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Victoire : les fonds marins sont protégés de l’exploitation minière pour encore au moins 1 an

« Nous ne pouvons et ne devons pas nous lancer dans une nouvelle activité industrielle alors que nous ne sommes pas en mesure d'en mesurer pleinement les conséquences et risquons donc de causer des dommages irréversibles à nos écosystèmes marins » a déclaré dans un discours le secrétaire d'État français à la mer, Hervé Berville

Nouvelle victoire d’étape importante pour les protecteurs des fonds marins. Alors que leur exploitation minière devait débuter en juillet 2023, poussée par des industriels avides de métaux rares, les négociations au sein de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) ont conclu qu’il n’était pas possible de démarrer l’activité en raison des dégâts environnementaux considérables qu’elle entraînerait. Une interdiction prolongée, poussée par une vingtaine de gouvernements, sera débattue l’an prochain.

Voilà maintenant plusieurs années que les fonds marins sont convoités pour les métaux rares dont ils recèlent, et notamment les nodules polymétalliques qui tapissent le sol de l’Océan. L’exploitation minière en eaux profondes, ou deep-sea mining, consiste à aller chercher dans les sous-sols de l’Océan des minéraux et terres rares, notamment du nickel, du cobalt, du cuivre et du manganèse, qui entrent dans la composition de différents appareils électroniques et de nouvelles technologies.

Or, pour la communauté scientifique, l’extraction de métaux stratégiques dans les abysses, les zones « les moins accessibles de la planète, et donc les moins connues sur terre », est un danger immense pour la sauvegarde des écosystèmes océaniques, et de la capacité de l’Océan à séquestrer le carbone et émettre de l’oxygène.

C’est pourquoi une coalition internationale prend de plus en plus d’ampleur chaque année pour protéger les fonds marins du deep-sea mining. Les négociations qui viennent de s’achever au sein de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) étaient cruciales. Elles pouvaient décider du démarrage immédiat de leur exploitation.

Les protecteurs de l’Océan viennent d’obtenir un grand répit en ayant convaincu une majorité de pays membres de s’opposer à cette exploitation pour l’année 2023 – 2024.

« L’industrie de l’exploitation minière en eaux profondes a largement sous-estimé l’importance de la science par rapport à un objectif purement mercantile. L’intérêt croissant du public, et la mobilisation de la société civile, font naître des dissensions dans ce qui était jusqu’à présent une dynamique très pro industrie au sein de l’AIFM. Il est clair que la plupart des gouvernements ne veulent pas laisser en héritage un blanc-seing à la destruction des océans », souligne François Chartier, chargé de campagne Océan à Greenpeace France

Les scientifiques estiment que le moyen d’empêcher les dégâts de cette industrie est d’adopter un moratoire sur cette activité.

La proposition de moratoire est portée par une vingtaine de pays – dont la France, le Brésil, le Costa Rica, le Chili, Vanuatu, l’Allemagne et la Suisse – tandis que d’autres, au contraire, veulent accélérer l’adoption de règles relatives à l’exploitation minière en eaux profondes et notamment la Norvège, Nauru et le Mexique.

« Nous ne pouvons et ne devons pas nous lancer dans une nouvelle activité industrielle alors que nous ne sommes pas en mesure d’en mesurer pleinement les conséquences et risquons donc de causer des dommages irréversibles à nos écosystèmes marins » a déclaré dans un discours le secrétaire d’État français à la mer, Hervé Berville

La Chine a été particulièrement tenace lors des négociations et n’a consenti qu’à la dernière minute d’avoir un débat entre les Etats membres sur le fameux moratoire l’an prochain. Preuve des enjeux hautement stratégiques autour des métaux reposant dans les fonds marins, les journalistes ont été empêchés d’assister à certains temps forts des négociations et les manifestations pacifiques des militants bridées.

Une posture opaque qui a provoqué l’inquiétude des acteurs impliqués dans la protection des fonds marins. Ce n’est pas la première fois que l’Autorité Internationale des Fonds Marins est incriminée pour son attitude complaisante envers l’industrie minière. Heureusement, l’histoire finit bien et le code minier polémique n’a pas été adopté cette année. Prochaine bataille : juillet 2024.

« Nous avons veillé à ce qu’une autre discussion clé sur les questions de gouvernance de l’ISA ait également lieu en 2024, sous le point de l’ordre du jour de la révision de l’ISA. Nous allons continuer à pousser davantage d’États à rejoindre le moratoire du deep-sea mining et demander aux États qui n’étaient pas présents dans la salle de l’être en 2024 » explique Anne-Sophie Roux, activiste pour les fonds marins, pour La Relève et La Peste

22 contrats d’exploration ont déjà été accordés par l’AIFM. Si jamais ces contrats venaient à être convertis en licences d’exploitation, comme c’est leur but, cela créerait la plus vaste exploitation minière jamais entreprise dans l’histoire de l’humanité. 

C’est pourquoi la mobilisation grandit contre le projet. Les communautés du Pacifique se sont jointes à des acteurs du monde entier pour s’y opposer : 37 institutions financières, plus de 750 scientifiques et même l’industrie de la pêche se sont prononcés pour l’arrêt de l’exploitation minière.

« Dans la zone Pacifique, l’océan nous est précieux. Il influence nos vies et notre identité en tant que peuple. Le spectre de l’exploitation minière en eaux profondes soulève de nombreuses inquiétudes qui nous rappellent l’héritage tragique légué par d’autres industries extractives coloniales et de l’époque barbare des essais nucléaires. Nous appelons les dirigeants mondiaux à mieux gérer nos océans en se joignant à l’appel en faveur d’un moratoire », a déclaré Joey Tau, responsable de campagne au sein du Pacific Network on Globalisation (PANG), basé à Suva, dans les îles Fidji.

Et les décisions politiques ont des répercussions économiques directes. L’entreprise la plus en avance dans le développement de cette activité, The Metals Company, a vu le cours de son action s’effondrer lorsque les marchés ont appris que l’AIFM suspendait la possibilité d’extraire les métaux des fonds marins pendant encore 1 an au moins.

Prochaine étape : résoudre la faille juridique permettant aux entreprises de commencer l’exploitation minière l’année prochaine. De son côté, l’AIFM a annoncé vouloir finaliser le code minier pour 2025, date à laquelle l’exploitation des fonds marins pourrait officiellement débuter. La bataille autour des fonds marins a encore un long chemin devant elle.

Laurie Debove

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