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A Mayotte, l’eau des habitants est coupée 2 jours sur 3 à cause d’une sécheresse historique

60 % des mahorais cultivent des terres, c’est pourquoi les agriculteurs redoutent une crise alimentaire.

L’archipel de Mayotte subit une sécheresse d’une ampleur inédite depuis 1997. Les restrictions font monter la colère chez les habitants, qui sont privés d’eau deux jours sur trois. Alors que dans les semaines à venir ces restrictions vont se durcir, la population se rebelle.

Le matin du mercredi 27 septembre, mille habitants de Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte, se sont réunis pour participer à une manifestation, dans l’objectif d’interpeller les pouvoirs publics face à la crise de l’eau et dénoncer les critères discriminatoires relatifs à la distribution des 600 000 litres d’eau livrés par l’État.

Depuis le 4 septembre, dans la plupart des quartiers de 17 communes qui ne sont plus alimentées en raison du manque de pression dans le réseau, des coupures ont lieu 2 jours sur 3.

Les packs de six bouteilles d’eau ont désormais des prix exorbitants qui sont compris entre 5 et 10 euros, dans un département où 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Si l’Agence Régionale de Santé estime par ses analyses que la potabilité de l’eau est à 95 % conforme, les recommandations sont malgré tout de faire bouillir l’eau « par précaution », un poids en plus sur des tensions d’ores et déjà très lourdes.

Pendant la manifestation, Racha Mousdikoudine, coordinatrice du collectif Mayotte a soif, désigne une bouteille d’eau trouble du robinet brandie par une manifestante : « Quand l’eau est couleur marron comme ça, qu’en pensez-vous ? »

Sikina Hakim, venue de Mzouazia, dans le sud de Grande-Terre, la région la plus impactée par le manque d’eau, soupire :

« Boire, se laver, laver son linge, tout est compliqué. Ce n’est plus vivable. On passe son temps à faire des stocks. Les magasins sont vite en rupture d’eau en bouteille. Et ceux qui n’ont pas de salaire doivent boire de l’eau du robinet. Avec tous les risques pour la santé. Les nerfs vont lâcher, c’est sûr. »

60 % des mahorais cultivent des terres, c’est pourquoi les agriculteurs redoutent une crise alimentaire. Le syndicat des jeunes agriculteurs de Mayotte et son président Soumaïla Moeva ont exhorté les autorités à prendre des mesures pour sauver l’agriculture mahoraise en déclarant la situation de « calamité agricole » dans le département pour l’année 2023.

Le collectif « Mayotte a Soif » a lancé une pétition en faveur d’une action en justice pour exiger de la Société mahoraise des eaux la fourniture de bouteilles au nom du droit fondamental de l’accès à l’eau, ainsi que le gel des factures pour une « eau pourrie ».

Le 27 septembre, le ministre des Outre-mer, Philippe Vigier, s’est rendu sur un site de distribution d’eau pour les plus fragiles. Il s’est engagé à accélérer la construction d’usines à dessalement et à assurer qu’il n’y aurait pas de rupture d’approvisionnement d’eau en bouteille. 600 000 bouteilles ont ainsi été distribuées aux 51 000 personnes les plus vulnérables.

La colère reste cependant bien présente. Une habitante commente : « Ils ont débloqué des fonds d’urgence pour les populations précaires (…), mais nous, les classes moyennes, on n’a rien comme dispositif. »

Le ministre assure suivre également au plus près les 35 millions d’euros de travaux d’urgence en cours pour effectuer dix nouveaux forages et chercher des fuites (qui seraient responsables de 35% des pertes sur le réseau).

Une troisième retenue collinaire et la première tranche de l’usine de dessalement de 10 000 mètres cubes doivent voir le jour fin 2024. En attendant, le ministre reconnaît que les six à huit semaines à venir, en attendant la saison des pluies, vont être compliquées. Des restrictions encore plus sévères vont arriver.

Andrea Magnolfi, à l’initiative du groupe L’eau à Mayotte constitué sur Facebook, estime : « On ne se retrouve pas face à une catastrophe naturelle mais à une suite d’erreurs humaines. Tout le monde savait ce qui pouvait se passer après les alertes de la première crise en 2017 ».

A l’époque, l’île avait déjà vécu une grave pénurie d’eau pendant plusieurs mois.

Sources : Youssouffa Illona, « Crise de l’eau : un millier de personnes manifestent dans les rues de Mamoudzou », franceinfo, 27/09/2023 / Jérôme Talpin, « Avec la pénurie d’eau, Mayotte s’enfonce dans une crise « hors norme » : « Ce n’est plus vivable, les nerfs vont lâcher » », Le Monde, 30/09/2023 / Jose Manuel Lamarque « Mayotte a soif et les agriculteurs tirent la sonnette d’alarme », Radio France, 14/09/2023 / S. Dallé, Y. Djaffar, H. Razafitseheno, « Mayotte : les habitants toujours privés d’eau deux jours sur trois », franceinfo, 27/09/2023

Maïté Debove

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