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La ZAD : Le Vietnam des pauvres… Vraiment ? quand nos médias tombent bien bas…

Ils sont boulangers, charpentiers, naturalistes, paysans, soigneurs, musiciens, syndicalistes, bûcherons, bibliothécaires, jeunes et vieux. « Ils » ? Ce sont les Zadistes, qui expérimentent de nouvelles façons de vivre ensemble sur le territoire de Notre-Dame-des-Landes. Alors, pourquoi sont-ils l’objet d’une telle diabolisation dans certains médias ? Zone d’Aménagement Différé ou Zone A Défendre Depuis des années, la ZAD de […]

Ils sont boulangers, charpentiers, naturalistes, paysans, soigneurs, musiciens, syndicalistes, bûcherons, bibliothécaires, jeunes et vieux. « Ils » ? Ce sont les Zadistes, qui expérimentent de nouvelles façons de vivre ensemble sur le territoire de Notre-Dame-des-Landes. Alors, pourquoi sont-ils l’objet d’une telle diabolisation dans certains médias ?

Zone d’Aménagement Différé ou Zone A Défendre

Depuis des années, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes fascine autant qu’elle déchire. Construction d’un nouvel aéroport ou réaménagement de celui de Nantes Atlantique ? La mission de médiation relative au projet d’aéroport du Grand Ouest a remis ses conclusions au Premier Ministre le mercredi 13 décembre 2017. Si, prudente, elle s’en remet à l’État pour un choix définitif, c’est pourtant la première fois qu’un rapport officiel reconnaît comme valides et pertinents les principaux arguments techniques brandis par les opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Parmi ces arguments, l’un est d’ordre économique :

« La comparaison financière entre les deux options pour l’État et les collectivités fait apparaître un écart de l’ordre de 250 à 350 M€ en faveur de l’option de Nantes-Atlantique. »

Vous avez bien lu, la construction d’un nouvel aéroport pourrait coûter 350 millions d’euros plus cher aux contribuables (nous).

Un autre appelle à prendre en compte les changements climatiques que nous traversons en rappelant que « l’Accord de Paris 2015 conduit à penser que le transport aérien, tout comme les autres secteurs, devront s’inscrire dans des changements tendanciels très profonds, nécessaires au maintien d’un monde vivable. »

En clair : est-il vraiment pertinent de vouloir construire à tout prix un nouvel aéroport quand le changement climatique devrait plutôt nous inciter à réduire les trajets aériens ?

Dans le cas de l’abandon du projet d’aéroport, le débat s’est spontanément tourné vers une grande inconnue : que va devenir la ZAD ? Ce territoire est occupé depuis des années par environ 200 résidents qui en revendiquent l’autonomie. Les médiateurs du rapport ont préconisé un contrat de territoire et une maîtrise de foncier de la ZAD par l’Etat. À l’inverse, le premier Ministre Edouard Philippe a déclaré « garantir un retour à la normale notamment s’agissant des questions relatives à l’ordre public ».

La ZAD, le Vietnam des pauvres ?

Les Zadistes seraient donc des perturbateurs de l’ordre public à en croire Edouard Philippe et toute une ribambelle de journalistes peu rigoureux, prêts à sauter sur la moindre information à sensations. Ce brillant article de Télérama montre bien l’exagération et l’abus des termes employés pour parler des zadistes : « Ceux qui occupent de façon quasi militaire le site se préparent au combat ».

Interrogés, les Zadistes sont partagés entre l’humour et l’inquiétude face à de telles accusations grotesques. Camille, comme ils se font tous appeler, nous raconte. Sa voix est claire, posée :

« Ça nous fait rire, et en même temps cela peut avoir des conséquences brutales et funestes pour justifier des actions de répression. Ce n’est pas la première fois qu’on doit faire face à ce genre de récits médiatiques qui informent surtout sur les fantasmes de leurs auteurs et qui visent à criminaliser la ZAD. Au printemps 2016, ils faisaient circuler les témoignages de riverains terrorisés qui étaient soi-disant cambriolés, le couple Lamisse, de faux voisins qui n’habitaient plus là depuis des années… »

Quant aux récentes accusations de munitions préparées par une imaginaire guérilla zadiste, l’exagération la plus frappante est celle des images circulant sur « des herses plantées de clous géants ». Ces herses ne sont en fait qu’un champ de bâtons décorés, plantés en octobre 2016 par 40 000 personnes. Cette œuvre symbolique indique qu’ils sont prêts à venir résister avec les zadistes aux tentatives d’évacuation.

