Suite aux révélations de Disclose et Reclaim Finance, ANV-COP21 a interpellé le directeur financier d’Axa à l’Investir Day. Malgré une communication écologique bien rodée et certains engagements climatiques, comme celui de cesser d’assurer les projets liés au charbon d’ici 2030, la compagnie d’assurance continue d’être l’un des principaux soutiens au dérèglement climatique.
Axa, acteur principal du marché du gaz de schiste américain
Il est 15h40 le mardi 26 novembre 2024 quand les activistes entrent dans le carrousel du Louvre où a lieu l’Investir Day, un salon qui réunit investisseurs et personnes hauts placées de la finance, du milieu bancaire et assurantiel, acteurs de la cryptomonnaie, ou encore économistes.
Le directeur financier d’Axa, première compagnie d’assurance française, tient un discours sur scène. Les militants l’interpellent : « Nous demandons à Axa de se désengager des projets fossiles ». Quelques dizaines de secondes plus tard, les voilà devant l’entrée du salon pour déployer la banderole « Climat : avec Axa, c’est la catastrophe assurée ».
« Sans assurance, il n’y a pas de projet fossile » explique Sacha Ruello-Jossic, membre de Insure ou future, pour La Relève et La Peste. « Axa se définit comme hyper vert sauf que le diable se niche dans les détails. Ils nous disent : on va arrêter le pétrole et le gaz, à l’exception du gaz naturel liquéfié » poursuit-elle.
Le 2 février 2024, Axa expliquait pourtant dans son « Guide de l’adaptation » que « les trajectoires d’émission de gaz à effet de serre actuellement observées nous entraînent vers un réchauffement qui va continuer d’augmenter ».
Si l’image est soignée, les engagements sont à nuancer. Disclose révélait, en avril 2024, que la compagnie assurait le terminal méthanier de Zeebrugge, propriété de Fluxys, le plus grand importateur de gaz russe en Europe. Les rentes du gaz vendu à Fluxys par les oligarques sont soupçonnées de financer la guerre en Ukraine.
Un peu plus tôt dans l’année, le 22 février 2024, Disclose et Reclaim Finance révélaient l’existence de contrats, jusqu’alors restés secrets, entre Axa et les multinationales spécialisées dans la gaz de schiste. La compagnie française assure, en partie, deux terminaux de gaz liquéfié américain : le Cameron LNG, et le Tacoma LNG.
Le premier se situe en Louisiane, Etat où les canaux creusés par l’industrie fossile mettent en danger les zones humides. Le terminal Cameron LNG est l’un des principaux terminaux gaziers américains et un lieu central pour les nouvelles infrastructures gazières : forages et pipelines. Le second se situe dans l’État de Washington. Le peuple Amérindien de Puyallup ne cesse de protester contre l’installation qui impacte ses ressources halieutiques.
🔴15 activistes ANV-COP21 interrompent la conférence d’@AXAFrance au salon #InvestirDay pour dénoncer leur soutien à des projets fossiles.
La compagnie se vante de son engagement contre le dérèglement climatique alors qu’elle assure les projets qui y contribuent !😡 pic.twitter.com/3gkBJO6PP3
— ANV-COP21 (@AnvCop21) November 26, 2024
Une industrie qui va s’étendre sous Donald Trump
Donald Trump va, lorsqu’il sera investi à la Maison Blanche le 20 janvier 2025, nommer l’entrepreneur Chris Wrigh, qui fait fortune dans l’extraction de gaz de schiste, à la tête du ministère de l’énergie. Sa mission sera de « réduire les barrières administratives » et « superviser le chemin vers la domination énergétique des Etats-Unis » selon les mots de l’ex-futur président.
Le républicain voit en lui « l’un des pionniers qui ont contribué au lancement de la révolution américaine du schiste qui a alimenté l’indépendance énergétique américaine et transformé les marchés mondiaux de l’énergie et la géopolitique ».
En d’autres termes, la production de gaz de schiste devrait exploser durant la mandature Trump. Assurer les terminaux gaziers américains, c’est assurer la durabilité et l’expansion du marché.
Les assurances doivent « prendre leurs responsabilités »
« Le soutien d’Axa aux énergies fossiles représente une petite partie de leurs activités. Ils pourraient très bien cesser d’assurer le pétrole, le gaz et le gaz liquéfié. Les entreprises fossiles ont besoin des assureurs, mais les assureurs n’ont pas besoin des entreprises fossiles. Cela peut changer la donne de manière déterminante » insiste Sacha Ruello-Jossic auprès de La Relève et La Peste.
En annonçant la sortie progressive de son activité assurantielle liée au charbon, la compagnie française avait embarqué une multitude d’assurances dans son sillage.
« Axa est très attaché à son image de lutte contre le dérèglement climatique, en les visant, on estime que l’on peut faire bouger d’autres acteurs » précise Silène Paris, militante à ANV-COP21, pour La Relève et La Peste.
Aujourd’hui, 46 assureurs se sont engagés à cesser ou à restreindre les services d’assurance pour le charbon ; 26 se sont engagés à cesser ou à restreindre la souscription de projets liés aux sables bitumineux ; et 19 se sont engagés à cesser ou à restreindre la souscription pour l’exploitation des combustibles fossiles dans l’Arctique.
Globalement, c’est tout le secteur assurantiel qui doit « prendre ses responsabilités […] et favoriser la transition vers une économie à faible émission de carbone » selon Insure Our Future. L’association précise que, pour maintenir le réchauffement climatique à +1.5 degré, il faut la mise en place immédiate de trajectoires contraignantes et transparentes de la part des assurances.
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Source : « Malgré leurs engagements climatiques, les assureurs Axa et Scor soutiennent le gaz de schiste américain », 22/02/2024, Disclose / « L’assureur Axa soutient le principal importateur de gaz russe en Europe », 17/04/2024, Disclose.