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Trois opposants à l’A69 commencent une grève de la soif, le gouvernement reste sourd : jusqu’à leur mort ?

L’État de droit, les opposants au projet connaissent. Eux savent que les recours sont loin d'être purgés comme l'a prétendu le ministre Beaune, appuyé par sa majorité.

Alors que Thomas Brail, Celik et Réva ont annoncé une grève de la soif à Paris hier, un rassemblement à Toulouse faisait état de la tristesse et de la colère des sympathisants contre un pouvoir qui décidément veut cette autoroute Toulouse-Castres « quel qu'en soit le coût. » Même humain ?

Dans la chaleur étouffante d’un mois d’octobre bien parti pour battre des records de température et de sécheresse, square de Gaulle à Toulouse, l’ambiance est tendue. Cet après-midi à Paris, trois des quinze grévistes de la faim contre le projet d’autoroute Toulouse-Castres ont dit se lancer dans une grève de la soif.

Thomas Brail, Celik et Réva ont déclaré leur intention en déambulant autour du ministère de l’Environnement à Paris, puisque tout rassemblement était interdit. Les amis, la famille, des supporters et les principaux représentants des collectifs en lutte depuis trois ans autour de La Voie est libre (LVEL) sont là.

Personne n’ose trop répondre « ça va » au rituel « comment tu vas ? », parce qu’une grève de la soif, c’est grave. La mort advient, dit-on, au bout de trois jours. Après 24 heures, les dommages sont irréversibles.

En face, il serait injuste de dire qu’il ne s’est rien passé, puisque le ministre macronien chargé des transports, Clément Beaune, la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga et le président PS du Conseil départemental du Tarn, Christophe Ramon se sont unis dans une même récrimination, moquée par Bernard, en grève de la faim depuis 28 jours.

« S’il vous plaît, arrêtez », ont dit en substance les principaux concernés, « nous avons déjà fait beaucoup pour vous, nous sommes prêts à discuter du prix du péage [les fameux 17 € AR pour 53 km] et à inviter les collectifs au suivi de la compensation écologique ! »

Camille mesure le pouls d’Olga, en grève de la faim depuis le 7 septembre

A 19 heures, l’État de droit est enterré

L’amertume perce chez bien des intervenants au micro. Et, à 19 heures, l’État de droit tant invoqué par Clément Beaune est enterré, avec une gerbe de fleurs du Tarn et une branche d’un platane abattu de Vendine. Là où la phase « grève de la faim » a commencé avec Thomas Brail, le 1er septembre dernier.

Peu à peu, le public jeune, moins jeune, cadre ou roots, militants ou simplement touchés apportent une bougie autour de la tombe symbolique. Les teintes chaudes adoucissent un peu les visages graves.

Le maître de cérémonie de cette soirée, que personne ne veut triste pourtant, rappelle que les politiques sont prêts à regarder mourir trois personnes pour que naisse une autoroute.

Des participants à la veillée funèbre de l’Etat de Droit déposent des bougies.

Ces mêmes politiques qui s’apprêtent à désigner leurs coupables : l’entourage des trois hommes en grève de la soif qui auraient été influencés, ainsi que la NUPES qui soutient ce mouvement.

Le 26 septembre à l’Assemblée nationale, la députée LFI de Haute-Garonne, Anne Stambach-Terrenoir avait clairement défendu les collectifs en lutte contre l’A69, sous-entendant son soutien aux grévistes de la faim.

Alors que Clément Beaune lui rétorquait « On ne pousse personne au martyre. J’en veux énormément à ceux qui ont poussé M. Brail à l’excès. »

Ceux qui connaissent l’indépendance et la détermination du fondateur du GNSA (groupement national de surveillance des arbres) ont eu du mal à digérer cette sortie.

Olga, en grève de la faim depuis le 7 septembre montre la page de publicité pour l »A69 payée par la CCI Tarn dans la Dépêche du Midi que tient Victoria, en grève de la faim depuis le 11 septembre

Non, tous les recours juridiques ne sont pas épuisés

L’État de droit, les opposants au projet connaissent. Eux savent que les recours sont loin d’être purgés comme l’a prétendu le ministre Beaune, appuyé par sa majorité.