Pour Camille, « ces fables ont un objectif précis : créer l’image la plus étrangère et effrayante possible de personnes qu’on s’apprête à réprimer. Que le projet d’aéroport se fasse ou pas, une pression énorme se fera sur le gouvernement. Dans tous les cas, ils vont vouloir évacuer la ZAD. Toutes ces histoires cherchent à légitimer des moyens de répression très brutaux et de prévenir des blessés, voire même des morts, en nous dépeignant comme des fous furieux. »

Une première tentative d’évacuation avait échoué en 2012 : l’Opération César. L’État s’est donc lui-même attribué le rôle de l’envahisseur qui cherche à conquérir le village des irréductibles gaulois. Loin des combats colorés de la célèbre bande-dessinée, les forces de l’ordre avaient alors fait une dizaine de blessés chez les Zadistes.

C’est malheureusement face aux assauts de l’armée et la gendarmerie que la notion de « Zone A Défendre » prend tout son sens. Lors de l’Opération César, des dizaines de milliers de personnes étaient venues pour résister, chacune à leur façon : des gens enchaînaient leurs tracteurs, d’autres s’allongeaient sur les routes, d’autres encore étaient perchés dans des cabanes dans les arbres, des manifestants occupaient des mairies et des préfectures, etc.

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Camille détaille : « On n’a jamais revendiqué la non-violence ou le pacifisme car ces termes sont déterminés par les personnes qui ont le pouvoir et décident de ce qui est violent ou ne l’est pas. Ce dont on est sûrs, c’est que venir expulser et détruire des maisons et des bocages de la façon dont ils l’ont fait en 2012, c’est extrêmement brutal. »

« Nous, on a envie de parler de l’avenir »

Derrière le langage gouvernemental désignant une « zone à évacuer » se trouve en réalité un territoire d’expérimentation résilient et prolifique, nourri de toutes les idées de ses usagers : paysans et habitants, mais aussi naturalistes de la région, voisins, paysans solidaires impliqués dans la lutte, syndicalistes nantais, visiteurs. Ici sont créées de nouvelles manières de vivre, hors des logiques marchandes et productivistes de notre société capitaliste.

Pour mieux préserver la forêt, des rencontres ont été organisées avec des bûcherons et des élagueurs qui expérimentent des alternatives de nos manières classiques de gérer la forêt. Les naturalistes viennent régulièrement étudier la biodiversité du bocage et partager leurs connaissances sur le soin du vivant. 270 hectares de terre sont cultivées collectivement par le mouvement.

Avec 70 lieux de vie et des centaines de riverains, les projets qui y ont éclos sont variés : trois boulangeries, une conserverie, une meunerie pour la farine, une forge, une tannerie,  des salles de concert et spectacle, un studio d’enregistrement rap et hip-hop avec des ateliers d’écriture chaque semaine, une brasserie, des hangars liés à des projets agricoles, des personnes qui travaillent sur le soin par les plantes, un journal hebdomadaire interne avec l’agenda des événements de la ZAD et les prises de positions des différents mouvements, une radio, une bibliothèque ouverte depuis un an et demi qui organise chaque semaine une rencontre avec un écrivain ou un philosophe, plusieurs espaces d’accueil des visiteurs…

Camille précise : « On espère juste que le gouvernement va renoncer à une opération d’évacuation brutale de la ZAD qui serait complètement absurde. Nous, on a envie de parler de l’avenir. Depuis des années se sont construites ici d’autres manières de vivre, d’habiter, de cultiver, qu’on a envie de développer par la suite. À partir de l’abandon du projet (d’aéroport), le dialogue doit se faire avec l’ensemble du mouvement, car c’est un projet commun d’un territoire qu’on a défendu ensemble. »

Une assemblée qui regroupe des personnes issues des différentes composantes du mouvement de lutte a ainsi écrit un texte : « Les 6 points pour l’avenir de la ZAD ». Si le projet d’aéroport est définitivement abandonné, de nouveaux hectares vont se libérer et appartiendraient demain à l’État. En plus du maintien des habitants et zones cultivées à ce jour, les zadistes souhaitent que les nouveaux hectares ne servent pas à l’agrandissement d’exploitations agricoles intensives, mais qu’ils soient destinés à de nouvelles installations dans une agriculture paysanne soucieuse du soin du vivant.

Devant une telle réussite de brassage social, on peut se demander pourquoi le gouvernement souhaite effectuer une évacuation manu militari plutôt que dialoguer et construire avec les différents membres du mouvement de la ZAD. Il est alarmant d’habiter un pays dans lequel le gouvernement préfère employer la force sur ses citoyens, au lieu de les écouter. Le mouvement de lutte pour la ZAD lance un appel à la mobilisation le 10 février, date des 10 ans de la déclaration d’utilité publique du projet d’aéroport.

Crédit Photo : Cornofulgure

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Laurie Debove

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