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Bas-Rhin : l’autoroute GCO mise en doute par la justice est toujours en service

Le 17 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg examine six recours déposés par Alsace Nature pour le compte du collectif GCO Non  Merci. « Il donne raison aux opposants sur cinq des six recours et oblige aussi l’État et Vinci à refaire une enquête publique Loi sur l’eau, avec un délai de 6 mois pour rendre son verdict final ».

Dans le Bas-Rhin, l’année 2024 marque les 20 ans du collectif GCO Non Merci, mais aussi les deux ans de mise en service de l’autoroute A355. Le mouvement, né en contestation de ce projet d’aménagement routier du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg, a mené une longue lutte administrative et connu des années d’occupation de terrain avant la désillusion de sa construction définitive, pourtant remise en cause par la justice.

GCO, deux décennies de lutte

Il aura fallu près de 50 ans pour que le projet routier de 24 km consistant à désengorger une partie du trafic de l’agglomération de Strasbourg, amorcé dans les années 70, voit finalement le jour à l’ouest de la métropole. Et plus de deux décennies de mobilisation, de déconvenues, de luttes, de victoires puis de déceptions, vécues pleinement par le collectif GCO Non Merci, opposé à l’aménagement mené à son terme « contre toute logique environnementale ».

À l’époque, déjà, le contournement autoroutier fait débat. En 2005, un rapport indépendant demandé par l’État démontre « l’absurdité du projet tout en proposant des alternatives qui concilient aménagements routiers et développement des transports collectifs ».

En 2007, la Commission d’enquête publique conclut que « le désengorgement n’est ni l’enjeu ni l’objectif du GCO », appuyant une fois de plus l’inutilité du projet. Mais en août 2018, le préfet de Région Jean-Luc Marx signe l’arrêt d’autorisation environnementale unique avec Arcos – Vinci comme concessionnaire.

S’ensuit alors une lutte juridique avec recours en référé et de nombreuses enquêtes publiques négatives qui n’auront cependant pas eu raison de cette décision.

Crédit : GCO Non Merci

La justice donne raison aux opposants

Jusqu’au début des travaux, pourtant, le collectif avait mis toute son énergie à les empêcher. Des cabanes, d’abord, puis l’installation d’une ZAD, sur le tracé d’un viaduc de 500 mètres à construire. Mais en septembre 2018, elle est évacuée par 500 gardes mobiles venus sur la zone.

Alors que la situation semble inextricable et que les travaux touchent à leur fin, la justice remet en doute le bien-fondé du contournement en 2021.

Le 17 juin, en effet, le tribunal administratif de Strasbourg examine six recours déposés par Alsace Nature pour le compte du collectif GCO Non  Merci.

« Il donne raison aux opposants sur cinq des six recours et oblige aussi l’État et Vinci à refaire une enquête publique Loi sur l’eau, avec un délai de 6 mois pour rendre son verdict final », détaille Bruno Dalpra, co-animateur du collectif, pour La Relève et la Peste.

Plus précisément, les défenseurs de l’environnement obtiennent en effet gain de cause sur les mesures compensatoires, qui « ne garantissent pas le respect de l’équivalence écologique et l’absence nette de perte de biodiversité », selon le tribunal.

Aussi, ce dernier estime que le conditionnement de la mise en service du GCO doit se faire par la régularisation de l’étude d’impact, devant être validée par l’autorité environnementale dans un délai de 6 mois.

Le tribunal donne également raison aux opposants sur le recours déposé contre l’arrêté d’autorisation environnementale unique. Il s’agit ici de « reprendre l’instruction sur cette partie de l’autorisation dans un délai de 6 mois ». Le constructeur a par ailleurs interdiction d’ouvrir l’exploitation de l’autoroute.

Enfin, une victoire sur l’abattage d’arbres, dont l’autorisation doit faire l’objet d’une annulation de délibération (bien qu’ils aient déjà été abattus…).

Selon les opposants,« la magistrate dit expressément dans son rapport que si le dossier avait été jugé en 2018, elle aurait demandé l’annulation totale de l’autorisation ».

Crédit : GCO Non Merci

GCO, mise en service tout de même actée

L’espoir fut cependant de courte durée. En novembre de la même année, la Cour administrative d’appel de Nancy autorise, sans attendre les résultats de l’enquête, la mise en service du GCO.

« Cette décision intervient suite à l’appel en « sursis à exécution » de Vinci et de l’État, demandant à la cour de suspendre l’article 2 de la décision du tribunal de Strasbourg, c’est-à-dire la suspension de l’ouverture », précise GCO Non Merci dans un communiqué.

