Triste nouvelle pour les grands éléphants. « Voortrekker » (Pionnier) a été tué par un chasseur de trophées après avoir été déclaré « animal à problème » par les autorités namibiennes. Ce mâle iconique était l’un des rares de son espèce à avoir su s’adapter au désert et l’enseigner à son troupeau.
Les éléphants du désert, un symbole de résilience du monde animal
A l’âge de 45 ans, Voortrekker a été abattu par balles le 25 juin 2019. Il était l’un des deux seuls éléphants en âge de se reproduire, sur un troupeau d’un peu moins 20 individus. Voortrekker a été l’un des pionniers de son espèce pour s’adapter au désert. Dans les années 80, les éléphants avaient dû fuir la guerre des humains qui faisait rage en Afrique Australe. Ils s’étaient refugiés dans les gorges isolées et désolées de Kaokoland, dans le Nord de la Namibie.

Les éléphants du désert ne sont pas considérés comme une espèce différente de leurs cousins des savanes, mais se distinguent d’eux par des caractéristiques géographiques, physiques et comportementales. Ils font moins d’enfants qu’ils doivent allaiter beaucoup plus longtemps que leurs congénères des savanes. Et si leurs corps sont plus grands et minces, avec de longues jambes et de larges pieds, c’est surtout leur extraordinaire adaptation à un environnement hostile qui fait d’eux un groupe d’individus unique au monde.
« Voortrekker est rentré chez lui au début des années 2000, commençant un relais d’expéditions en direction du sud, pénétrant de plus en plus profondément dans le paysage sec et incertain avant de commencer par une traversée épique de la Région Ugab. C’était un marathon à travers des plaines arides et d’anciens cratères qui ont redéfini ce que nous savons de l’endurance, de l’intuition et du comportement des éléphants. La façon dont il se dirigeait, ou savait où trouver de l’eau, reste un mystère à ce jour. » témoigne le guide de safari Alan McSmith pour AfricaGeographic
Voortrekker a été observé et étudié par de nombreux scientifiques qui se sont rendus compte d’un fait surprenant. Ce n’est pas grâce à leurs gènes que les éléphants se sont transmis comment vivre dans le désert, mais grâce à l’expérience des anciens que ces derniers enseignent aux autres membres du troupeau.
Creuser des puits dans des endroits particuliers, adapter leur diète pour choisir les aliments les plus nutritifs, garder l’eau dans leurs gorges plus longtemps que les éléphants des savanes, et se cacher quand les chasseurs rôdent. Avec la mort de Voortrekker, c’est tout un pan de leur culture et de leurs connaissances qui s’éteint. Et menace directement la survie à long terme du troupeau, déjà grandement fragilisé par les permis de chasse.
Un permis de tuer accordé par les autorités namibiennes
En plus de ces incroyables aptitudes, Voortrekker était un éléphant mythique connu et admiré par des millions de personnes grâce à son tempérament calme qui faisait de lui l’un des éléphants les plus plébiscités par les touristes pour le prendre en photo. De nombreuses associations de défense des animaux accusent les autorités namibiennes d’avoir accordé un permis de chasser le mauvais animal, Voortrekker étant tellement pacifique que sa présence était réputée pour calmer les éléphants plus jeunes et plus fougueux.

Dans un post Facebook, le Ministère de l’Environnement et du Tourisme de Namibie se défend en expliquant avoir dépensé 4 millions de dollars namibiens pour construire des points d’eau destinés aux pachydermes. Malgré leurs efforts, la destruction d’installations humaines aurait continué.
L’argumentaire est loin de satisfaire les ONG locales qui avait adressées, un jour avant que Voortrekker soit tué, une lettre aux autorités arguant qu’aucun des éléphants de son troupeau ne s’était rendu aussi loin que les accusations portées et demandait donc au gouvernement de retirer le permis de tuer.
En 2008, la vie de Voortrekker avait été épargnée des balles d’un chasseur de trophées grâce à une mobilisation internationale permettant de récolter assez d’argent pour lui sauver la vie. Bien qu’il ait perdu ses défenses depuis quelques temps, Voortrekker restait un trophée potentiel pour de nombreux chasseurs, attirés par son charisme et sa célébrité. Cette année, le porte-parole du gouvernement, Romeo Muyunda Lee, a indiqué que la somme reçue pour la mort de ce patriarche est de 120 000 dollars namibiens (environ 8 500 dollars US). Pour l’heure, il n’est pas encore clair s’il s’agit du prix total payé ou de la partie versée aux communautés qui auraient subi des dommages matériels.
Les associations de conservation des animaux s’insurgent contre ces méthodes d’extermination massive qui ne font qu’empirer les relations entre humains et pachydermes, ces derniers devenant de plus en plus méfiants et hostiles face au risque d’être abattus. La mort de Voortrekker est une tragédie qui témoigne de l’incapacité de l’humain à vivre pacifiquement avec d’autres espèces.