En septembre 2022, après avoir été condamnés par la Cour de Paris, Colmar et Grenoble, puis ne pas avoir obtenu gain de cause en Cour de cassation, 11 décrocheurs de portraits d’Emmanuel Macron ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Les activistes revendiquent un acte politique légitime relevant de la liberté d’expression, protégé par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme.
Après des premiers décrochages à Paris, plus de 2000 personnes avaient participé à des actions de désobéissance civile consistant à entrer dans des mairies pour décrocher le portrait du président de la République. En quelques mois, 130 portraits avaient été décrochés dans toutes les régions du pays. Les portraits avaient été ensuite utilisés dans des manifestations rassemblant des milliers de personnes, ainsi qu’à la COP21.
Selon les avocats du mouvement citoyen Action non-violente COP21 à l’origine de la réquisition des portraits, afin de condamner les décrocheurs et décrocheuses, les tribunaux doivent justifier un “besoin social impérieux”, qui pour le moment n’ont pas été suffisants, ni pertinents.
Les préjudices pour les mairies et le trouble à l’ordre public sont négligeables. Les actions ont été menées à visage découvert et dans la non-violence, et ont contribué pour les avocats sans conteste à l’ouverture d’un véritable débat d’intérêt général sur les manquements de l’État face à l’urgence climatique.
Ces manquements ont par ailleurs été reconnus par plusieurs jugements, l’État français ayant été condamné pour inaction climatique lors de l’Affaire du Siècle et via le recours de Grande-Synthe.
Un décrocheur strasbourgeois a commenté sur le sujet : « La répression que nous subissons ne se limite pas aux amendes ; elle s’étend aux gardes à vue, perquisitions, prise d’empreinte ADN, et acharnement judiciaire, puisque le parquet fait systématiquement appel quand nous sommes relaxé·es en première instance. Cette débauche de moyens répressifs n’a visiblement pas pour but de restaurer l’ordre public, car pour cela il serait plus utile d’agir face au dérèglement climatique. Ici, il s’agit plutôt de dissuader toute action de contestation de l’action gouvernementale, par nous ou par d’autres. C’est donc bien une atteinte à la liberté d’expression ! »
Les avocats des militants ont déposé à la fin de l’été leurs requêtes à la CEDH, qui vient de les enregistrer formellement. Dans quelques mois, la Cour communiquera ces requêtes au gouvernement français, ouvrant une phase de négociation éventuelle, et l’obtention de réponses écrites, en cas d’échec des pourparlers. La procédure pourra ensuite se poursuivre sur deux ans avant une décision de la Cour.
Le mouvement d’Action non-violente continue pendant ce temps à se mobiliser. Pauline Boyer, décrocheuse originaire de Paris, conclut : « Alors que la crise énergétique va mettre en exergue la procrastination du gouvernement à prendre des mesures concrètes pour financer un grand plan de rénovation des logements et à développer les énergies renouvelables, que la crise sociale et environnementale s’intensifie, nous continuerons à mener des actions pour la justice climatique »
crédit photo couv : Anne Denoroy