.
« C’est une aberration écologique »
Outre les risques qu’ils présentent pour les consommateurs, ces traitements phytosanitaires perturbent durablement la faune et la flore. Cultivés sur une période de six à dix ans, les sapins peuvent subir jusqu’à dix traitements phytosanitaires annuels. Ce mélange de fongicides, insecticides et herbicides contamine durablement l’air, l’eau et les nappes phréatiques, perturbant ainsi la biodiversité.
Dans le Morvan, l’association Adret Morvan lutte activement contre la monoculture de sapins, une pratique agricole qui, en appauvrissant la biodiversité, accroît la vulnérabilité aux parasites et maladies.
Sa présidente, Marie-Agnès Brun, exprime son indignation : « On garde le sapin chez soi deux semaines tout au plus alors qu’il met dix ans à pousser. C’est une aberration écologique ».
En outre, le sapin, espèce non autochtone dans le Morvan, déséquilibre durablement les sols.
« Le sapin n’appartient pas à la forêt endémique du Morvan, qui est à l’origine une forêt de feuillus. Le sol granitique est déjà naturellement acide. Or, les résineux accentuent cette acidité, ce qui nuit gravement à la faune, à la flore et aux champignons », précise Marie-Agnès Brun pour La Relève et La Peste.
Pour réduire ces effets délétères, l’association prône une culture biologique. « Au lieu de recourir aux herbicides, on peut, par exemple, utiliser des moutons Shropshire qui mangent les herbes sans toucher aux résineux », avance la présidente d’Adret Morvan auprès de La Relève et La Peste.
Si l’agriculture biologique gagne progressivement du terrain, elle reste néanmoins une pratique marginale. Parmi les mille exploitants de sapins de Noël en France, une vingtaine à peine se passent de produits chimiques.
8 kg de CO2 pour produire un sapin artificiel
Quid des alternatives aux sapins naturels ? Est-il préférable de se tourner vers les conifères en plastique ? Le bilan n’est guère plus glorieux de ce côté. Selon une étude menée en 2009 par le cabinet de conseil québécois Ellipsos, le sapin naturel l’emporte sur son homologue artificiel, souvent fabriqué en Asie à partir de dérivés de pétrole.
En effet, de la pépinière au salon du client, le sapin naturel génère seulement 3,1 kg de CO2, contre 8 kg pour l’arbre artificiel (l’étude part du principe que ce dernier était conservé six ans). Ainsi, pour que l’artificiel soit réellement compétitif sur le plan écologique, il devrait avoir une durée de vie d’au moins 20 ans. Or, en moyenne, les sapins en plastique sont gardés huit ans, a indiqué l’Agence de la transition écologique (Ademe) en décembre 2022.
De plus, il convient également d’éviter de décorer le sapin avec de la neige artificielle ou des colorations. Composées de produits chimiques, ces dernières émettent des polluants à l’intérieur du logement et empêchent l’arbre d’être composté ou broyé par la suite pour servir de paillage dans les jardins. À la place, le conifère devra être brûlé avec les ordures ménagères, met en garde l’Ademe.
Ainsi, naturel ou artificiel, l’achat d’un sapin de Noël n’est pas sans conséquences écologiques. Pour profiter pleinement des fêtes de fin d’année, pourquoi ne pas en fabriquer soi-même avec des matériaux de récupération tels que du bois ou du carton ?
Si ce choix permettrait de réduire quelque peu les émissions des fêtes de fin d’année, il est également à noter que les sapins et décorations ne représentent que 2 % des émissions de gaz à effet de serre générées par les fêtes de fin d’année. En tête, figurent, selon l’Ademe, l’alimentation (15 %), les déplacements (25 %) et les cadeaux (57 %).
S’informer avec des médias indépendants et libres est une garantie nécessaire à une société démocratique. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.