Des chercheurs italiens ont révélé le premier cas de parthénogenèse, c’est à dire de reproduction sans fécondation, chez une espèce de requin en voie de disparition : le requin-lévrier commun. Ce phénomène serait causé par l’absence de mâles, et pourrait enrichir les efforts de conservation de ces espèces.
Dans Scientific Reports, des chercheurs italiens ont révélé le premier cas documenté de parthénogenèse facultative chez le requin-lévrier commun, Mustelus mustelus, une espèce menacée par la surpêche qui habite la Méditerranée et d’autres mers chaudes.
Issus de plusieurs instituts spécialisés du Piémont, de la Ligurie et du Val d’Aoste, ces chercheurs ont étudié pendant quatre ans deux requins femelles Mustelus mustelus, âgées de 18 ans et vivant en captivité depuis 2010, dans un aquarium en Sardaigne.
De façon alternée entre elles deux, ces femelles ont mis au monde un petit malgré l’absence de mâles dans l’aquarium. Trois naissances ont ainsi eu lieu en 2020, 2021 et 2023, mais un seul individu, l’individu né en 2021, est toujours en vie aujourd’hui.
La parthénogenèse obligatoire, ou « naissance virginale », est un mode de reproduction où un œuf se développe en progéniture sans fécondation. Ce phénomène, déjà connu pour une centaine d’espèces de vertébrés et 1000 espèces d’invertébrés, est relativement rare. Il n’a jamais lieu chez les mammifères.
Parmi les espèces qui dépendent de ce type de reproduction, le lézard à queue en fouet des prairies du désert (Aspidoscelis uniparens) n’a que des femelles au sein de sa population, il n’y a aucun mâle. La reproduction se fait donc par parthénogenèse obligatoire, les oeufs sont auto-fécondés.
À l’inverse, la parthénogenèse facultative, où les femelles peuvent se reproduire à la fois sexuellement et parthénogénétiquement, est plus courante chez certains vertébrés, notamment les élasmobranches (groupe biologique qui regroupe les requins et raies).
Fait notable, si certaines femelles requins peuvent garder du sperme trois mois après l’acte sexuel pour attendre leur moment de fertilité, ce n’est pas cela qui a permis la reproduction des requins femelles seules. Les chercheurs ont étudié l’ADN de la progéniture pour exclure la possibilité qu’elle ait été conçue grâce au stockage à long terme du sperme par la mère.
« Bien que les mécanismes à l’origine de la parthénogenèse restent flous, il est suggéré que la réduction de la population de mâles est le facteur déterminant », estiment les chercheurs dans leur étude.
Or, le requin-lévrier commun est une espèce classée par l’UICN comme en voie de disparition. En cause : la pêche illégale qui cible principalement les individus sexuellement immatures, entraînant un déclin substantiel de la population. Leur population pourrait diminuer jusqu’à 50 % au cours des prochaines décennies.
Si cette étude a porté sur des sujets en captivité, elle donne de nouvelles clés de compréhension pour tenter de rétablir les populations à l’état sauvage. Elle démontre que certaines espèces pourraient adapter leur reproduction face à l’effondrement des populations.
Attention toutefois, concluent les chercheurs : « Bien qu’avantageuse, la parthénogenèse chez les espèces menacées peut entraîner une réduction de la diversité génétique, ce qui aggrave les difficultés auxquelles sont confrontés les requins en raison des pressions de pêche et des longues périodes de gestation. Le maintien des populations de requins est essentiel à l’équilibre écologique et à la stabilité de l’écosystème marin. »