Après avoir été reconnu responsable de manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique et de « préjudice écologique » en février, l’Etat français a été définitivement condamné par le tribunal administratif de Paris dans l’Affaire du Siècle. Désormais, les gouvernements successifs sont obligés de respecter strictement les engagements climatiques de la France. Cerise sur le gâteau pour les 4 ONG requérantes et les 2,3 millions de citoyens ayant soutenu l’Affaire du Siècle : l’État français est également sommé de réparer les dommages causés à l’environnement par son inaction, avant le 31 décembre 2022.
Plus aucun agenda politique sans justice climatique
Tous les scientifiques s’accordent à dire que la décennie actuelle est cruciale pour éviter un emballement climatique catastrophique. En France, cette réalité doit désormais se traduire en politique : le prochain quinquennat est celui de la dernière chance et les élections à venir sont décisives.
Pour les organisations de l’Affaire du Siècle : “Désormais, le-la Président-e qui ne respecterait pas les engagements climatiques de la France la condamnerait deux fois : d’abord en exposant sa population aux impacts de plus en plus dévastateurs et coûteux du changement climatiques, ensuite en l’exposant à une nouvelle condamnation par les juges.”
Les organisations Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France, invitent donc les candidats et candidates à démontrer, chiffres à l’appui, comment ils comptent sortir l’État de l’illégalité et respecter les objectifs climatiques. Les organisations évalueront ces feuilles de route avant l’élection présidentielle.
Pour respecter ses engagements climatiques, l’État devrait par exemple :
- Atteindre les 700 000 rénovations performantes par an ;
- Augmenter de 20 à 25% le trafic ferroviaire par rapport à 2018 ;
- Multiplier par 4 la surface cultivée en agriculture biologique.

14 mois pour rattraper 3 ans de retard climatique
Entre 2015 et 2018, la France a émis 15 millions de tonnes de gaz à effet de serre en trop par rapport aux engagements fixés dans les textes et notamment l’Accord de Paris, un comble pour le pays hôte de l’événement.
En effet, la France s’est engagée à diminuer ses émissions de 40 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990 et à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Au lieu de mettre en œuvre les mesures nécessaires et d’augmenter ses objectifs pour être raccord avec ceux de l’Union européenne qui vise une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre, l’Etat français a dépassé chacun des seuils qu’il s’était lui-même fixé à travers sa stratégie nationale bas-carbone (SNBC) dans les secteurs du bâtiment, des transports et agricole, tous trois extrêmement polluants.
Cette faute a mis l’État français dans l’illégalité. Avec cette décision de justice, les dirigeants politiques sont donc maintenant contraints de réparer les manquements du pays avant la fin de l’année prochaine.
15 millions de tonnes de GES devront ainsi être retranchées du “budget carbone” de la France pour 2022. Cette décision impose à l’État de doubler les réductions d’émissions prévues entre 2021 et 2022.
Pour les organisations de l’Affaire du Siècle : “A partir d’aujourd’hui, tout dérapage sur la trajectoire de réduction des gaz à effet de serre pourra être sanctionné par la justice en cas de nouveau retard. L’État a désormais une obligation de résultats pour le climat. Cette rupture nécessaire avec la politique climatique telle qu’elle est actuellement nous la devons aux juges qui se sont saisis de la question climatique et à la mobilisation sans précédent des 2,3 millions de personnes qui ont soutenu l’Affaire du Siècle.”
Cette sentence arrive au moment où Emmanuel Macron a annoncé en grande pompe son plan d’investissement France 2030, de 30 milliards d’euros, qui vise “en même temps” à décarboner et à relancer l’industrie.
Pour les associations écologistes, il s’agit avant tout d’un plan pour booster la compétitivité internationale de la France, en cohérence avec la vision économique ultra libérale qui a animé l’ensemble de son quinquennat, mais pas un plan à la hauteur des besoins de justice sociale et écologique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France.
« Le constat initial est bon, puisque climat et biodiversités ont été clairement identifiés comme le premier défi à relever. Plusieurs des annonces sont un pas dans le bon sens. Cependant, alors que tous les efforts doivent être concentrés sur la baisse très forte et très rapide de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et sur la diminution de notre consommation d’énergie et de ressources naturelles, pour revenir rapidement à une empreinte environnementale de moins d’une planète Terre par an, ce plan met l’accent sur un développement économique bien trop classique plutôt que sur la créativité au service de la sobriété et du bien vivre ensemble, en s’appuyant parfois sur de vieilles recettes comme cette pseudo innovation que seraient les mini centrales nucléaires, qui plus est en dehors de tout cadre légal. » analyse Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement.
Et il y a du travail pour rééquilibrer la balance. A l’heure actuelle, la France suit une trajectoire climatique allant vers un réchauffement de 2.6°C. La Loi Climat et Résilience n’est donc déjà pas à la hauteur du sujet, ainsi que l’avait dénoncé la Convention Citoyenne pour le Climat, et toute la Stratégie Nationale Bas Carbone du pays doit être révisée.
« Bravo aux associations pour leur travail. Bravo à tou.te.s les citoyen.nes qui s’engagent pour le climat ! Le combat n’est pas fini, mais cette victoire redonne de l’espoir. » a conclu l’eurodéputée Marie Toussaint, juriste pour l’association Notre Affaire à Tous