D’abord au fond, le recours déposé par 14 co-requérants le 21 juin attaque le défaut de « Raison impérative justifiant l’intérêt public majeur » et le fait que l’A69 n’est pas identifiée comme « priorité nationale dans la Loi d’Orientation des Mobilités de 2019. »

Depuis, tous les référés suspensifs ont été rejetés par la justice administrative. C’est ainsi que Thomas, Celik et Réva avaient suspendu leur décision d’aller plus loin au jugement de vendredi dernier, où la séance au tribunal administratif de Toulouse en a étonné plus d’un.

Le référé liberté se rapportait à l’abattage illégal d’arbres d’alignement sur le tracé. Après avoir écouté avec attention et déclaré l’affaire très complexe, le juge a pourtant prononcé, 3 heures après, une ordonnance de rejet dépourvue de motivation, ce qui empêche les associations de faire appel.

A présent, seuls quatre arbres d’alignement, occupés par des « écureuils » restent debout sur tout le tracé.

Il reste un recours contre l’avenant au contrat liant l’entreprise Vinci à l’élargissement de la D680 ; un recours des Bâtiments de France pour que soit respectée la distance de 500 mètres au moins entre la future autoroute et le château classé de Maurens-Scopont.

Des plaintes au pénal ont été déposées contre l’abattage des arbres de nuit, et le pompage de l’eau pour les travaux dans des lacs ou étangs privés ; un appel en Conseil d’État patiente depuis mi-juillet ; une mise en demeure de la préfecture du Tarn court contre Atosca, le concessionnaire, pour non respect de la compensation écologique sur une zone Natura 2000.

Et enfin, cette semaine, Attac a déposé un référé liberté contre la dégradation de la qualité de l’air et la mise en danger de la vie des habitants qui verront la circulation augmenter à proximité.

Un homme tient une chandelle pour la veillée funèbre de l’Etat de Droit

Un appel à Emmanuel Macron

Tandis que les bras tenant des bougies se lèvent en hommage au Tarn, les visages sont tendus. La colère reprend le dessus, contre le mépris des pouvoirs publics et des entreprises, contre la « justice aux ordres », contre le journal La Dépêche lequel, pour la seconde fois cette semaine, a publié une publicité pleine page intitulée « Vivement l’A69 ! ».

Victoria, une des autres grévistes parle de la succession usante d’espoirs et de douches froides. Une fois de plus, tout le monde attend une réponse du pouvoir dans les 24 heures.

Alors que les collectifs affirment encore une fois, dans une lettre à Emmanuel Macron et Elisabeth Borne hier [9 octobre] la nécessité d’une suspension immédiate des travaux le temps du dialogue, ils préviennent : « la contestation de ce projet s’étend chaque jour. Ne pas l’entendre ne peut qu’aggraver le désespoir et provoquer la colère. »

En blanc, Bernard, en grève de la faim depuis le 12 septembre

Ce soir, la rage est dans les parole de Geoffroy, qui se demande si la violence est dans le bon camp « [les grévistes de la faim] sont trop précieux pour se sacrifier. Les victimes, ce sont elles. Quand on voit que les gouvernants n’ont pas de problème avec une grève de la soif, on ne peut que voir des criminels qui assument leur position ! »

A l’heure de publier ces lignes, les pompiers ont pris en charge Thomas Brail à 4h15 ce matin sur la passerelle Senghor à Paris, qui venait de faire un malaise. L’homme reste déterminé à aller jusqu’au bout pour ne pas laisser détruire un arbre de plus.

Sans être aussi affirmatif quant au fait d’assumer les morts injustes comme celle de Nahel ou Rémi Fraisse, ou Steve Maia Caniço un soir de fête de la musique, ou des blessés très graves, comme Serge à Sainte-Soline et tant d’autres, du moins la question de leur responsabilité et de leur incapacité à prendre la mesure de ce qui est en train d’advenir se pose.

Valérie Lassus

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