Un éboulement dans la plus grande décharge d’ordures de l’Ethiopie, près de la capitale Addis Abeba, a provoqué la mort d’au moins 113 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants qui vivaient et travaillaient là-bas pour survivre. L’Agence française de développement et la multinationale Vinci, qui devaient réhabiliter la décharge, sont pointées du doigt.
Les misérables contemporains…
La décharge de Koshe est depuis plus de 40 ans le lieu principal d’entreposage des ordures de la capitale aux 4 millions d’habitants, Addis Abeba. Véritable montagne d’ordures de 30 hectares, elle est également le lieu de travail de toute une frange de la population en situation d’extrême pauvreté. On les appelle les waste pickers ou les « chiffonniers », gagnant leur vie à fouiller les déchets en quête de matières recyclables ou réutilisables, et vivant parfois même sur place. Des témoins affirment alors avoir vu, mercredi 11 mars, un flanc de la principale montagne de déchets se détacher subitement, emportant dans sa chute les habitations de fortune accolées ainsi que de nombreux chiffonniers qui étaient en train de travailler. Le bilan est à ce jour de 113 victimes, et le gouvernement éthiopien a annoncé un deuil national de trois jours.
Deux sons de cloche
S’il est difficile de connaitre la cause exacte de cet éboulement, des accusations ont été portées contre des entreprises – apparemment chinoises – qui avaient entrepris la construction d’une unité de génération « biogaz ». Ces travaux impliquaient d’aplanir le sommet de la montagne d’ordures et auraient pu accentuer la pression sur les flancs de celle-ci et mener au détachement du flanc. Cependant le porte-parole du gouvernement a rejeté ces accusations et porté la faute sur l’activité même de ces chiffonniers qui creusent la montagne d’ordures. Il a par ailleurs souligné que le gouvernement a à plusieurs reprises demandé l’évacuation de la décharge, sans succès. Il semble que le choix entre ces deux versions des faits soit vite fait, et qu’il est hypocrite de la part du gouvernement de plaider l’innocence sous prétexte qu’il avait demandé l’évacuation de la décharge ; quelle solution de recours était proposée aux chiffonniers ? Comment auraient-ils pu subvenir à leurs besoins sans ce travail dangereux et misérable ?
L’AFD favorise les entreprises ?
Un article publié par multinationales.org souligne également la responsabilité de l’Agence française de développement (AFD) dans cette catastrophe. Elle constate que l’AFD avait accordé un prêt de 20 millions d’euros à l’entreprise française Vinci pour construire une « nouvelle infrastructure de stockage », soit, une nouvelle décharge. Ainsi, les ressources de l’AFD profitaient avant tout aux multinationales françaises, et non pas directement aux populations locales. Même s’il est louable de vouloir construire une nouvelle infrastructure de gestion des déchets plus décente, le problème humain des conditions de vie de ces travailleurs auraient bien évidemment dû être une priorité. L’AFD avait également précisé avoir « soutenu la réhabilitation de 19 hectares sur les 30 que compte le site de Koshe, permettant un nettoyage total préalable à sa fermeture ».
Un modèle coopératif est possible et souhaitable
Pour Flore Berlingen, directrice de Zero Waste France, une autre approche est possible. Plutôt que de favoriser les grandes entreprises en leur accordant des prêts aux montants pharaoniques pour la construction de nouvelles infrastructures (dont elles seront les premières bénéficiaires et non les populations dans le besoin), Flore Berlingen propose de travailler avec ces waste pickers pour construire ensemble des solutions adaptées et responsables. Ce modèle a d’ailleurs déjà fait ses preuves, ne serait-ce qu’à San Francisco, la première ville « zéro déchet » au monde, où l’entreprise chargée de la gestion des déchets est elle-même issue d’une coopérative de chiffonniers créée en 1921.

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