Au Sud-Est de Toulouse, plus d’une centaine d’hectares de campagne doit disparaître sous le béton, afin de faire naître le futur “poumon économique” de la Métropole. Depuis plusieurs années, un producteur local se bat pour conserver les terres agricoles de sa famille.
L’urbanisation de 110 hectares de campagne et plus de 55 millions d’euros d’investissement. Voilà le projet porté par le Sicoval, l’intercommunalité du Sud-Est toulousain, censé faire naître le futur poumon économique de Toulouse. Cette zone d’activité économique (ZAC), située entre les communes de Montgiscard et Baziège, doit principalement accueillir une production industrielle.
Cependant, l’émergence de ce projet promettant d’importantes retombées économiques implique la destruction de terres agricoles. Parmi les agriculteurs concernés, Georges Boudières. Celui-ci résiste depuis des années à la confiscation de ses terres.
« Je suis exploitant et propriétaire agricole de la terre sur la zone du Rivel. Je me bats car je suis la quatrième génération de producteurs. Le corps de ferme a été construit autour de 1880. Il y aussi un atelier élevage et un de pommes de terre. Il y a toujours eu des animaux ici, et les cultures poussent avec quasiment aucun engrais ».
Référencé par le Sicoval, Georges Boudières fournit d’ailleurs les cantines scolaires des alentours en tant que producteur local.
« J’ai d’autres terres dans les coteaux, beaucoup moins fertiles. Ailleurs, la production est divisée presque par deux par rapport à ici, dans la vallée ».
Malgré la qualité des terres agricoles destinées à être supprimées, les autres fermiers n’ont que très peu résisté. « Je suis le seul jeune agriculteur concerné, les autres ont 80 ans, donc ils prennent leur retraite » précise Georges Boudières pour La Relève et La Peste.
Selon Jacques Oberti, président du Sicoval, les premières entreprises devraient s’installer sur place fin 2024, et l’intercommunalité reçoit de nombreuses demandes. Celle-ci prévoit d’étudier tous les dossiers, à condition qu’il s’agisse de production industrielle ou d’économie circulaire. Le Sicoval souhaite également faire venir des activités en lien avec l’industrie aéronautique, spatiale ou pharmaceutique.
« On l’a vu lors de plusieurs réunions, ils ne voient que l’apport financier que cela va amener », observe Guy Seaffon, beau-frère de Georges Boudières, qui l’aide occasionnellement pour des travaux sur la ferme.
« Ils croient que cela va amener des familles qui auront de l’argent à dépenser, créer des emplois et des petits commerces aux alentours… Chose qui n’est pas vraie parce qu’aujourd’hui on voit beaucoup de villages, notamment Ayguesvives, Montgiscard et Baziège, qui deviennent des dortoirs. Les gens ne se compliquent pas la vie : ils vont tous au centre commercial et ils s’en vont. Ça n’apporte rien de plus. Moi je ne veux pas de village-dortoir ».
Pour Guy Seaffon, il semble évident que les porteurs du projet comptent le réaliser coûte que coûte. « L’autre jour, on a vu un agriculteur labourer les champs plus tôt qu’habituellement », raconte-t-il. « Il a expliqué que le Sicoval l’avait fait venir pour supprimer le végétal, afin qu’une certaine qualité d’oiseau ne puisse pas s’installer. Et cela pour éviter toute une procédure d’impact environnemental qui ferait défaut au Sicoval ».
Au-delà des dégâts que provoquent pour lui la construction de la ZAC, Georges Boudières soutient que celle-ci n’a pas lieu d’être.
« Le projet est incohérent. Il y a le problème du climat, cela fait plusieurs hivers qu’on n’a pas d’eau, on n’a plus de saison, là cela fait quelques jours qu’on a des orages très violents…Et pour ces gens, ce qui compte c’est urbaniser. On urbanise à outrance en France, on se fout de la production de l’agriculteur…mais il y a une vie du sol ».
« Je pense que c’est un projet complètement dépassé, qui n’est pas utile », ajoute son beau-frère. « Aujourd’hui, la priorité est d’être capable de se nourrir. Il y a des zones industrielles qui sont devenues des friches, et qui pourraient faire l’affaire. Il faudrait utiliser d’abord les zones existantes plutôt qu’artificialiser de nouvelles terres ».
Depuis plus de 4 ans, Georges Boudières et sa fille se battent en justice, en vain.
« J’ai assisté à 2 procès sur les 4 », raconte Guy Seaffon. « Le juge est arrivé, il a ouvert le dossier, n’a pas même demandé si quelqu’un représentait la famille ou le propriétaire. On sentait que c’était déjà perdu d’avance. Quand le juge parlait avec les avocats, ce n’était pas tout à fait exact. Et si on veut intervenir, parce qu’on connaît quand même le dossier, on n’a pas droit à la parole. On peut lever le bras, si le juge ne veut pas nous demander une information, on ne parle pas. Cela a pris 10 minutes ».
Un collectif s’est créé, porté par des habitants du coin refusant de voir des bâtiments recouvrir leur campagne. Sa pétition a rassemblé 15 000 signatures.