À ce titre, Vinci annonçait tout de même avoir engagé « les procédures complémentaires demandées par le tribunal administratif en 1ere instance ». Cependant, le constructeur avançait dans le même temps des raisons financières et de sécurité ne permettant pas de repousser l’ouverture de la route.

La Cour, allant dans ce sens, évoquait la nouvelle autoroute en l’associant à une « réduction de la pollution, importante, de l’air dans cette agglomération, une amélioration de la sécurité routière, une diminution des temps de transport des usagers et une baisse du bruit auquel sont exposés les personnes habitant à proximité de l’autoroute A35 ».

La juridiction a également estimé que les procédures environnementales complémentaires demandées par le tribunal de Strasbourg ne pouvant être achevées avant le printemps 2022, la suspension de l’ouverture de la route pendant 6 mois supplémentaires risquait ainsi « d’entraîner pour les intérêts publics analysés [ci-dessus] des conséquences difficilement réparables ».

En février 2023, enfin, lesdites autorisations environnementales étaient validées par le Tribunal administratif de Strasbourg, estimant que Arcos-Vinci avait « suffisamment apporté d’éléments pour reconnaître l’intérêt public majeur du projet ».

Crédit : GCO Non Merci

Faire « évoluer les mentalités »

Deux ans après, l’heure est aux observations.

« Aujourd’hui, il y a une double lecture dans ce qui est présenté. Oui, la qualité de l’air s’est améliorée en 2023 dans l’Eurométropole de Strasbourg, ce qui est une bonne nouvelle. En revanche, ce n’est pas équitablement uniforme, notamment pour 4 communes qui sont riveraines du GCO, où l’on retrouve bien une augmentation de la pollution », réagit Bruno Dalpra suite aux chiffres publiés par La Tribune le 12 janvier dernier.

Une augmentation du trafic ainsi que du nombre de poids lourds a également bien été constatée sur le GCO, mais n’aurait que peu diminué sur la M35, « dont il est censé délester une partie du trafic », selon le collectif.

Aujourd’hui, GCO Non Merci reste cependant actif sur de nombreuses problématiques d’aménagements routiers, avec l’objectif de « mettre les politiques devant leurs responsabilités », mais aussi de trouver des leviers pour repenser la mobilité.

« Il y a notamment la coalition nationale « La déroute des routes ». L’objectif, avec ce regroupement de collectifs est aussi de transmettre du savoir vers d’autres zones de lutte. Si cette coalition n’existait pas, notre cause serait, je pense, beaucoup plus invisibilisée », commente le membre de GCO Non Merci pour La Relève et la Peste.

À ce titre, après ces espoirs cernés de désillusion et une « bataille perdue », Bruno Dalpra et le collectif vivent, « d’une certaine manière, par procuration, ce qui se passe actuellement avec l’A69 ».

« Ils ont cependant des confrontations de terrain beaucoup plus dures que ce que l’on a pu vivre mais les époques ne sont plus les mêmes », précise le coanimateur à La Relève et la Peste.

« Il est certain que, dans l’inconscient des gens aujourd’hui, le fait de s’opposer à une route nous assimile à des extraterrestres. La voiture est tellement ancrée dans le quotidien des gens, pour aller travailler notamment. Il n’y a pas d’autres solutions proposées, c’est donc tout à fait normal », argumente Bruno Dalpra.

Selon lui, un travail pédagogique au niveau local est à mener, mais il est aussi nécessaire « d’amener les politiques à penser différemment du tout automobile ».

Relocaliser un certain nombre de productions, utiliser davantage le ferroutage, sont notamment des pistes de solutions évoquées par le collectif pour l’avenir.

Sources : « À Strasbourg, le contournement autoroutier gagne 20% de fréquentation mais la ville reste saturée », La Tribune, 12/01/2024 / « LE GCO EN 6…7,8… 9 DATES », GCO Non Merci, Décembre 2022 / « A355 – M35 : un nouveau contexte autoroutier ? », ADEUS, août 2023 / « GCO : La Cour d’appel permet l’ouverture prochaine de l’autoroute malgré les études environnementales non encore complètes », GCO Non Merci, Novembre 2021 / « [GCO] 17 juin 2021 : La rapporteur public demande l’annulation partielle des autorisations de construction de l’autoroute», Alsace Nature Environnement, 20/06/2021

Juliette Boffy

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