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« Croiser le regard d’un ours, c’est être traversé par des milliers d’années »

Immortaliser la faune sauvage, c’est raconter une histoire. Le rêve de Kevin était de rencontrer les ours. Comme il le dit lui-même, il aurait pu aller dans les Pyrénées mais c’était décidé : « J'allais rencontrer les ours en Transylvanie et y aller à vélo ».

Kevin Simon revient de trois mois de voyage où il a parcouru 5000 km à vélo pour réaliser un rêve : photographier des ours dans les Carpates. Il revient sur ce périple sportif à la découverte d’un des rois des montagnes.

Être photographe animalier sans l’avion

Amoureux du Vivant, Kevin le sublime par la photographie. Son œil aguerri immortalise des regards profonds et de subtils mouvements qu’il a patiemment attendus, dissimulé dans des habits de camouflage. Avec, pour soin premier, de ne pas déranger le monde animal. C’est lors de son aventure du Permacooltour, un soir de bivouac dans les Alpes qu’il rencontre tour à tour : un renard, un cerf et deux biches. A son retour, c’est décidé, il se camouflera pour observer.

« J’ai commencé à me déguiser en buisson pour observer les animaux qu’il y avait autour de chez moi dans la Drôme. C’est là que j’ai rencontré des loups, des cerfs, des vautours et des hermines » se souvient-il pour La Relève et La Peste.

Naît ainsi l’étincelle d’allier sa passion pour la photographie animale et le voyage. Comment imaginer une aventure qui pourrait lier ces incroyables rencontres et une manière de se déplacer, sans pétrole ?

« Aller voir des animaux à l’autre bout de l’Europe sans pétrole, c’était important pour moi. Je n’ai pas envie de prendre l’avion pour aller photographier des animaux. Notamment pour transmettre le message de préserver le vivant qu’il y a autour de nous » explique Kévin pour La Relève et La Peste

Selon lui, réinventer la photographie animalière, sans prendre l’avion, est un changement de paradigme notamment dans notre rapport au temps. Se questionner profondément sur ce qui donne l’élan de photographier des animaux sauvages et d’être capable de faire le choix de ne se fixer qu’un seul objectif. Faire moins mais avec du sens.

« Plein de photographes m’inspirent, et qui, surtout dans la photographie animalière, traversent le monde pour éditer des livres extraordinaires. Quand on creuse, on comprend que s’ils ne prenaient pas énormément l’avion, Ils ne pourraient pas faire ce travail. C’est à l’encontre de mes valeurs » déplore Kévin auprès de La Relève et La Peste

Kévin Simon entouré de son matériel vélo et photo pour son périple – Crédit : Kévin Simon

La photographie animalière en perte de sens

De nos jours, la photographie animalière est devenue un business qui consiste trop souvent à appâter les prédateurs en étant bien cachés afin de réaliser le cliché parfait. Dans certains cas, des carcasses sont déposées à des endroits spécifiques pour que, plus loin, cachés dans des cabanes d’observation, les photographes à l’affût prennent facilement des clichés des prédateurs.

« Les animaux viennent parce qu’ils savent qu’il y a à manger.  Ils ne se font pas la guerre parce que c’est l’abondance. Ça devient un business. Tout devient un business dans la vie » dénonce Kévin auprès de La Relève et La Peste

Kevin nous raconte qu’en Roumanie, les gardes forestiers déposent de la nourriture en forêt afin d’éloigner les ours des villes et des habitations. Cela pour qu’ils aient suffisamment de quoi s’alimenter et ne descendent plus dans les villages. Observer des ours en forêt pendant quelques heures est devenue une attraction autant pour les touristes que pour les photographes.

« Pourquoi souhaite-t-on photographier un animal sauvage ? Est-ce pour la beauté d’une rencontre incertaine ? Ici, il y a une forme d’intervention humaine sur son mode de vie. Les raisons qui font qu’on a envie de le voir n’existent plus vraiment. C’est pour moi une perte de sens » démêle Kévin auprès de La Relève et La Pest

Immortaliser la faune sauvage, c’est raconter une histoire. Le rêve de Kevin était de rencontrer les ours. Comme il le dit lui-même, il aurait pu aller dans les Pyrénées mais c’était décidé : « J’allais rencontrer les ours en Transylvanie et y aller à vélo ».

La route de Transfăgărășan – Crédit : Kévin Simon

Une rencontre pas comme les autres

C’est sur la route de Transfăgărășan, muni d’un spray poivre-piment de Cayenne accroché à l’avant de son vélo et quelques pétards que, prêt à se défendre, il a fait sa première rencontre.

« En randonnant dans les forêts, Il y a des panneaux : attention, vous êtes sur un territoire avec des ours. Dans les flaques d’eau, il y a parfois des grosses empreintes qui font la taille d’une tête humaine. Avec des grosses griffures sur les arbres. On se dit « Ok, focus ». Mais je n’ai pas rencontré d’ours à ce moment-là » s’amuse Kévin pour La Relève et La Peste.

