Une victoire pour l’environnement : ce lundi 21 août, le comité interministériel chargé d’examiner un projet minier et portuaire au centre du Chili a annoncé via Twitter son rejet, estimant « qu’il ne garantissait pas la sécurité » de la réserve nationale des manchots de Humbolt, qui s’étend sur trois îles (Chañaral, Choros et Damas) et plus de 800 hectares.
Privilégier l’environnement
Appuyant le communiqué, le ministre de l’environnement chilien, Marcelo Mena, a déclaré qu’il n’était pas « contre le développement économique, ni contre les projets nécessaires à la croissance du pays, mais ceux-ci doivent répondre de manière adéquate des impacts qu’ils peuvent engendrer ».
C’est un coup dur pour le conglomérat minier chilien Andes Iron, qui comptait construire un port dans la région pour exploiter à ciel ouvert les gisements miniers qu’elle renferme, pour une production estimée de 12 millions de tonnes de fer et 150 000 tonnes de concentré de cuivre par an. Atteignant 2,5 milliards de dollars, cet investissement serait venu assurer la position dominante de l’activité minière dans l’économie du Chili (le cuivre représente 50% des exportations du pays), menacée depuis quelques années par une baisse des prix du minerai.
Déjà rejeté une première fois par une commission d’étude d’impact environnemental, le projet a été étudié en appel par un comité formé par les ministères de l’environnement, de l’économie, de l’exploitation minière, de l’agriculture et de l’énergie qui a confirmé les inquiétudes émises par la commission à propos de la biodiversité florissante de la région.

Réserve naturelle convoitée
En effet, la région de Coquimbo abrite trois réserves naturelles protégées : deux aires marines où l’on recense huit espèces de baleines et neuf de dauphins, et une aire terrestre abritant 80% de la population mondiale de manchots de Humbolt, soit 16 000 couples nicheurs. Cette espèce de manchots, quasiment endémique de la région (on ne la trouve qu’au Pérou et au Chili), est classée « vulnérable » par l’IUCN, qui recense les espèces en danger. Ce niveau de menace, seulement un cran au-dessus de « menacé », est attribué à l’espèce depuis 2000. En effet, la population autrefois florissante de manchots de Humbolt (plusieurs centaines de milliers d’individus au XIXème siècle) a été largement décimée par l’exploitation du guano, à partir de 1820.
Cet engrais naturel, extrêmement efficace, est composé des excréments des manchots, accumulés sur les îles qu’ils habitent pendant des décennies. Entre 1820 et 1850, plus de 12 millions de tonnes de guano ont était extraites par des compagnies privées, faisant la fortune de leur propriétaires et déclenchant même une guerre entre les Etats-Unis, le Pérou et le Chili. Une fois les « gisements » épuisés, l’habitat naturel des manchots de Humbolt s’est trouvé entièrement défiguré, provoquant la chute de leur population.

Aller plus loin
Pour les associations de défense de l’environnement, il est donc crucial de protéger les derniers individus. Si les militants se réjouissent de la décision du comité ministériel, ils estiment que le gouvernement ne va pas assez loin : l’ONG Oceana, par exemple, « considère les réserves naturelles actuelles trop étriquées », et « revendique la création d’un sanctuaire marin d’importance mondiale » qui rassemblerait de manière continue (sur plus de 3 000 km²) les trois petites réserves actuelles. Dans un communiqué entérinant la décision du comité ministériel, l’ONG a renouvelé hier cette demande et plaidé pour une valorisation d’activité durables dans la région (pêche traditionnelle, tourisme d’observation des baleines et des manchots) plutôt que d’investissements miniers.
Soulignons enfin l’importance symbolique d’une telle décision pour le Chili, qui décide d’aller à l’encontre de ses intérêts économiques traditionnels afin de privilégier la sauvegarde de l’environnement. Le résultat d’un travail acharné de la part d’organisations environnementales locales, et l’indice d’une prise de conscience au niveau du pays, qui devra encore triompher des deux recours encore possibles pour Andes Iron, l’un devant un tribunal environnemental, l’autre devant la Cour suprême.

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