Du surf à l'ultra-trail, les sportifs sont de plus en plus nombreux à se positionner pour réduire l'impact environnemental de leur discipline. Certains en ont même fait leur cheval de bataille comme Xavier Thévenard, Gaëtan Gaudissard et Ainhoa Leiceaga. Rencontre.
Sportifs de haut niveau et l’écologie
Le sport de haut niveau peut-il rester hermétique aux débats qui agitent la société ? A en croire la polémique qui a récemment secoué le monde de l’ultra-trail, il semble évident que non. En janvier dernier, deux légendes de la discipline, Kilian Jornet et Zach Miller, ont appelé à boycotter la mythique course de l’Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB).
Tous deux demandaient notamment une course plus verte et plus sobre alors que chaque année, environ 30 000 personnes font le déplacement pour assister à cet événement planétaire. L’an passé déjà, certains athlètes s’étaient indignés de la signature d’un partenariat entre l’UTMB et le constructeur automobile Dacia, fustigeant le bilan carbone de la filiale de Renault.
Parmi eux, Xavier Thévenard. Trois fois vainqueur de l’UTMB, le sportif de 36 ans s’illustre autant par ses exploits sportifs que par ses prises de position écologistes.
« Depuis petit, j’ai toujours couru en pleine nature, rembobine l’athlète pour La Relève et La Peste. J’aime la liberté que ça me procure, les paysages magnifiques que j’observe quand je suis en montagne. Mais en grandissant, je me suis rendu compte de l’impact de l’homme sur la nature, continue-t-il, soulignant notamment la disparition des périodes de grand froid dans le massif du Jura d’où il est originaire. A ce moment-là, je me suis dit qu’il fallait agir. »
Diminuer voire arrêter les déplacements en avion
Décidé à réduire son empreinte écologique, le sportif a été le premier traileur à arrêter, en 2019, de prendre l’avion pour ses loisirs comme pour participer à des compétitions sportives. Une décision que certains pourraient considérer comme radicale, mais que le sportif ne regrette aucunement.
« En prenant l’avion, j’ai compris que je participais à la destruction d’un environnement qui me procurait du plaisir. Ça ne pouvait plus durer », explique-t-il. Et de renchérir : « Au début, ma décision a fait polémique dans le milieu, mais finalement, elle a été plutôt bien accueillie. L’étiquette du “sportif vert” a bien plu à certains partenaires. Surtout, c’est une décision que j’ai pu prendre sans trop de difficultés car l’ultra-trail est un sport tellement exigeant physiquement qu’on ne participe pas à une quinzaine de compétitions par an. Dans d’autres disciplines, ça pourrait être plus compliqué. »
Dans la discipline du surf, justement, Ainhoa Leiceaga a elle aussi pris des décisions fortes pour diminuer son empreinte écologique. Âgée de 21 ans, la surfeuse, qui performe actuellement sur le circuit QS européen de la Word Surf League (WSL), a choisi de restreindre ses déplacements en avion aux seules compétitions où sa présence est absolument indispensable.
« Le surf est une discipline où on se déplace beaucoup, détaille la jeune femme pour La Relève et La Peste. Moi-même, étant plus jeune, j’ai beaucoup pris l’avion, mais depuis que j’ai compris que dans le surf, l’impact environnemental provient principalement des déplacements, j’ai changé mes habitudes. Je ne vais plus m’entraîner au bout du monde et je privilégie le bus ou le train aussi souvent que possible. Ce n’est pas toujours évident. En train, c’est galère avec une planche de surf et en bus, les trajets sont souvent très longs. L’année dernière, j’ai mis 15 heures pour aller m’entraîner au Portugal, mais je n’en suis pas morte et ça ne m’a pas empêché de performer… »
Sensibiliser au-delà du sport
Aux prémices de sa carrière, la surfeuse basque explique travailler à trouver un équilibre entre recherche de performance sportive et conscience écologique.
« Je ne vais pas faire comme si c’était absolument évident, mais c’est mon défi et je fais tout faire pour y arriver », dit-elle.
Au ton déterminé de sa voix, on ne peut que la croire, elle qui consacre une part importante de son temps et de son énergie à sensibiliser à la préservation de l’environnement via ses réseaux sociaux, mais aussi en tant qu’ambassadrice de Pure Ocean Fund, un fonds de dotation dédié à la préservation des écosystèmes marins fragiles et de la biodiversité.
« J’essaie par tous les biais possibles de faire comprendre qu’il faut qu’on change nos pratiques », insiste la sportive. Actuellement en 3e année de licence en physique-chimie, elle se rêve d’ailleurs ingénieure ou chercheuse selon l’évolution de sa carrière. « Ces études me permettent de mieux comprendre l’environnement et donc de mieux pouvoir sensibiliser le grand public. »
Sensibiliser le grand public, c’est également la mission que s’est donnée Gaëtan Gaudissard. Freerider professionnel, le trentenaire est également réalisateur de documentaires, à travers lesquels il alerte sur les dangers du dérèglement climatique. Dans la série « Conscience », il donne la parole à des sportifs comme Xavier Thévenard, qui s’interrogent sur l’impact environnemental de leur discipline.
« Dans mes premiers films, j’avais surtout envie de partager mes aventures à ski, explique Gaëtan Gaudissard pour La Relève et La Peste. Mais progressivement, la question environnementale a pris de plus en plus de place. J’ai compris qu’il fallait qu’on change nos façons de faire. Pour faire des films de sports outdoor, par exemple, il suffit de sauter dans un avion pour trouver un endroit où il y a de la neige et faire des belles images. Je veux faire autrement, montrer qu’on peut faire de belles images sans prendre l’avion. »
Des changements structurels
Un pari réussi pour le passionné qui, au même titre que Xavier Thévenard et Ainhoa Leiceaga, estime avoir une responsabilité plus grande en tant que personnalité médiatique. « Je ne suis pas une rock star internationale, mais j’ai un peu d’influence et je veux m’en servir », sourit-il, bientôt rejoint par Xavier Thévenard :
« J’ai bien conscience que je suis plus écouté que beaucoup de gens, assure ce dernier. Si je peux prêcher la bonne parole, je ne manquerai pas de le faire. Chaque gramme de CO2 compte, il faut que les gens le comprennent », continue celui qui s’est formé pour devenir animateur de la fresque du climat.
Attachés à faire évoluer leurs pratiques sportives autant que personnelles, Xavier Thévenard, Gaëtan Gaudissard et Ainhoa Leiceaga n’en sont pas moins catégoriques quant à la nécessité de faire advenir des changements structurels.
« Dans le milieu du surf en compétition, on est encore loin du compte, souligne Ainhoa Leiceaga. Il faudrait qu’on change nos pratiques à beaucoup plus grande échelle. »
Des propos qui résonnent d’autant plus fort à l’heure où l’épreuve de surf des JO va avoir lieu sur le site de Teahupo’o, sur la presqu’île de Tahiti, malgré la très forte opposition des locaux et des associations de préservation de l’environnement.