Après dix jours de « Workaway » dans une ferme appartenant à une petite famille où il faisait la traite de bufflonnes, du pain et un peu de potager, il est parti en direction de cette route mythique de 40kms dessinée en lacets sur 1650m de dénivelé.

« Je commence à monter cette route puis, une camionnette arrive en face de moi à toute vitesse et son chauffeur me crie : attention, ours ! Quatre kilomètres plus tard, je vois cinq voitures avec un petit bouchon. Je me dis, ok, ils sont là » raconte Kévin Simon pour La Relève et La Peste.

Avec une certaine appréhension mais porté par la curiosité, Kevin se place à l’opposé de là où sont arrêtées les voitures en se disant qu’elles le protégeront.

« Arrivé à l’avant de la file sur le bord de la route, je vois une maman ourse posée et, derrière la rambarde de sécurité, trois petits oursons. Je me dis que c’est le pire scenario quand tu es à vélo. J’ai eu la chance que la maman ourse soit complètement désintéressée du cycliste que j’étais. Confiant en la vie, je me dis j’y vais, je continue ma route. C’est là qu’elle m’a regardé avant de me laisser passer. C’était ma toute première rencontre. Et c’était une sacrée rencontre » se souvient-il avec émotion.

Sur la route, il en croisera d’autres qu’il photographiera, toujours à vélo et suffisamment loin pour se trouver en sécurité et ne pas être aperçu d’eux.

« C’était des rencontres merveilleuses. Mais la première était parsemée de peur, de tension et de dégoût face au tourisme de masse qui passait sur cette route-là » regrette Kévin auprès de La Relève et La Peste.

Une pellicule de souvenirs qui se déroule

Traverser des paysages, découvrir la solitude, se laisser porter par l’instant présent sont tout autant de mots que nous offre à partager Kevin lorsqu’on lui demande les souvenirs qui l’ont marqué.

« Croiser le regard d’un ours, c’est comme être traversé par des milliers d’années qui t’observent au plus profond de toi-même. C’est très fort. Je n’avais jamais rencontré d’ours de ma vie. Il a laissé une belle empreinte en moi. C’est un souvenir inoubliable » explique-t-il.

Mais les ours ne sont pas les seuls animaux qui ont ponctué le périple à vélo de Kévin.

« J’ai rencontré un jeune renardeau tout curieux. Il est resté dix minutes à m’observer. Il s’est posé en face pour me regarder. Il semblait me demander ce que je faisais-là au beau milieu de la forêt » s’amuse Kévin.

La rencontre avec de grands prédateurs comme les ours est aussi excitante qu’elle peut être inquiétante, tant ces animaux en imposent par leur carrure et leur puissance. Au cours de son voyage, il y a seulement deux moments où Kévin s’est senti vraiment vulnérable.

« Un soir, un ours est venu se gratter sur ma tente. C’était la deuxième fois où j’avais le spray poivre prêt à dégainer et mes pétards à être jetés en cas de danger parce que j’étais tout seul en pleine forêt, en pleine nuit, avec un ours à quelques centimètres de moi. J’avais accroché ma nourriture dans un arbre à plusieurs centaines de mètres de là où je logeais. J’ai eu peur. Mais ça s’est bien passé, parce que finalement, il n’y a rien qui l’intéressait » retrace Kévin pour La Relève et La Peste.

Le renardeau curieux – Crédit : Kévin Simon

Rencontrer des prédateurs en milieu naturel sans les déranger et étant protégé

Partir à la rencontre d’animaux sauvages demande de la préparation et de la vigilance. Kevin nous partage ses trois conseils. D’abord, ne jamais avoir de nourriture sur soi.

« Les ours ont une très mauvaise vue. Ils ne peuvent ne pas nous voir même à 10 mètres. Par contre, ils ont un odorat parfait. Si nous sommes en possession de nourriture et que l’odeur parvient à la truffe de l’ours par le vent, cela peut nous mettre dans une mauvaise posture » explique-t-il pour La Relève et La Peste.

Pour pallier à ce souci, il faut « se mettre dans le sens opposé du vent, être le plus discret possible. Il faut arriver avant la tombée du jour et repartir en étant sûr qu’il n’y a aucune présence animale autour de soi ».

Enfin, après un moment de réflexion il ajoute : « partir avec un spray de dispersion au poivre ».

Même si l’on parle de prédateurs, l’homme reste le plus grand de tous. Si l’animal qui se trouve en face du photographe se sent menacé, il aura peur. Ainsi, il y a de très fortes probabilités pour qu’il attaque. Ne pas le déranger est la manière la plus sûre de préserver sa propre sécurité et celle de l’animal.

« Maintenant, je rêve d’aller voir le renard gris, au Cap Nord (en Norvège) un jour à vélo ainsi que les aurores boréales. Sortir de sa zone de confort, passer des nuits à la belle étoile, des journées entières sur un vélo, avoir encore ces odeurs, ces bruits, ces langues différentes, ces paysages. Le voyage à vélo, c’est incroyable ! Prendre le temps et ralentir. Le voyage en une semaine peut être frustrant. Mais prendre trois mois dans sa vie et partir, c’est incroyable ! » conclut-il d’un ton émerveillé

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Liza Tourman

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